14 - Ephraim

Quand vous sauviez quelqu'un, vous aviez toujours l'impression de bien faire. Malheureusement, il existait deux versions à chaque histoire et clairement, Lilianne subissait la sienne en ce moment. Elle n'avait pas beaucoup mangé, mais bien assez à mes yeux. Les enfants des rues mangeaient au-delà de leur faim, donc je savais qu'elle avait encore de la place, mais qu'elle ne pouvait pas se permettre d'être malade et de gaspiller la nourriture qu'elle venait d'ingérer.

— Nous sommes là pour t'aider avant tout, Lili, remarqua Patrocle, une fois son burger terminé.

Je m'étais contenté des petites salades fraîches. À cette heure, je n'avais pas spécialement faim, mais si nous ne dormions pas, le décalage horaire jusqu'à Los Angeles nous taperait la tête. Et rien de pire que d'être dans le jetlag et d'avoir faim. Je pris même un verre de vin pour essayer de me détendre, mais franchement, Lilianne n'aidait pas. Je voyais qu'elle cherchait un moyen de s'échapper. Et une partie de moi allait être très terre à terre dès que nous serions à la maison. Si elle tentait encore une fois de s'échapper, je lui collais un GPS dans le crâne. Maintenant que Zeke avait repéré son odeur, j'étais presque sûr qu'il pourrait agit comme un GPS vivant. C'était un avantage que je n'allais pas laisser passer.

— Je n'ai pas demandé votre aide. J'étais très bien toute seule. Je peux continuer à l'être. Je dois continuer à l'être.

Patrocle haussa un sourcil et Zeke tendit sa main pour frôler une mèche de cheveux trempée de Lilianne. Intéressant. Il touchait rarement de son propre fait les autres. Hormis quand il devait tuer pour le compte de Patrocle. Les interactions de Zeke avec Lilianne nous montraient tout ce dont nous avions besoin de savoir.

Elle était notre élément manquant.

Elle était le centre de Céracle.

Celle qui nous lierait pour de bon.

Et vu sa tronche, elle n'en avait strictement aucune idée.

Si je devais passer pour le méchant, parfait, j'allais prendre ce rôle très à cœur. Elle n'avait que dix-neuf ans bon sang. Qu'est-ce qu'elle foutait loin de son Clan ? Loin de son Céracle ? Comment en étions-nous arrivés là ?

Défendue.

Je clignai des yeux et l'observai.

— Pourquoi devais-tu être seule, Lili ?

— Parce que, rétorqua-t-elle.

Défendue. Défendue. Défendue. Défendue.

Défendue.

Défendue.

Meurtrière.

Ces pensées allaient vraiment être un problème si je n'arrivais pas à gérer leur afflux. J'étais un peu près sûr que c'étaient les pensées de Lilianne. Alors pourquoi ?

— Tu n'as pas à être seule, insista Patrocle. Et j'aimerais vraiment que tu puisses voir notre venue comme quelque chose de positif. N'as-tu pas envie de revoir Viktor ? De revoir Hunter ?

Son regard se fixa brusquement sur Patrocle. Je lus la douleur sur son visage. Je lus à quel point cela lui faisait mal qu'on en parle. Mais bordel, pourquoi ? Si elle ressentait ce que nous ressentions, comment pouvait-elle être à ce point en souffrance rien qu'en parlant d'eux ?

Est-ce que je voulais vraiment la ramener dans l'espace stable que j'avais construit pour Viktor et Hunter ? Le doute creusa sa place dans mon torse, jusqu'à me donner une crise d'angoisse.

— Ta mère faisait partie du Clan Jacobsen, remarquai-je d'une voix grave. Tu aurais pu venir chercher de l'aide dans notre Clan. Alors pourquoi ? Tu as grandi dans ce Clan, rien ne t'était arrivé chez nous. Tu aurais dû venir, Lilianne.

Lili, me reprit Zeke.

Il avait enroulé son doigt d'une mèche de cheveux et la reniflait de temps en temps avec un sourire diabolique.

— Je veux juste rentrer. Je ne suis plus celle que vous cherchez.

