13 - Hunter
Je faisais des longueurs.
Encore. Encore. Mon corps flouté par l'eau de la piscine, rien autour hormis mes mouvements. Je savais que regarder mon téléphone ne changerait rien. Je n'aurais aucune nouvelle d'Ephraim. Aucune réponse à mes messages. Pas un mot. Rien. Et bon sang, ça avait le don de me rendre fou.
De me faire douter de tout. Seulement j'étais celui qui encaissait, celui qui souriait, celui que rien n'atteignait. Il y avait une bonne synergie dans notre groupe. On fonctionnait comme ça depuis des années et je ne pouvais pas laisser mes crises existentielles venir tout foutre en l'air. Je manquais de confiance en moi, ce n'était pas nouveau, mais habituellement, Viktor en avait pour deux. Je savais qu'il détestait lorsque je me dévaluais, tout comme je détestais lorsqu'il laissait sous-entendre que c'était un monstre.
Nous l'étions tous les deux alors.
Parce que nous avions pété un câble tous les deux. Et qu'Ephraim avait encaissé. Le Faucheur marqué à vie.
Je retournai à mes longues, ne m'arrêtai pas. Il n'était pas encore très tard. Orion n'allait pas tarder à rentrer et Viktor aussi.
Ephraim et Patrocle étaient on ne savait où et franchement, ça me rendait fou. Le silence avait le don de me faire cogiter, l'absence d'Ephraim de me faire tourner en rond. Nous avions grandi avec eux et pour moi, Ephraim représentait plus qu'il n'aurait dû dans le sens où ne partagions aucun lien de sang. Ça allait même au-delà du Clan.
Nous étions un groupe dont il manquait un maillon.
Dont il manquerait toujours un maillon.
Une ombre autour de la piscine attira mon attention et je vis Orion apparaître, encore dans sa tenue sombre de boulot. Il dégageait un sacré magnétisme dans ce costard. On ne rigolait pas avec lui, surtout pas quand on savait qu'il pouvait vous rendre fou. Littéralement. Son don, il l'utilisait rarement, parce qu'il le maîtrisait. Il en était le maître, pas comme moi. C'était peut-être pour ça qu'Ephraim ne voulait pas que je rejoigne l'UOP. Parce que j'étais un incapable, un gamin du Clan qui ne savait pas gérer ses dons.
— Est-ce qu'il faut que j'implore pour avoir des nouvelles ? soufflai-je.
Orion se passa une main dans les cheveux.
— Tu connais la règle, Hunt. Si Ephraim ne te répond pas, c'est qu'il a une bonne raison.
— Ou qu'il juge qu'il n'a pas besoin de le faire.
Du pareil au même. Je détournai les yeux. En ce moment, je n'arrêtais pas de penser à Lili. La seule personne qui aurait pu avoir des informations sans rien avoir à donner en contrepartie détestait tellement l'idée de parler d'elle que je n'osais même pas prononcer son nom.
Orion s'entendait avec tout le monde. Ou presque. Il avait des relations un peu partout, parvenait à discuter avec les Céracles sans que ça tourne aux jeux de pouvoir et il était donc, à mes yeux, les miens placés pour savoir si elle était toujours chez Zeus.
Nous n'allions pas d'un Clan à un autre, même pour une courte visite.
On ne s'immisçait pas dans les affaires de Zeus sans avoir une très, très bonne raison.
Elle était ma raison.
Depuis le début.
Lili. Lili. Lili.
C'était idiot, parce qu'elle était partie quand j'étais encore un gamin. Mais même à douze ans, j'avais été capable de dire qu'il n'y aurait qu'elle.
Bien sûr qu'il y avait eu une ou deux filles au fil des années. Mais ça n'avait pas duré, parce que je ne voulais pas.
Je ne voulais d'aucune d'entre elles.
J'avais grandi avec Lili. J'avais aimé Lili et je l'aimais encore. Mais elle était partie. Et aujourd'hui, personne ne voulait en parler.
Personne. Surtout pas Orion.
— Tu as eu des nouvelles de Ma ? s'enquit Orion.
Je détournai les yeux.
— Elle est occupée.
— Elle n'est jamais trop occupée pour toi, Hunt.
— Si tu le dis.
Je me hissai en dehors de la piscine et me séchai.
— Aller vient, je vais réchauffer ce que Caitlin a préparé.
Je haussai les épaules, le laissai disparaître à l'intérieur. Lorsque je me tournai vers la piscine et que je croisai mon regard dans l'eau tremblotante, j'avais les yeux d'un animal, plus celui d'un humain. Mon don roulait sous ma peau. Agacé, j'attrapai mon téléphone et tapai un nouveau message à Ephraim. Son silence m'étouffait. Déjà que je devais faire semblait que son exil à Las Vegas ne me dérangeait pas, mais ça ?
Sérieusement.
J'inspirai, laissai couler. Et réussis à sourire à nouveau. Parfois, ça ne servait à rien de rester bloquer sur un problème. Ce dernier finirait forcément par se résoudre.
