11 - Ephraim

Piégée. Piégée. Piégée. Piégée.

Piégée.

Piégée. Piégée. Piégée.

Piégée.

Je grognai et frottai mes tempes. Toutes ces pensées résonnaient bien trop fort dans mon crâne.

Lili.

La voix un peu déformée de Zeke résonna dans l'espace. Zeke était l'autre Patrocle. Celui né du Chaos. Celui né de la Souffrance. Il était le jumeau de Patrocle à bien des égards. Il était né des pouvoirs de mon frère de Clan.

Pour le protéger.

Piégée.

Je secouai la tête.

— Il ne te fera pas de mal, crut bon d'ajouter Patrocle avec un soupir.

Lilianne était collée à la vitre et n'en bougeait pas, terrorisée par ce qu'elle voyait. Très peu de personnes avaient le droit de voir ou ne serait-ce que sentir Zeke. Il était important que je puisse le protéger, lui, Patrocle, tous les autres.

Y compris elle, même si elle ne voulait pas de mon aide. Je n'avais plus le choix maintenant. Elle était là, sous mes yeux, et tous mes doutes étaient vains. Car sa simple présence éliminait tous les problèmes que j'avais dans mon crâne. Elle réassemblait des parties de notre existence qu'on ne savait même pas discordantes.

J'observai rapidement sa tenue. Elle portait un crop top usé, ainsi qu'un jean qui avait vu de meilleurs jours. Ses chaussures n'avaient rien de fameux non plus.

Je t'ai fait peur ? demanda Zeke.

Je fronçai les sourcils. Zeke ne parlait à personne, hormis à nous. Hormis au Céracle de Patrocle. Parce qu'il ne faisait confiance qu'à nous. Même Ades qui avait souhaité en savoir plus sur lui n'avait eu droit qu'à quelques cauchemars de menace.

— Tu vas lui faire peur si tu continues à parler, murmura Patrocle.

Je pouvais sentir sa déception. Il avait espéré qu'elle ne réagirait pas comme ça. Il avait espéré qu'elle nous reconnaitrait. Qu'elle sache qui nous étions, mais elle était ignorante. Elle était partie sans savoir, sans poser de questions. Qu'est-ce qui avait pu la faire fuir ainsi ?

Tu ne veux pas parler ? Tu as perdu ta langue ? Toutes ces années d'attente pour ça ?

Zeke, grondai-je.

L'ombre de Patrocle pivota vers moi, ses coudes sur ses genoux. Il avait une apparence humanoïde, mais je ne voyais que des bandes et des bandes d'ombres s'enroulaient autour d'un vide pour créer une forme. Zeke n'était pas vraiment vivant. Il était simplement l'âme brisée de Patrocle. Mais il m'était aussi précieux que Patrocle lui-même.

— D'attente ? murmura Lilianne.

— Ne l'écoute pas, il ne raconte que des bêtises, soupira Patrocle.

Je fis signe à Zeke de se taire.

— Vous... vous devez me laisser partir, reprit Lilianne.

Son regard se posa toutes les secondes sur Zeke avant de revenir sur Patrocle et moi. Son visage était un peu sale et elle sentait la transpiration. Dans un moment de silence un peu gênant, son ventre gronda de faim. Je haussai un sourcil. Elle rougit et tenta de se réinstaller correctement sur son siège, la présence de Zeke inconfortable pour elle.

— Nous avons déjà récupéré tes affaires dans l'endroit où tu dormais, annonçai-je.

Mes hommes avaient eu le temps de tout embarquer et c'était peu de choses. Voir presque rien en fait. Elle ne possédait rien, alors qu'elle aurait pu avoir tout.

— De... Vous n'avez pas le droit ! s'écria-t-elle d'une voix tremblante.

Zeke avança un doigt pour toucher la cuisse de Lilianne, mais celle-ci glapit et ferma ses yeux. Quand elle sentit que ça ne lui faisait pas mal, elle rouvrit une paupière et jeta un coup d'œil à Zeke.

Tu ne sens pas très bon, remarqua-t-il.

— Comme si tu pouvais sentir quelque chose, marmonna Patrocle, un peu agacé par toute cette situation.

Mais franchement, à quoi s'attendait-il exactement ? Elle avait raison. De son point de vue, nous la kidnappions. Il était juste hors de question que nous la ramenions à Zeus. Plus jamais il ne la verra ou ne la touchera.

Plus jamais.

Toi tu peux et crois-moi, ça ne fait pas partie de nos bons souvenirs, minauda Zeke.

