22 - Ephraim
Patrocle sortit de la chambre et me regarda avec des yeux écarquillés. Je raccrochai avec mon assistante et le regardai.
— Oui ?
— Tu l'as fait exprès n'est-ce pas ? souffla-t-il.
Je haussai mes épaules.
— J'ai besoin d'avoir certaines informations. Si je dois les récupérer par la force, alors je le ferais.
— Elle n'a jamais eu de rapports sexuels, me confirma Patrocle.
— Très bien.
Je ne lui dis pas qu'une boule se desserra dans mon ventre. C'était un mouvement osé. Malheureusement, Lilianne ne me donnait aucune information sans contrepartie. Alors, j'attaquais. Parce que sinon, elle ne nous dirait rien. Je le voyais dans son regard. Je le voyais dans sa façon de se battre contre tout ce que je demandais et aussi à toutes les informations qu'elle retenait.
— J'ai fait préparer sa chambre par Caitlin, elle pourra s'y installer. Il y aura une livraison d'affaires pour elle dans la journée à la maison. Qu'elle choisisse ce qui lui convient, nous renverrons le reste.
Patrocle secoua la tête. Il n'aimait pas ma façon de faire, mais je devais être le plus détaché possible par rapport à tout ça. Si je commençais à crier mes ressentis, je finirais par tuer quelqu'un. J'étais un peu près sûr que je pourrais pas tuer Lilianne de mes propres mains pour plein de raisons différentes, donc je me contenterais de chopper le premier venu. Ce qui n'était pas franchement mieux.
— Ades me colle au cul pour Hunter. Je dois régler ce problème, remarquai-je. J'ai un Céracle à l'Olympe dont il faut que je m'occupe. Et Orion qui met la tête dans le sable. J'ai besoin que tu t'occupes d'elle aujourd'hui. Surveille-la.
— Elle ne partira pas, Raim, soupira Patrocle.
— Je sais. Maintenant qu'elle a vu Viktor et Hunter, elle ne pourra pas partir. Elle fera tout pour être là quand les garçons rentreront et elle fera tout pour ne pu avoir à subir leur perte. Ou qu'ils subissent la sienne.
— Tu calcules tout à l'avance ?
— Ne sous-estimes pas les conséquences de sa présence, Patrocle. Je dois vous protéger. Tous. Elle n'est pas un Catalyseur. Et nous ne sommes pas un faux Céracle. Tu le comprends ?
Je m'approchai de lui et il baissa la tête. Je regardai le couloir avant de poser de nouveau mon regard sur lui.
— Et nous ne sommes pas liés, soufflai-je. Nous sommes donc vulnérables.
— Raim.
— Non. Je n'ai rien d'autre à dire. J'ai presque une semaine de travail de retard. Je ne rentrerais pas ce soir. Je m'occupe d'Orion. Occupe-toi des garçons et...
Je posai mon regard sur la vitre du box dans lequel elle se trouvait. Je ne pouvais pas me permettre de douter maintenant qu'elle était là. Il fallait simplement qu'elle suive ce que je lui disais de faire et comment le faire. Qu'elle reste dans la même ligne que Viktor et Hunter.
Et surtout, il fallait que je réfléchisse à quoi faire pour éloigner l'attention d'Ades sur nous.
Ou pire, celle de Zeus.
Tant que je n'avais pas toutes les informations concernant son passé, je ne pouvais pas m'arrêter sur mes sentiments. Il se mettrait en travers de ma route. Et la dernière fois que j'avais fait ça, Ades n'avait pas défendu ma position.
Ni celle de Patrocle. Ou Orion. Ou Vik. Ou Hunt.
Encore moins celle de Lilianne.
La garde était revenue à Zeus, car il était son grand-père. Le père de Lilianne n'avait jamais fait partie du Clan Jacobsen. Jamais.
Maintenant, elle appartiendrait au Clan.
Maintenant, elle nous appartiendrait.
Peu importe ce que ça me coutait.
— Occupe-toi des jeunes, soufflai-je.
— Tu n'as pas à prendre tout ce poids sur tes épaules, soupira Patrocle.
— Et pourtant, je dois le faire. Sinon, des gens comme le père d'Orion veulent euthanasier des Hunter. Ou expérimenter sur des Viktor. Alors, je ferais tout, Patrocle, tout pour vous protéger. Même contre vos propres désirs.
Je lui tournai le dos et longeai le couloir vers la sortie. Je montai dans la première voiture à disposition. Patrocle et Lilianne prendraient la seconde.
— À l'Olympe, ordonnai-je.