Je passai par la salle de bain du bas avant de rejoindre Orion dans la cuisine. Il avait lancé sa playlist et déjà, une bonne odeur de nourriture flottait dans l'air. Je me hissai sur le plan de travail.
— C'était comment le boulot aujourd'hui ?
— Il y a eu un beau pactole de raflé aux machines à sous, c'était quelque chose.
Orion était habité par son travail. Ça lui plaisait vraiment. Depuis qu'il bossait pour Ephraim et plus pour l'UOP, les ombres s'étaient effacées de son regard. On disait souvent que j'étais la force tranquille de cette maison, mais Orion, en dehors de quelques sujets, était celui qui pouvait tirer un sourire à n'importe qui. Hormis à son père, mais lui, c'était un connard notoire qui avait sous-entendu une fois que m'euthanasier aurait évité à Ephraim d'être blessé. Je ne préférais pas repenser aux horreurs qu'il avait proférées contre Vik. Depuis, il n'avait plus été autorisé à poser un seul pied chez nous. C'était une des rares fois où Patrocle était passé à ça de lâcher Zeke.
Vraiment le lâcher.
— Et toi, à la salle ?
— Je commence à donner des cours de self défense et c'est cool ! m'exclamai-je. Je pense qu'on va se battre pour m'avoir comme prof après ça.
— Aucun doute là-dessus, gamin.
Je souris, content de percevoir la fierté dans le ton d'Orion. Je l'aidai à mettre la table et Viktor débarqua pile à ce moment-là, tout seul. Il ramenait toujours Jameson ou Edda.
J'eus le droit à un gros câlin de se part et il évita de justesse le poing d'Orion.
— Ils ne sont toujours pas rentrés ?
— Ce serait bien que vous arriviez à vous contenter de moi, renâcla Orion.
— Dans tes rêves, ricana Viktor. Tu ne joues pas dans la même catégorie.
— Tu es un petit con, Vik, tu le sais ça ?
Je les laissai argumenter l'un contre l'autre, n'ayant pas très faim, mais me forçant, parce qu'une assiette pleine en fin de repas ne plaisait à personne et que Caitlin savait tout ; absolument tout. Cette femme nous supportait tous et nous aimait et je n'aimais rien de moins que de la décevoir, même pour si peu.
Viktor écopa de la vaisselle pendant qu'Orion buvait son café, téléphone en main.
— Le frère d'Edda continue à dire de la merde sur nous.
Je croisai le regard de Viktor quand Orion réagit à peine.
— Pour changer. C'est un Primordial coincé du cul de toute manière.
— Il dit que lui et les siens ont le potentiel pour former un Céracle et qu'ils sont prêts à prendre un Catalyseur.
Le Clan jasait beaucoup à notre sujet. Ephraim était sur toutes les bouches depuis des années. Il était considéré comme l'héritier d'Ades de par sa puissance ; avant lui, le dernier Faucheur remontait à... trop loin pour que quiconque s'en souvienne.
— Bizarrement il l'ouvre beaucoup quand aucun d'entre nous n'est dans le coin.
— C'est parce qu'Ephraim ne veut pas devenir le Céracle officiel du Clan que nous n'avons pas de Catalyseur ? demandai-je.
Même si l'idée me donnait envie de vomir, j'avais du mal à comprendre. Orion verrouilla son téléphone et nous observa quelques longues secondes.
— Nous n'avons pas besoin de Catalyseur, finit-il par dire.
— Pourquoi ? Tous les Clans en ont, sauf nous, botta Vik en touche.
— Parce que c'est comme ça. Tu dirais oui si un Catalyseur venait à vivre avec nous ? Juste pour répondre aux attentes des autres ? Je ne crois pas. Nous sommes au complet. Alors, arrêtons de parler de ça.
Il se leva. Conversation terminée. Étonnant.
Il y avait des sujets à éviter dans cette maison.
Les Céracles. Les Catalyseurs.
Nos... pertes de contrôle à Vik et moi.
Et Lili.
— Nous serons au complet quand elle sera là, lâcha Viktor.
Parce qu'il n'aimait rien de moins que de parler des mauvaises choses. Comme si elle était une mauvaise chose !
Les narines d'Orion frémirent.
Ouais. Bon, mauvaise idée.
— Vous vous êtes donné le mot ou quoi ? marmonna Orion avant de se barrer.
Je croisai le regard de Viktor.
— Qu'est-ce qu'il vient de sous-entendre ? demandai-je, le souffle un peu court.
— Aucune idée.
**
Nos babys ne sont pas prêts je vous le dis 😭😭😭😭
Nous avons passé les dix premiers chapitres (largement). Est ce que ce début d'histoire vous plaît ? Envie de savoir la suite ? 😁😁😁
Merci pour tous les commentaires que vous laissez. Ils nous donnent trop envie de poster la suite. Ça fait du bien de discuter avec vous comme ça ❤️❤️❤️
La bise 😘
Taki et Ada'
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