Lilianne paraissait un peu effrayée par lui, mais elle écoutait ce qu'il disait. Elle devait le prendre pour un fou.

— Appelle le pilote. Nous passons rapidement par l'hôtel, mais nous prendrons l'avion tôt dans la matinée. Je ne veux pas rester ici plus longtemps que nécessaire, commentai-je.

— L'avion ? souffla Lilianne.

Je soupirai et posai mon regard sur elle. Mes yeux durent changer de couleur, car elle frémit et regarda ses poings serrés sur ses cuisses. Elle avait quelques marques supplémentaires.

— Si tu ne veux pas d'autres problèmes, annonçai-je, tu nous suivras sans faire d'histoires.

— Raim, s'indigna Patrocle.

— Nous allons nous arrêter à notre hôtel, tu te laveras, te changeras et mangeras. Si tu veux dormir un peu, tu pourras le faire. Ensuite, nous prendrons l'avion et nous rentrerons.

— Rentrer où ? Et de quel droit vous faites ça ? Je ne suis pas...

Zeke se pencha sur elle, son doigt frôla sa tempe.

Tu n'es pas quoi ? souffla-t-il. Tu sens le Primordial à plein nez. Je suis curieux de savoir pourquoi tu as réussi à t'échapper de ton Clan et comment Zeus a fait pour ne pas te retrouver.

Lilianne se figea, les yeux écarquillés. Je fronçai les sourcils face à ce commentaire.

T'a-t-il seulement cherché ? ajouta Zeke.

Patrocle me jeta un coup d'œil. Elle avait fui le Clan de Zeus, mais peut-être pas pour les raisons que nous avions en tête. Il fallait que nous creusions le sujet le plus rapidement possible avec elle. Je voulais tout savoir. Je voulais comprendre pourquoi elle avait fui.

La voiture s'arrêta en bas de l'hôtel. Je sortis en premier, puis Patrocle. Zeke disparut et Lilianne poussa un long soupir. J'attendis qu'elle s'approche de la porte. Elle le fit après plusieurs secondes de réflexion et ma main se referma sur son bras pour l'aider et la retenir. Elle me jeta un coup d'œil et grimaça quand je resserrai ma prise pour avancer. Patrocle était devant nous et scannait les environs. Le pire aurait été que nous nous retrouvions dans une situation cocasse où Ades débarquait. S'il débarquait ici, il nous empêcherait de ramener Lilianne chez nous. Une fois qu'elle serait sur le territoire du Clan, les règles redeviendraient d'actualité pour elle.

— Changement de chambre, me rappela Patrocle.

Au lieu de monter au cinquième étage de l'hôtel, il nous emmena directement au penthouse. Je retins un sourire. Monsieur connaissait mes goûts, tant mieux. Lilianne tenta de se défaire de ma prise, mais ma main resta fermement accrochée à son bras.

— Ne pense même plus à t'enfuir, soufflai-je dans le creux de son oreille. Nous te retrouverions de toute façon.

Elle frémit. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur la suite du Penthouse et nous entrâmes tous les trois dedans. Quelques secondes plus tard, notre équipe déposait les affaires de Lilianne. Trois gros sacs.

Elle écarquilla ses yeux et renifla.

— Déposez-les dans la chambre, ordonnai-je.

Je relâchai lentement la jeune femme et elle resta à l'endroit où je la laissais.

— Je ne suis pas du genre à me répéter, grondai-je. Va te laver et te changer.

Patrocle s'approcha avec douceur d'elle pour lui indiquer la chambre dans laquelle elle pouvait s'installer seulement quelques heures. Elle s'écarta de lui et s'avança. À travers la porte entrouverte, je la vis fouiller dans ses sacs. Elle cherchait quelque chose. Mes hommes avaient récupéré tout ce qui portait de près ou de loin son odeur.

— Monsieur, m'appela le chef de mon équipe. Je voulais vous donner ça. C'était là où elle était.

Je pris les deux photos qu'il me tendit. Mon cœur se serra immédiatement. La première était une très vieille photo. Je devais avoir vingt-trois ans. Je n'avais pas encore été marqué. Il y avait tout le monde dessus. Patrocle, Orion, Viktor et Hunter tout petit. Lilianne aussi. Moi. La photo était jaunie et abîmée sur les côtes, preuve qu'elle avait été tenue. La seconde était sûrement après la mort des parents de Viktor, car il n'avait plus le même sourire. Il y avait Vik, Hunt et Lilianne sur le cliché. Je retournai les photos. Des dates et une écriture. La mienne.