Je me replongeai dans le nouveau portable que Patrocle m'avait donné. L'exact réplique du mien, mais sans être écouté par Ades. Cet idiot. Je savais déjà qu'il allait me demander un milliard d'éléments pour un sujet ou un autre. Et je savais déjà qu'il allait me demander la visite de Lilianne. Je devais tout faire pour repousser ça. Tant que nous n'étions pas liés à elle, ne nous pouvions assurer sa protection au maximum.
Malheureusement, ce qu'impliquait le lien ne dépendait pas que de ma volonté. Clairement.
Je posai mon front contre la vitre et pris le temps de faire l'inventaire de ce qu'impliquait dans nos vies d'avoir un autre « enfant » à la maison. Je frottai ma cuisse. Il fallait vraiment que je garde en tête que Lilianne n'était encore qu'une jeune adulte qui avait vécu trois ans dans la pauvreté. Je ne pouvais pas me permettre de faire d'erreur sur ça.
Je regardai la boîte à côté de moi. Un carton avec le label « téléphone portable affaire 20X3 ». Patrocle avait tout catalogué, donc je n'étais pas étonné que son équipe ait suivi le même chemin. J'ouvris la boîte et allumai le portable. Patrocle avait fait sauter la sécurité, si bien que je pus fouiller dans les messages de Lilianne. Il n'y avait pas grand-chose, hormis le dernier qui venait d'un dénomme « El ». Après en avoir lu quelques-uns, je compris que c'était celle qui avait été photographiée avec Lilianne. Eliska Suarez. Il y en avait plusieurs non lus, mais je m'arrêtai simplement sur le dernier.
« Reviens Lili ! Reviens ou je vais crever ! Je suis rien sans toi... ». Je soupirai. Je ne permettrai pas que Lilianne soit mise en danger à cause d'une gamine qu'elle avait rencontré dans la rue et qui appartenait vraiment à ce monde-là. Lilianne n'aurait jamais dû connaître cette partie du monde des vivants. Elle aurait dû être choyée, protégée et éduquée pour devenir l'une des plus puissantes Anamchara qui existaient depuis des siècles.
— Monsieur, nous sommes arrivés, m'informa le chauffeur.
Immédiatement, quelqu'un vint m'ouvrir ma portière. Je saluai l'équipe et bientôt, mon assistante apparut à l'entrée du casino. Je lui tendis la boîte en carton.
— Détruisez ça, ordonnai-je.
— Bien Monsieur.
— Où est Orion ?
— Monsieur Dawson est dans la Tour. Il a accueilli le Céracle Nova à neuf heures ce matin.
— Combien de temps ils restent ? grommelai-je.
Madeleine me lança un coup à moitié amusé à moitié consterné. Je lui rendis un sourire malin.
— Deux semaines Monsieur. Ils avaient envie de vacances.
— Et moi dont, marmonnai-je.
Madeleine émit un léger rire qui me tira une grimace. Elle était avec moi depuis suffisamment longtemps pour qu'on se connaisse et qu'on se fasse confiance. Son affiliation à notre Clan n'en était qu'un plus. Son pouvoir aussi à vrai dire. Elle sentait quand on lui mentait. Ce n'était pas très développé et ce n'était qu'en écoutant une personne en face d'elle qu'elle pouvait ou non savoir, mais ça aidait dans certaines circonstances.
— De quelle humeur est-il ?
— Neutre, se contenta de répondre Madeleine.
Donc ni en colère, ni triste, ni désabusé, ni heureux. Il fonctionnait. Je soupirai et agitai ma main aux clients que je reconnaissais.
— Savez-vous où est le Céracle ? Dois-je aller les saluer ?
— Nous pouvons passer voir Monsieur Dawson avant, répondit mon assistante.
Elle m'indiqua l'ascenseur et nous montâmes dedans. Je lui demandai un bref topo des réunions qui m'attendaient cette après-midi, dont une importante qui concernait l'ouverture de plusieurs établissements à New York. Une ville qui était gérée par un autre Clan, donc qui impliquait beaucoup de négociations. Bref, un enfer.
Une fois que je rentrais dans la Tour, Madeleine me fit comprendre qu'elle trouverait le Céracle pour que nous allions les voir à la fin de mon point avec Orion.
Je trouvais mon chef de la sécurité penché sur Lance. Son bras droit à lui. Ils parlaient tous les deux d'un truc électronique ou je ne savais trop quoi. Ce n'était pas pour rien que je les avais placés là.
— Bonjour à vous deux, m'annonçai-je.
Lance se leva et s'inclina face à moi. Orion le poussa à se réinstaller et s'approcha. Il m'observa et grimaça.
— Oui ? dit-il.
