17 - Ephraim
Le regard de Lilianne s'écarquilla un peu plus quand elle comprit que nous étions dans un jet privé. Je n'allais pas en plus de ça me contenter d'une ligne commerciale. Elle fit bien attention à ce que tous ses sacs soient là et je pris note d'aller lui acheter des affaires de meilleure qualité.
Maintenant que nous étions dans ce foutu avion, je devais réfléchir à notre retour à la maison. Ni Viktor ni Hunter ne s'attendaient à la venue de Lilianne. Je n'avais même pas sous-entendu à aucun des deux que Patrocle était encore sur cette mission.
Patrocle.
Je posai mon regard sur lui. Il expliquait à Lilianne comment mettre sa ceinture et ce qu'elle pouvait demander à boire ou à manger. Elle se contenta de secouer la tête sans un mot. Je voyais bien qu'elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait là. Et bientôt, je devrais avoir cette conversation avec elle. Elle devait forcément ressentir quelque chose nous concernant. Même si ce n'était qu'une attraction basique.
Même si ce n'était qu'une vague envie.
Je prendrais le temps de le faire, mais avant, je devais réfléchir à Vik et Hunt. Ils parlaient d'elle entre eux, je le savais. Ils n'en parlaient pas à Orion. Je leur permettais très rarement de m'en parler. Patrocle n'abordait jamais le sujet.
Sept ans hors du Clan.
Et visiblement depuis trois ans dans la rue.
Ça vous changeait une personne. Je devais faire attention à ce que je faisais avec elle et comment je la ramenais chez nous. J'étais un peu près sûr que Vik et Hunt feraient tout pour l'accueillir et la faire se sentir chez soi.
Mais avant ça, je devais absolument comprendre ce qu'il s'était passé chez Zeus. Je ne demandais pas TOUS les détails, mais je voulais en demander assez pour que ça ne blesse ni Viktor, ni Hunter. Ils étaient encore jeunes et ils étaient encore en train d'apprendre à se contrôler. Je ne pouvais pas me permettre de les lâcher dans une relation avec Lilianne sans que chacun prenne conscience de sa propre valeur.
Je regardai mon téléphone pour voir les appels en absence d'Ades, de Hunter, de Viktor et d'Orion. J'avais aussi quelques mails de mon assistante et des réunions qui s'accumulaient parce que je repoussais mon emploi du temps depuis presque trois jours maintenant.
— Foutu portable, marmonnai-je.
Je ne voulais pas qu'Ades puisse me tracer et encore moins venir nous accueillir à l'aéroport. De toute façon, comme nous atterrissions à L.A, il n'aurait pas le choix que de laisser Lilianne rentrer avec nous. Elle serait sur le territoire du Clan et donc il ne pourrait pas la renvoyer. J'avais du mal à réfléchir à autre chose qu'à ce qu'elle nous avait dit.
Zeus avait essayé de l'utiliser comme un Catalyseur. Et je pariais que c'était arrivé au moment où Ades avait tenté de faire la même chose avec nous. Pourquoi ? Dans quel but ? Ades ne faisait pas un truc comme ça sans penser aux conséquences. Même s'il s'était dit que je pourrais plier, c'était idiot. Ou alors désespéré. Bref, ça ne correspondait pas à Ades.
— Je ne veux pas que tu sois surprise, annonçai-je. Alors, sache que nous irons directement dans notre maison. Là où tu vivras.
Le regard de Lilianne me trouva et elle grimaça.
— Viktor et Hunter y habitent aussi. Tout comme Orion.
— Pourquoi ?
Je clignai des yeux.
— Pourquoi vous habitez tous ensemble ? précisa-t-elle.
Patrocle me jeta un coup d'œil. Elle ne savait rien. Elle ne savait rien du tout et je n'avais aucune envie de la laisser dans l'ignorance encore longtemps. Surtout si ça me permettait d'assurer une relation stable entre elle et les garçons.
— Parce que nous sommes un Céracle en devenir. Celui du Clan Jacobsen. Et que tu en fais partie.
Son regard s'écarquilla.
— Ce qu'il veut dire, reprit Patrocle, c'est que tu ne seras pas un Catalyseur, Lili. Tu fais vraiment partie de notre Céracle.
Elle fronça les sourcils. Je me levai et tentai le tout pour le tout. De toute façon, nous n'avions plus rien à perdre et j'avais besoin qu'elle reconnaissance un minimum de choses entre nous. L'avion était déjà à une allure de croisière, donc je pouvais me permettre de me balader.
