10 - Viktor

Je voulus rouler dans mon lit, mon sommeil bien loin de mon cerveau maintenant que j'étais réveillé. Mon bras heurta un corps et j'ouvris un œil. Ma main heurta la tempe de Hunter et il grogna. Je me redressai sur mes coudes avant de comprendre qu'il était venu dormir dans mon lit. Il le faisait souvent quand il était triste ou contrarié, ce qui n'allait pas avec ma définition de Hunter.

Je roulai sur le côté et appuyai sur sa joue du bout de mon doigt. Il marmonna un truc avant de rouler sur le dos. Merde. Il n'avait pas dû beaucoup dormir. J'aperçus son portable à côté de sa tête. Visiblement, il avait attendu qu'Ephraim l'appelle. C'était rare qu'il ne prenne pas de nouvelles deux jours d'affilés nous concernant. D'ordinaire, on parlait tous les jours. Ce n'était pas un rapport quotidien, mais presque. Je me grattai la tempe. Si Hunter n'était pas de bonne humeur, j'allais devoir me charger de remettre la bête sur le droit chemin.

— Debouuuuuuuut, marmonnai-je dans son oreille.

Il grommela. Je bondis hors du lit et tirai sur la couette.

— VIK ! s'écria-t-il.

Mais un début de sourire se dessina sur sa bouche, assez pour me rassurer.

— À la douche ! C'est pas le moment de lambiner. Tu es attendu à la salle en plus. Je sais ton emploi du temps, vaurien.

— Pas envie. Je suis malade. Je dois rester au lit.

Il se recroquevilla au milieu de mon lit et tira un coussin sur lui pour faire comme s'il était sous la couette. Je levai les yeux au ciel. Je me penchai et lui claquai les fesses, bruyamment. Il glapit, mais éventuellement j'arrivais à le traîner à la salle de bain. Comme nous avions tous plus ou moins une douche chacun, je pus prendre la mienne en même temps. Une fois en bas, lavé et vraiment réveillé, je croisai Orion qui se préparait déjà pour partir au travail. Il était rentré tard hier et partait tôt ce matin. Je savais qu'il avait mangé avec Ades hier et j'aurais lui demander ce qui le chiffonnait, car il tirait clairement la gueule.

Qu'est-ce qu'ils avaient tous avec leur humeur de merde ?

— Bonjour à toi aussi perle rare, minaudai-je avec un sourire idiot.

Orion ricana et me tendit son bras. Je lui donnai une brève accolade et il colla un bisou baveux sur ma joue. Je ronchonnai et essuyai la bave de l'escargot avant qu'il ne file. Il attendit quand même que Hunter montre sa tronche pour embrasser son front et filer.

— Il était de mauvaise humeur ou quoi ? marmonnai-je.

Hunter haussa ses épaules. Je le poussai dans la cuisine et Caitlin nous servit notre petit déjeuner. Hunter joua avec ses fruits.

— Il a pas appelé c'est ça ? soupirai-je.

— J'ai pas envie d'en parler.

— Hunt, fais pas l'idiot. Tu sais que s'il n'appelle pas, c'est qu'il a une très bonne raison.

— Il aurait pu me prévenir. Plutôt que de me refuser mon entrée à l'UOP sur un simple : non.

Je soupirai et me frottai la nuque. Pourquoi Hunter voulait aller à cette merde ? Pendant deux ans ? Là était toute la question. Ce n'était pas pour rien que le Clan Jacobsen envoyait le plus de monde à l'UOP. Tout simplement parce qu'Ades avait rendu ça obligatoire pour deux ans de nos vies. J'aurais aimé m'en passer.

Vraiment. J'en faisais encore assez de cauchemars pour essayer de convaincre Hunter que ça ne valait pas la peine de se battre. Mais il savait déjà tous mes chocs post-traumatiques par rapport à cette expérience. Ce qui me rendait encore plus intéressé de savoir vraiment pourquoi il voulait y aller.

— Je sais ce que tu vas dire, commença-t-il. Mais j'ai besoin de le faire. Pourquoi toi et pas moi ?

J'ouvris la bouche, mais Caitlin se racla la gorge et me tendit un bol de céréales. Je pinçai mes lèvres. Ok, message reçu. Ephraim devait parler à Hunter.

— Je veux pas être vu comme le nul de la famille.

— Hunter, menaça Caitlin, sur un ton très doux.