— Hunter est fâché, remarquai-je.
Orion eut l'air vaguement coupable avant de pivoter pour se tourner de nouveau vers ses caméras de surveillance.
— Pas forcément contre toi, admis-je. Contre moi aussi.
— Qu'est-ce que tu as fait hein ? Hormis ramener un fantôme dans nos vies sans savoir ce qu'il allait nous faire ?
— Ne soit pas mauvais, tu veux, soupirai-je. J'ai beaucoup trop de choses à gérer pour en plus de ça supporter ta mauvaise humeur.
— J'irais m'excuser auprès de Hunter.
— Ce n'est pas ce que j'attends de toi.
— Je ne veux pas la voir, siffla Orion, sa tête penchée sur le côté pour me fusiller du regard.
— Il va bien falloir pourtant.
— Pourquoi ? Quelles obligations me forcent à faire ça ?
— Orion.
— Ne commence pas avec ce ton. Il peut fonctionner sur les garçons, même sur Patrocle si tu gères bien, mais pas sur moi.
Je l'observai un instant avant de me pencher sur lui. L'odeur de son pouvoir lui collait à la peau.
— Tu as été à la Prison ? soufflai-je.
— J'étais énervé, se justifia-t-il.
Je posai ma main sur sa nuque et il se figea. J'embrassai sa tempe.
— Ne tarde pas à rentrer. Pour Hunter.
Je le relâchai et me dirigeai vers la sortie.
— Le Céracle Nova est là. Passe leur dire bonjour, m'ordonna-t-il.
Je retins un sourire. Madeleine m'attendait déjà de l'autre côté de la porte. Elle me guida jusqu'aux intéressés qui étaient réunis dans une des nombreuses piscines privées que nous avions ici. La première qui me vit fut Philomène. Une grande femme toute mince, peut-être un peu trop à mon goût, avec des cheveux longs, foncés. Elle les avait nattés pour être tranquille. En maillot de bain deux pièces, elle se leva et vint m'enlacer avec beaucoup d'emphase.
— Philomène, comment vas-tu ?
— J'ai l'impression que ça fait des années qu'on ne s'est pas vu.
— Tu n'étais pas de la partie la dernière fois non ?
Je l'écartai de mon corps pour que son odeur ne se dépose pas trop sur moi. Je connaissais déjà la date de sa mort et la gardai précieusement dans mon crâne. Le Catalyseur du Céracle, Neokles, était un homme. Tout son groupe était composé de femmes. Les joies du Premier Ordre. Je n'avais aucun commentaire à faire.
— Ephraim ! Comment te portes-tu ?
— Bien, merci. Vous avez tout ce qu'il vous faut ? Vous savez qu'Orion est à votre disposition, donc utilisez-le.
Les deux rirent avant d'être rejoints par les trois autres. Un Catalyseur était entouré de trois à quatre personnes. Il n'y avait qu'un seul Céracle à six personnes, hormis le nôtre quand nous serions liés. Et c'était celui du Clan Matras. Zeus en était très fier, même si pour moi, c'était de la contrefaçon. Comme nous en faisions depuis des siècles et des siècles.
Je restai pour discuter un peu avant de me remettre en mouvement. Madeleine m'embarqua et le reste de la journée passa très rapidement. J'eus quelques messages de Hunter et Viktor qui me montrèrent les avancées de Lilianne dans le choix de sa garde-robe et bien sûr du choix de ses meubles. Assis à mon bureau, je regardai les quelques cadres photo présents. Ils étaient tous dessus.
Tout mon futur Céracle.
Et j'avais la responsabilité de tous les protéger.
Je pris le cadre où il y avait une photo de Lilianne et Orion. Une de seules fois où il avait été la voir avant qu'elle ne soit embarquée manu militari dans son autre Clan.
Son regard pour elle voulait tout dire.
Ades l'avait toujours su.
Dès la naissance de Hunter, il nous avait réunis. Pour que nous grandissions ensemble.
Pour que nous ayons la conscience de l'existence de notre Céracle.
Jusqu'à la naissance de Hunter et Lilianne à quelques mois d'intervalles, il avait toujours pensé que nous prendrions un Catalyseur.
Et puis Hunter était arrivé, suivi de Lilianne.
Et tout avait basculé.
**
Un Ephraim très pragmatique toujours. 😎
Et quelques explications supplémentaires sur les Anamcharas et les "vrais" Ceracles comme le dit Ephraim. Vous avez des questions la dessus ? 😁😁
Ça vous plaît toujours ? 😍😳
Préparez vous au rythme du week-end 🤗🤗🤗
La bise 😘
Taki et Ada'
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