— Qu'est-ce que tu... commença Patrocle.
Il s'arrêta quand ma main s'enroula autour du menton de Lilianne. Cette dernière voulut s'écarter, mais ma prise se resserra.
— Tu ressens quelque chose n'est-ce pas ?
Ma bouche, en suspens au-dessus de la sienne, attira son regard. Elle ferma ses paupières pour se retenir. Ses mains s'enroulèrent autour de mon poignet pour me repousser, mais cela eut tout l'effet inverse.
Tout se mélangeait.
Nos odeurs.
Nos pouvoirs.
Ils se reconnaissaient.
— Tu ne comprends pas ce que tu ressens, mais tu le sens. C'est là au creux de toi, un emplacement vide. Six emplacements vides. Parce que tu n'es pas liée. Parce qu'on ne t'a jamais appris la vérité sur les Céracles. Sur les vrais liens qui unissent certaines Primordiaux.
— Ephraim, souffla Patrocle, tendu.
— Tu as grandi avec Viktor et Hunter, donc tu sais forcément ce que s'est de les avoir dans ta vie. De les avoir tous les jours avec toi. Qu'as-tu ressenti quand on t'a arraché à notre Clan ? As-tu pensé à eux ? Ils t'ont manqué ?
Je tirai les photos de ma veste et les agitai entre nous. Lilianne grinçait presque des dents à force de se retenir. Elle luttait contre ma prise.
— S'il te plaît, haleta Lilianne.
— Qu'est-ce que tu ressens quand tu me vois Lilianne ? Est-ce que tu as mal au cœur ? Est-ce que tout ton corps se tend ? Est-ce que ton pouvoir se réveille ? Est-ce que tu te sens attiré par nous ?
Mon nez frôla le sien et un gémissement passa la barrière de ses lèvres. Elle était complètement habitée par ma présence et par ce que je lui tirais.
— Tu sais que c'est différent. Tu sais que tu ne seras pas un Catalyseur parce que tu en as envie autant que nous. Quand tu verras Viktor et Hunter, quand tu verras à quel point je les ai préparés pour toi, tu me remercieras. Tu me remercieras toute ta vie de les avoir protégés pendant que tu n'étais pas là.
Son pouvoir eut un frémissement autour de nous et je le sentis jusque dans mes muscles. Ma bouche frôla la sienne, mais pas assez pour que je l'embrasse.
— Tu sais que c'est différent.
Ses yeux se rouvrirent.
J'y lus toute l'envie qui couvait en elle.
J'y lus toute la contradiction qui naissait en elle.
Elle avait peur, mais pas de moi.
D'elle. Elle avait peur de ce qu'elle pouvait faire.
Nous faire ?
— Une fois que tu auras vu Viktor et Hunter, tu ne pourras plus repartir. Car voilà, ce qu'il se passe quand tu pars, Lilianne.
Je lui pointai mon visage.
— Voilà ce qu'il se passe quand tu n'es pas là pour eux. Alors maintenant, tu vas arrêter de penser à toi. Tu vas arrêter de penser à ta survie. Tu vas commencer à penser à la leur.
Ma bouche frôla la sienne quand j'ajoutais :
— Tu vas commencer à penser à nous.
Je la relâchai et elle retomba dans son fauteuil, le corps tremblant et le souffle court. Je longeai le jet privé pour aller m'enfermer dans la salle de bain. Je m'accrochai à l'évier, à deux doigts de retourner pour vraiment l'embrasser.
Je devais me calmer. Je devais absolument contrôler tout ce qu'il se passait avec mon pouvoir, tout ce qui m'habitait. Qui n'attendait qu'elle.
Lilianne.
Lilianne.
Lilianne. Lilianne. Lilianne. Lilianne.
Je serrai les poings.
Désirée. Désirée.
Je rejetai la tête en arrière. Elle se sentait désirée.
Elle pouvait putain.
Parce qu'elle l'était.
Par tout son Céracle.
Parce qu'elle en était le centre.
Parce qu'elle était notre Anamchara.
Le centre. Le lien. Le nœud.
Et que nous attendions tous.
Nous l'avions toujours attendue.
Je passai le reste du trajet dans la chambre du fond et essayai de calmer mes nerfs. Patrocle essayait de discuter avec Lilianne, mais elle était toute aussi perturbée que moi.