Il n'y avait que Hunter et moi qu'elle appelait par nos prénoms. Cette femme était pratiquement une mère pour moi. Quand mes parents étaient morts, Ephraim avait décidé de quitter la maison de ses parents et de prendre un endroit pour nous. Caitlin avait immédiatement suivi le mouvement, au grand étonnement des parents d'Ephraim. Cet homme m'élevait presque depuis mes neuf ans. J'en avais vingt-et-un maintenant. Et toujours vivant. Ce qui était un exploit, il fallait l'avouer. Le Clan tout entier avait pris soin de moi après le décès de mes parents. Je n'avais pas forcément du mal à en parler, tout simplement parce que je ne me rappelais pas grand-chose. Ce que je ne connaissais pas vraiment ne pouvait pas me manquer n'est-ce pas ?

— Tu n'es pas vu comme le nul de la famille, insistai-je. Vraiment, Hunt. Personne ne le pense et personne ne le pensera si tu ne fais pas tes deux ans.

— Pourquoi il n'appelle pas ? chouina Hunter.

Il plongea sa tête dans ses bras et soupira bruyamment. Je pressai la nuque de mon frère de Clan et lança un regard penaud à Caitlin. Elle haussa ses épaules. Elle ne savait pas non plus, ou alors elle ne pouvait pas en parler. Ce qui pouvait être vrai aussi. Caitlin avait une sacré poker face que je n'arrivais toujours pas déchiffrer.

— Il appellera dès qu'il le pourra. D'accord ? promis-je. Je t'amène au boulot ? Je pourrais réviser directement là-bas.

Hunter accepta avec une moue. J'embarquai mes notes pour apprendre les dernières notions qui voulaient bien rentrer dans mon cerveau déjà bien trop complet. J'étais un petit génie d'après Patrocle, alors réviser revenait simplement à relire mes notes. Je savais déjà une bonne partie des réponses. Malheureusement, Ephraim voulait quand même que je passe ma première année. Et je sentais l'anguille me tendre la deuxième année avec un grand sourire. J'étais un peu près sûr qu'il voulait me faire aller jusqu'au diplôme cet idiot. À moi de trouver un moyen de le convaincre que je serais plus utile au Clan et à cette famille en étant directement au casino. Hunter traina des pieds pour aller au travail, mais une fois là-bas, il retrouva un peu sa joie de vivre. Ce qui me rassura un peu. Il me força même à faire une ou deux séances de sport avec lui et j'acceptais. Parce que j'étais faible avec lui. On croisa quelques amis à nous et je me rappelais que c'était ce soir le combat de Jameson.

— C'est où déjà ? haleta Hunter.

Il continua ses pompes, ce qui me fascina. Cet enfoiré avait une endurance de démon. Il ne s'arrêtait jamais une fois lancer dans sa série.

— Dans un entrepôt de l'autre côté du quartier chinois, dis-je, mes souvenirs un peu flous.

Hunter hocha la tête.

— Tu viens ? tentai-je avec un sourire.

— Tu voulais pas aller au casino ?

— J'irais faire chier Orion cette après-midi. On pari sur combien de temps je tiens sans me faire repérer ?

Orion fut bien plus rapide que je ne m'y attendais. J'étais allé en début d'après-midi à l'Olympe. J'étais en train presque sans me faire contrôler, puisque j'étais considéré comme un VIP. J'avais même réussi à me caler à une table de Black Jack sous l'œil curieux de la nouvelle croupière. Elle avait très vite compris que je comptais les cartes et avait tout de suite fait appel à la sécurité.

Donc, Orion se tenait à côté de moi, dans sa tenue de boulot. Costard noir, chemise blanche, son flingue sur sa hanche. Il avait ses mains posées sur ses hanches dans une position énervée.

— Je te jure que c'est pas moi ! m'écriai-je.

— Monsieur, commença la croupière, visiblement inquiète pour son travail.

— Ce n'est rien Samara, la tranquillisa Orion avec un sourire. Vous avez extrêmement bien réagi, sachez-le.

Je me penchai vers elle.

— Vous avez été plus rapide que la plupart de vos collègues, ce qui est un bon point.

— C'est un membre de la famille, s'excusa Orion avec un petit soupir et un sourire crispé.

— Promis je ne mords pas, ricanai-je avec un clin d'œil.

Orion m'attrapa par le bras et me tira à sa suite. Je mis ma casquette à l'envers et observai les riches autour de moi. Ils étaient tous bien habillés. J'avais fait un effort, j'avais troqué mon jogging habituel contre un jean et pull cintré. Il n'y avait que ma casquette qui détonnait. Un cadeau de Patrocle.

— Tu tiens vraiment à ce que je perde mon travail n'est-ce pas ? Tu sais que si tu te fais bannir de tous les casinos pour tricherie, ça ne fonctionnera pas pour toi.