— Pourquoi dois-tu être seule ? insista Patrocle. Nous pouvons te protéger. Nous pouvons t'aider.

— Non, rétorqua-t-elle.

— Pourquoi pas ?

— Pourquoi vous voudriez me protéger ? souffla-t-elle. Je ne suis rien pour le Clan Jacobsen. Même si ma mère faisait partie de votre Clan, ce n'est plus le cas. Je ne suis pas de votre clan et je ne vous appartiens pas.

Oh. Comme elle se trompait.

— Pourquoi êtes-vous venu ? Vous voulez vous lier à moi ? Vous voulez m'utiliser comme ils ont voulu le faire ?

Ses mains tremblaient sur la table. L'atmosphère dans la pièce changea brusquement.

Ça devint glacial à une vitesse impressionnante.

Que venait-elle de sous-entendre exactement ?

— Qu'est-ce que tu as dit ? murmura Patrocle, d'un ton bien plus froid et détaché que ce que j'appréciais chez lui.

Zeke l'observa du coin de l'œil, son nez presque dans les cheveux de Lilianne. Elle ne s'était pas écartée et ne faisait presque pas attention à lui.

Cette scène n'avait aucun sens.

Ce qu'elle venait de dire n'avait aucun sens.

Elle n'avait pas dix-huit ans.

Elle n'avait pas son Céracle dans le Clan de Zeus.

Je pivotai pour cacher mon expression.

La rage se disputait au dégout en moi.

Je tentais de me rappeler les paroles d'Ades.

Je tentais de me rappeler ce qu'il m'avait dit à son retour de chez Zeus.

Après qu'il ait osé me proposer un Catalyseur.

Parce que Lilianne avait été emmené dans le Clan de Zeus.

Parce que ses parents étaient morts.

Parce qu'elle n'était pas de notre famille.

Qu'on ne liait personne avant ses dix-huit ans, au grand minimum.

Et ça pouvait aller beaucoup plus tard selon le temps d'entraînement dont un Catalyseur pouvait avoir besoin.

Utiliser.

Utiliser.

Comment avait-elle pu être utilisée par Zeus ?

On n'utilisait pas un Primordial.

On utilisait un Catalyseur.

On ne forçait pas un Primordial.

On utilisait un Catalyseur.

Un Catalyseur.

Un Primordial baisait un Catalyseur pour se lier à lui.

Pour former un Céracle.

Un faux Céracle.

On attendait dix-huit ans parce que le lien pour former un Céracle impliquait du sexe.

Je déglutis et posai mes mains sur le meuble devant moi.

Le miroir me renvoya mon reflet.

Dégouté.

Déformé.

Que venait-elle de sous-entendre putain ?

QUE VENAIT-ELLE DE SOUS-ENTENDRE ?

Mon pouvoir rampa sur mes épaules et mes yeux changèrent.

Je les fermai et tentai de respirer.

Elle ne pouvait pas avoir sous-entendu ça.

Elle est partie, Ephraim. Zeus n'a rien dit de plus. Elle ne voulait pas suivre les règles du Clan. Mais tu comprends, c'était sa petite fille, il n'a pas pu la tuer. Il la laisser s'enfuir.

Je sentis la nausée grimper dans ma gorge et m'empêcher de respirer.

Ades nous avait servi ce discours en espérant que nous ne chercherions rien derrière.

Patrocle n'y avait pas cru.

Il pensait que Lilianne avait fui. Fui pour des raisons bien particulières qu'il ne connaissait pas encore, mais qu'il voulait comprendre.

À défaut de l'avoir pour lui, il voulait comprendre.

Comme nous tous.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? souffla Lilianne à Zeke.

Tu vas comprendre pourquoi ils sont là pour toi, murmura-t-il en retour. Tu vas comprendre pourquoi tu peux les croire quand ils te disent que tu seras en sécurité avec eux. Avec nous.

Quand je pivotai à moitié, je découvris Zeke qui tenait Lilianne contre lui.

Il lui faisait... un câlin ? 

**

Une bonne partie de la réponse se trouve dans ce chapitre 😳😳

Et les liens commencent à se voir... 😍

Un deuxième chapitre dans la journée 😎

La bise 😘

Taki et Ada'

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