Je fermai un instant les yeux et glissai les photos dans ma veste. Je pris une longue inspiration.

— Qu'est-ce que tu aimerais manger ? On peut commander un peu ce qu'on veut et je pense que tu as faim.

La voix de Patrocle était beaucoup plus douce que d'ordinaire. Il avait toujours parlé à Lilianne avec une déférence évidente. Et maintenant qu'il l'avait retrouvée, il ne ferait que la vénérer encore plus.

— Je n'ai pas faim, rétorqua Lilianne. Je veux juste retourner chez moi.

Menteuse, ricana Zeke.

Je secouai la tête. Je trouvai mon portable sur la table basse en verre et vis les quelques messages d'Hunter. Le dernier ne me plaisait pas, mais tant pis. Je ferais de mon mieux quand je rentrerais.

Ton ventre ne pense pas la même chose que toi, ajouta Zeke.

J'entendis Patrocle le fustiger, comme deux enfants qui se chamaillaient.

— Patrocle, appelai-je.

Il vint à moi et me tendit la carte des repas que nous pouvions commander.

— Prend ce que tu veux, je mangerais la même chose.

— Tu crois qu'elle va s'enfuir ?

— Qu'elle essaye, chuchotai-je.

Mon pouvoir, très conscient d'elle et de tous ses mouvements dans l'autre pièce, me permettait de la suivre avec beaucoup de précision. Ce n'était pas très sain comme manière de commencer, mais tant pis.

Quand Patrocle raccrocha du room service, nous entendîmes l'eau dans la chambre.

— Elle ne nous fait pas confiance.

Ça viendra, le rassura Zeke.

Je voulus dire quelque chose, mais l'énergie de Lilianne me poussa à me redresser. Je n'en revenais pas qu'elle... Je me levai et allai dans sa chambre. Je poussai la porte de mes deux mains et l'observai tenter de s'enfuir par la fenêtre. Sauf qu'elle n'arrivait pas à ouvrir l'immense baie vitrée.

— Elle est sécurisée, grondai-je.

Lilianne se figea, un de ses sacs sur les épaules, l'autre au bout du bras. Elle me jeta un coup d'œil désespéré.

— Je ne dirais rien. Je vous le promets. Laissez-moi repartir et oubliez-moi.

Je m'approchai d'elle et lui retirai ses sacs. Elle lutta un peu pour les garder, mais j'étais plus fort qu'elle. J'enroulai ma main sur son bras et la tirai à ma suite.

— Lâchez-moi ! cria-t-elle.

Avec un agacement prononcé et aussi une certaine satisfaction, je la poussai dans la douche tout habillée. Elle poussa un autre cri de stupéfaction.

— Je n'ai pas le temps de gérer les caprices d'une petite fille, sifflai-je, mauvais. Soit tu m'obéis et tout ira bien soit je me fâche et ça sera moins drôle pour toi.

Elle cligna des yeux, les vêtements trempés.

— Tu crois qu'il ne s'agit que de toi, mais ce n'est pas le cas.

Je sortis les deux photos et les agitai, loin de l'eau pour ne pas les abîmer. Le regard de Lilianne s'écarquilla et elle voulut les récupérer.

— Elles sont à moi ! Rendez-les-moi !

J'étais presque sûr qu'elle ne m'avait pas reconnu sur la photo. J'étais très jeune et je n'avais aucune marque. Elle tenait à ses photos sans savoir qui se trouvait dessus. Oh, elle devait avoir des souvenirs de Viktor et Hunter. Elle avait grandi avec eux.

— Tu veux savoir où nous te ramenons ? Là où tu aurais dû être toutes ces ANNÉES !

Mon cri la figea.

— Alors maintenant, tu vas te laver, car je ne supporte plus de sentir toutes ces odeurs sur toi !

Toutes ces odeurs qui ne sont pas les nôtres.

— Et tu vas te changer dans une tenue décente pour voyager. Ou je te lave moi-même. C'est clair ?

Elle resta silencieuse. Ce qui joua sur ma patience.

— C'est CLAIR ?

Elle sursauta, mais hocha la tête.

— Je garde ses photos puisqu'elles sont si importantes pour toi. Je te les rendrais une fois que nous serons à Los Angeles.

Et que la loi du Clan retombera sur toi. 

**

Ephraim dans toute sa splendeur. Il ne s'arrêtera pas avant de savoir tout ce qui concerne Lilianne 😎

Des avis sur notre Ephraim en colère ? 😝😝

La bise 😘

Taki et Ada'

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