— Comme si Ephraim pouvait faire ça, marmonnai-je, les mains dans les poches.

Orion me lança un regard vaguement menaçant.

— Eho ! m'écriai-je, ma main sur son bras.

Il leva les yeux au ciel et m'embarqua de l'autre côté de la scène du casino. Dans les coulisses. Mon futur lieu de travail.

— Ça allait mieux Hunter ?

— Je le revois ce soir, on va voir un match de Jameson.

— Légal ou illégal ?

Je pinçai mes lèvres et sifflotai.

— Qu'il fasse attention, surtout s'il veut commencer la compétition du bon côté de la balance.

— Pas sûr que ce soit quelque chose qu'il recherche, admis-je.

Je saluai la plupart du personnel que nous croisâmes. Tous me connaissaient pour être l'idiot de service. À chaque fois je faisais le même coup à Orion. Je venais. Je jouai. Je trichai et il venait me récupérer avec un grognement. C'était mon petit rituel, que j'adorais. J'adorais tous les jeux du casino, tout comme j'adorais les jeux de cartes ou autres bêtises de ce genre. Ça occupait mon esprit torturé.

— Tu sais où ils sont toi ? m'enquis-je quand on arriva dans son royaume de caméra.

Je saluai les gens déjà présents, dont Lance que j'appréciais beaucoup.

— Alors gamin tu t'amuses encore ?

Il faisait partie du Clan. Le tatouage était visible sur son avant-bras. Je savais qu'il possédait quelques pouvoirs, mais ne les connaissait pas en détail.

Tout le monde savait le mien.

Tout le monde savait ce que j'avais fait.

Certains me jugeaient encore.

Certains se demandaient pourquoi Ephraim m'avait gardé après ça.

La main d'Orion se posa sur mon épaule quand il vit mes pensées dérivées du mauvais côté.

— Vik, tu es toujours là ?

— Ouais, pardon. Alors, tu sais ?

— Oui, répondit-il.

— Tu réponds toujours qu'aux questions qu'on pose hein ?

— Ça te force à poser les bonnes questions, rétorqua-t-il.

— Pourquoi ils sont pas là ?

— Pour une raison dont je ne peux pas parler, admit-il avec une grimace.

Il se frotta le nez.

— Pourquoi c'est toujours moi qui dois vous expliquer ça, putain, marmonna-t-il.

— Patrocle a dit qu'il devait bouger pour une affaire, Ephraim a dû le suivre. Donc ils sont sur le même délire, mais Ephraim ne donne même pas de nouvelles à Hunter. Ça le fait déprimer.

— Par rapport à l'UOP ?

— Peut-être, tempérai-je. Ça et peut-être un autre souci. On arrive à la date qui...

Orion soupira.

Oui. La date. La date anniversaire de la disparition de Lili. Qui n'était pas vraiment une disparition. Nous savions juste qu'elle avait été emmenée dans l'autre Clan de sa famille, mais aucune explication.

Rien qu'un vide insupportable.

Et la peine. La douleur.

Et mon pouvoir.

Je déglutis quand ma peau se refroidit. Un signe que ma puissance s'accumulait avant d'attaquer.

— Tu as besoin d'aide pour ça ? souffla Orion.

Si proche de moi, il avait dû sentir mon pouvoir. Il me monta sa main qui portait une toute petite marque de griffure.

— Pardon, m'excusai-je.

Je voulus reculer, mais il me retint et secoua la tête.

— Ne recule jamais, Vik.

Je hochai doucement la tête. Lili.

J'aurais aimé pouvoir demander des nouvelles, mais on avait vite compris que c'était un sujet à ne pas aborder. Donc on avait fait notre deuil de ne plus la voir, mais je savais que Hunter y pensait. Je savais que tout comme moi, il cherchait une solution pour pouvoir contacter Lili sans dépasser les règles des Clans.

Mais cela faisait trop longtemps que nous attendions.

Alors, bientôt, je savais que Hunter viendrait me demander mon aide pour la retrouver, pour lui parler.

Peut-être même attendait-il cette date anniversaire pour le faire.

Orion enroula son bras autour de mes épaules et me pressa contre son flanc pour me laisser le temps de me calmer.

Cette famille était tout pour moi.

Sans eux je ne serais rien.

Rien qu'un cadavre pourrissant six pieds sous terre. 

**

Un nouveau point de vue. Est-il le dernier ? 😎

Que pensez vous de notre Viktor ? C'est pas baby aussi ? 😳😳😎😘😍

On adore changer de scène quand il faut paaaaas niark. Vous inquiétez pas, vous en saurez plus rapidement ❤️

La bise 😘

Taki et Ada'

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