19 - Hunter
J'étais figé.
Coincé entre l'avant et le présent. Entre le passé. Et l'image que j'avais gardée de Lili.
Ma Lili.
Ma... Lili.
Si j'étais passée à côté d'elle dans la rue, est-ce que je l'aurais reconnu ? Est-ce que je me serais arrêtée sur elle ?
J'avais envie de hurler.
De pleurer. C'était trop... trop douloureux de le regarder. Parce qu'elle paraissait brisée, cassée. Et que cette réalité, je n'arrivais pas à l'assimiler, à l'accepter. Cette fille devant moi... qu'est-ce qu'il lui était arrivé ?
Qu'est-ce qu'on lui avait fait ?
Mon pouvoir monta. Il voulait exploser, jaillir. Frapper, frapper, frapper. Il voulait faire mal parce que je voulais faire mal.
Je voulais savoir. Je voulais comprendre comment... comment une vie chez Zeus avait pu la marquer comme ça.
Brisée.
Brisée.
Lili, ma Lili, qu'est-ce qu'on... qu'est-ce qu'on lui avait fait ?
J'agonisai, je pleurai. Lorsque Viktor passa devant moi pour l'attirer dans ses bras, un sanglot s'échappa de ma gorge.
Elle était là, mais ce n'était plus elle. Ce n'était plus ma Lili, cette petite fille avec un trop grand sourire, cette petite fille qui avait été le centre de mon univers de petit garçon.
Cette douleur dans ma poitrine, elle était en train de me tuer.
De m'écarteler.
Qui lui avait fait du mal ? Qui ? Je serrai mes doigts autour de mon t-shirt. J'avais du mal à respirer, du mal à...
Lili. Lili.
Oh, Lili...
Je ne comprenais pas comment tout était si différent. Comment j'avais pu croire qu'elle... qu'elle allait bien, même loin de moi. De nous.
Je me jetai en avant, parce que je ne pouvais pas rester loin plus longtemps. Je ne pouvais pas lutter contre l'attraction, contre l'envie de la sentir.
Je voulais qu'elle me dise ce qui n'allait pas.
Je voulais qu'elle me parle des cicatrices sous sa peau.
Qu'elle me montre. Qu'elle ait besoin de moi.
Mes bras les enveloppèrent, Viktor et elle. C'était notre place, là, contre elle. Avec elle.
Elle n'aurait jamais dû partir.
La promesse d'un enfant à un autre.
Je voulais qu'elle me dise ce que je ne savais pas. Je prendrais tout, absolument tout, jusqu'à la dernière miette.
Et alors, j'essaierai de trouver les mots, j'essaierai de tout prendre sur mes épaules, si seulement ça changeait tout ça.
Parce que c'était Lili. Parce qu'elle était mienne.
Qu'elle était à Viktor. Parce qu'elle était tout.
Je pleurai. Je pleurai parce que j'avais mal, parce que cette souffrance, elle me faisait me sentir vivant. Elle ne bougeait pas contre nous. Elle respirait à peine.
Mutique. Cassée.
Lili. Lili. Lili.
Je savais qu'elle ne nous avait pas oubliés. Je savais qu'elle avait pensé à nous. Qu'elle avait subi notre absence comme nous la sienne.
Je perçus à peine la voiture qui se gara.
Je ne voulais pas la lâcher, parce qu'alors, elle disparaîtrait de nouveau. Et cette fois, cette fois, si ça arrivait...
Elle était si frêle ! Si... maigre.
Qu'est-ce qu'on lui avait fait ?
Qui ? QUI ?
Je reculai d'un pas, puis d'un autre. Viktor ne bougeait pas. Il tremblait. Tout ce que je ressentais, il l'expérimentait aussi.
Il savait.
Il vibrait d'une haine sourde. La même que la mienne. La même. La même. Si j'avais pu, si j'avais su comment, j'aurais déchaîné les enfers sur les coupables.
Mes yeux se posèrent sur Ephraim.
Menteur. Menteur.
— MENTEUR !
Je me jetai sur lui. J'écrasai mes poings sur son torse. Je l'acculai et le pire, le pire, c'est qu'il me laissa faire. Il ne broncha pas, stoïque. Il encaissait.