J'avais peut-être attaqué un peu fort, mais à quoi bon tourner autour du pot ? Elle allait revoir Viktor et Hunter. Je voulais que ça lui fasse mal. De voir qu'ils avaient grandi sans elle. Je voulais qu'elle se rende compte de la bêtise qu'elle avait faite quand elle n'était pas venue vers nous pour trouver de l'aide.
Qu'elle avait choisi de fuir, plutôt que de venir à nous.
Quand l'avion atterrit, je pris le temps de remettre en forme. Je nouai ma cravate et remis ma veste.
Je ne croisai pas le regard de Lilianne quand je sortis de la chambre. Je me contentai de récupérer mes gants et mes lunettes de soleil. Je passai les deux et me tins droit pour sortir de l'avion. Je me figeai à la première marche et Lilianne heurta mon dos. Elle couina et se recula, mais heurta Patrocle derrière elle. On se figea tous.
— Raim ?
Je terminai de descendre les marches, les yeux rivés sur l'homme qui se tenait contre sa limousine à plusieurs mètres de là. Patrocle jura dans sa barbe quand il vit qu'Ades était là.
— Montez dans la voiture et rentrez. Je m'en occupe.
— Quoi ? souffla Lilianne.
— Patrocle, ordonnai-je.
Je crus sentir la main de Lilianne frôler mon bras pour s'agripper à moi, mais j'avançai déjà vers la limousine. Le regard d'Ades suivit Patrocle et Lilianne. Ils se faufilèrent vers la voiture qui nous attendait et Patrocle poussa la jeune femme à rentrer sans autre commentaire.
Zeke frôla ma joue et disparut de nouveau. Ades grimaça quand il le vit faire, mais je ne relevai pas. C'était sa façon à lui de montrer à Ades qui nous étions.
Et qu'il devait nous craindre, même en tant que Chef de Clan.
— Il aurait été préférable de ne rien faire, m'annonça directement Ades.
Ses cheveux gris, presque argent, prirent les reflets du soleil. Je n'enlevai ni mes gants ni mes lunettes. Je ne voulais pas lui offrir ça. Je pivotai pour voir la voiture partir.
— Elle est sur le territoire du Clan, elle répondra à ses lois.
— À quoi penses-tu Ephraim ? Tu veux enfin prendre ta place au sein du Clan. Je dois comprendre que tu es prêt à gérer le Clan dans son ensemble ?
— Non.
— À quoi pensais-tu en ramenant ton Anamchara ici, bon sang ? Qu'est-ce que tu crois que je pense ?
Je pouvais sentir son énervement, sa colère.
Il ne m'avait pas cru capable d'aller la chercher moi-même.
D'aller à l'encontre de ses ordres.
Je m'approchai de lui et observai son visage. Je finis par retirer mes lunettes. Mes yeux n'avaient pas du tout la bonne couleur.
— Est-ce que tu le savais ? soufflai-je. Est-ce que tu savais ce que Zeus avait tenté sur elle quand tu nous as présenté Emeline ?
— Ephraim, commença-t-il.
Je levai une main pour l'arrêter. La trahison que je ressentais prenait le pas sur ma loyauté à une vitesse grandissante.
— Tu sais ce qu'il s'est passé là-bas hein ? Pourquoi elle est partie, pourquoi elle a fui.
— Et toi ? rétorqua Ades.
Mes poings se serrèrent. C'était la seconde fois dans toute ma vie où je voulais lui foutre sur la gueule.
— Pauvre con, sifflai-je.
— Rappelle-toi qui je suis, Primordial.
Je ricanai avant de faire un pas de plus. Nos torses se frôlèrent. Nous faisions la même taille. Nous avions les mêmes yeux.
— Rappelle-toi qui je suis, rétorquai-je. Je connais la date de ta mort, ne me force pas à l'avancer.
Ades grimaça.
Je n'avais plus aucune limite.
Je n'avais plus aucun respect pour lui.
Pour ce que j'en savais, il avait peut-être tout prévu avec Zeus.
— Je ne vivrais plus dans le mensonge et la lâcheté. Elle est mon Anamchara. Je ne cesserai jamais de la protéger. Même contre toi.
Son visage se durcit de colère.
Un jeu dangereux venait de commencer.
**
On parle d'Ephraim du coup ? Et de sa petite déclaration ? 🤤🤤🤤
Chapitre préféré de Madame Taki. Qui dit oui ? 😂😂😂😂
La bise 😘
Taki et Ada'
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