Il acceptait.
— Tu savais ? Tu savais et tu n'as rien dit. TU N'AS RIEN DIT !
Je hurlai.
Je pleurai.
Ça faisait trop mal. Je me fracassai, je me brisai. Lili... Lili, oh Lili... C'était comme se réveiller d'un trop long rêve. D'un trop long mensonge. On nous avait fait croire qu'elle était chez Zeus, parce que c'était son Clan, parce que c'était sa place.
Qu'elle y était protégée.
Qu'elle y était aimée.
Mensonge. Mensonge.
— T'es qu'un... menteur.
Mes bras retombèrent le long de mes flancs. Je ne bougeai plus, la respiration sifflante, un poids dans la poitrine.
Mes larmes se mêlaient à ma morve, mais je m'en foutais.
J'attendais des réponses. J'attendais de comprendre.
Pourquoi ?
POURQUOI ?
Je l'avais trahie. Je n'avais pas cherché à savoir.
N'avais pas cherché à voir au-delà de ce qu'on nous avait dit.
Et en fait, c'était ça le pire.
Parce que Lili, Lili, c'était...
— Ephraim... soufflai-je dans un râle de souffrance.
Je ne savais pas gérer cet afflux d'émotions. Je ne savais pas comment faire, quoi faire. Ce qui ne faisait que me renvoyer le fait que je n'étais qu'un gamin.
Paumé, perdu.
Ravagé.
Je cachai mon visage derrière mon bras et il me serra contre lui. Il me serra fort, d'un seul bras. Et je le laissai faire, parce que malgré tout – malgré tout – j'avais besoin de ça. De lui. De son soutien. De sa présence, même si le goût acide de la trahison se voulait tenace. Insoutenable.
Je n'étais qu'une merde.
J'aurais dû savoir. J'aurais dû chercher, me battre plus fort. J'aurais dû... j'aurais dû...
Cette culpabilité ne partirait jamais.
Elle resterait, elle me hanterait. Elle m'userait.
Elle me prendrait tout. Parce que ça concernait Lili. Parce que j'étais faible. Parce que j'étais un lâche.
Parce que je n'étais RIEN DU TOUT.
Hormis une merde.
Je ne pouvais pas la regarder dans les yeux. Je ne pouvais pas me tenir devant elle. Lui sourire. L'appeler par son prénom. Je n'avais pas ce droit.
Tout n'avait été que mensonges.
La plus grosse comédie de ma vie.
Une voix perça le brouillard de ma douleur. De cette plaie béante, sanglante.
— Hunt.
Sa voix. Sa voix. Lili, Lili.
Lilianne.
Je me détachai d'Ephraim, n'arrivait pas à le regarder, à lui pardonner. Pas encore. Pas tout de suite.
Je reniflai, je me recomposai un visage. Une façade. Je ne voulais pas qu'elle voie à quel point j'étais merdique à l'intérieur.
Secoué.
Fracassé. Parce que quelqu'un, quelque part, lui avait fait du mal. Je me tournai vers elle.
Je souris, parce que c'était ce que je savais faire de mieux. Depuis toujours. C'est ce qu'on attendait de moi. Ce qu'on espérait.
— Hé, Lili.
Ma voix se brisa sur la fin. Je déglutis. J'avais envie de vomir, besoin de partir. Mais je ne pouvais pas.
Je ne pouvais pas la quitter des yeux.
Je ne pouvais plus la quitter. Plus jamais. Pas même une minute, pas même une seconde.
— Hunt.
Elle me tendait sa main. Elle m'attendait, contre Viktor qui ne la lâchait pas. Qui ne la lâcherait pas.
Plus jamais.
Une promesse inscrite dans la détermination. Dans la colère et la déception.
Je voulais être là pour elle. Qu'elle soit là pour moi.
Parce qu'il n'y avait rien de plus important. De plus puissant. Qu'elle et moi.
Qu'elle et nous.
**
Hunter c'est la petite douceur du Ceracle... Pour l'instant 😎
La bise 😘
Taki et Ada'
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