09 - Lilianne

Mon prénom sur ses lèvres

Lilianne.

Attrapée.

Mon prénom dans sa bouche.

Lilianne. Attrapée. Attrapée, attrapée, attrapée, attrapée.

Je n'avais que trop conscience de ses doigts étalés dans le bas de mon dos, de mon corps – de son corps – contre le mien.

Je respirai mieux. J'hyperventilai.

Ce visage, je le connaissais.

Son nom, tout le monde le chuchotait, parce qu'il était le Faucheur. Le seul et l'unique.

Lilianne. Lilianne. Est-ce que c'était son pouvoir qui lui avait permis de connaitre mon prénom ? Est-ce qu'il avait vu la date de ma mort ?

Pars. Pars. IL FAUT QUE TU PARTES !

Ephraim Jacobsen.

Ephraim. Ephraim. Le Faucheur du Clan Jacobsen.

Faucheur.

Faucheur.

Et je venais de me jeter sur lui. J'étais inerte, immobile ; je ne pouvais rien faire. Le frapper pour qu'il lâche ? Pas une option. Hurlé au pervers ? Pas une option.

Qu'est-ce qu'il me restait ? Rien.

Rien. Parce qu'il m'avait trouvée. Ils. Parce qu'ils étaient deux. Deux Primordiaux. Comment n'avais-je pas pu le voir venir ? Jamais je n'aurais dû douter de moi une fois le regard de cet inconnu croisé dans la rue.

J'aurais dû me fier à mon instinct. Savoir reconnaître le danger.

Le Faucheur lâcha mon regard et je sentis un vide immense. J'aurais pu en pleurer.

Je n'entendais plus la musique, je percevais à peine les corps autour de nous. Parce que plus rien n'avait d'importance.

Trois ans pour finir ici.

Trois ans pour terminer dans les bras du Faucheur.

Mes yeux sur ses cicatrices. Il était beau. Malgré les marques, malgré la dureté de son visage.

Il était à tomber.

— On y va.

Sa voix était... incroyable, basse, grave. Inoubliable. Je fermai les yeux, parce que mon monde se fracassait, tanguait et je luttai, je luttai. En vain.

Autant nager à contrecourant.

Son bras se glissa dans mon dos et il se mit en mouvement, m'entraînant dans son sillage. Je savais que le deuxième nous suivait, parce que ses yeux ne quittaient pas ma nuque.

Pouvais-je m'enfuir ? Peut-être que j'avais une chance. L'effet de surprise ? Avec tous ces gens, il me serait facile de me fondre dans la masse. De...

quelque chose effleura ma jambe. La créature d'ombres.

Je n'avais aucune chance. Ils étaient deux puissants Primordiaux.

C'était trop tard.

Trop tard, trop tard.

Attrapée.

Lilianne. Lilianne. Ça tournait en boucle dans mon esprit. Je n'entendais que sa voix, je ne sentais que sa chaleur, son bras.

Lui, lui, sa présence. Sa force. À la moindre tentative, ses doigts s'enfonceraient dans ma hanche pour me retenir.

À l'intérieur, tout était fracassé. Parce que je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait.

Attirance. Répulsion.

Je savais ce qu'ils venaient chercher.

Je savais ce qu'ils voulaient de moi.

Peut-être qu'ils ne savaient pas. Peut-être devais-je leur dire ce qui s'était passé la dernière fois qu'on avait voulu faire de moi un...

Personne ne les arrêta.

Personne ne chercha à les retenir, à me retenir.

Eliska était avec Andy et hormis elle, je n'avais personne.

Personne. Personne. Et cette réalité tournoya, me donna le vertige. Je chancelai un instant, un haut-le-cœur coincé. La prise du Faucheur se raffermit sur moi.

L'air frais me heurta, claqua mes joues. Après l'atmosphère étouffante de la boite, il faisait presque froid en comparaison. Deux voitures sombres étaient garées non loin de nous et je sus qu'on allait me forcer à monter dans l'une d'entre elles.

Je ne voulais pas. Je ne voulais pas.

Je me projetai en avant, idiote, espérant que peut-être, peut-être, je pourrais échapper à sa prise. Mes pieds décolèrent du sol. Je ne ruai pas, ne frappai pas. Je devins poupée de chiffon.

C'était inutile.

Une portière s'ouvrit devant nous. Si je montais dans cette voiture, c'en serait terminé, n'est-ce pas ?

La liberté.

La rue.

Ma fuite.

— Lilianne.

Encore mon prénom.

Dans sa bouche.

Et cette voix, cette voix !

Une larme coula sur ma joue avant que je ne me glisse sur la banquette du SUV. Ça sentait le cuir, ça vibrait de la puissance des Primordiaux. Je me collai à la porte de l'autre côté et refusai de regarder dans la direction des deux hommes qui venaient de me rejoindre. La voiture ne tarda pas à démarrer et les lumières de la boîte ne furent plus rien. Mes yeux se posèrent sur la poignée. Peut-être que...

— Tu n'iras nulle part, gronda le Faucheur.

Je l'entendis retirer ses gants, les balancer entre lui et l'autre. Est-ce que la créature d'ombres était avec nous ?

Devais-je m'avouer vaincu ?

— C'est un enlèvement, murmurai-je. Primordiaux ou pas, c'est interdit d-de... de p-prendre quelqu'un contre sa volonté !

— Tu es mineure, nous ne faisons que te ramener chez toi.

Le Faucheur semblait agacer.

Me ramener chez moi ?

Chez moi ?

— Raim, commença le deuxième.

Auquel je jetai enfin un coup d'œil. Pour plonger dans son regard. Si le Faucheur était brun, lui affichait un blond qui devait changer de nuances selon la luminosité.

Il était bien entendu à couper le souffle, le genre d'homme qui marquait, qui ne s'effaçait pas des mémoires, même si on le voulait très, très fort.

— D'après les lois des Clans, je suis majeure, répliquai-je.

Un sourire mauvais étira la bouche du Faucheur.

— Tu es une enfant, gronda-t-il. Prendre la fuite est le comportement d'une petite fille.

Pour qui se prenait-il ?

— Et depuis quand le Clan Jacobsen s'occupe des brebis égarées de Zeus ?

Le blond jeta un coup d'œil au Faucheur. Ce dernier se pencha et l'espace exigu de la voiture ne fit qu'accroitre ma perception de toute la place qu'il prenait.

Je me sentais oppressée, perdue. Terrifiée.

— Parce que tu penses que nous te ramenons là-bas ?

— C'est vous qui avez parlé de me ramener chez moi ! Si c'est vraiment le cas, c'est ici que j'habite, alors... pitié, laissez-moi partir.

Je le regardai dans les yeux.

Je l'implorai.

Je ne voulais pas aller avec eux, où que ce soit. Parce que ce n'était pas ce que j'avais choisi.

Pas mon choix. Pas mon choix.

— Non.

La conversation était terminée. Close.

J'eus envie de vomir. Pleurer ne servait à rien, crier non plus. J'étais là, avec deux Primordiaux qui ne me laisseraient aller nulle part.

Tout ça pour rien.

Retour à mon point de départ.

Mes ongles s'enfoncèrent dans mes paumes. Je voulais hurler. Hurler si fort pour me faire entendre.

À quoi bon ? Aucun d'eux ne semblait disposé à écouter.

— Lilianne, écoute, je...

Le deuxième avait une fois différente, comme s'il avait bu trop de whisky, fumé trop de cigarettes.

— C'est Lili ! Lili ! crachai-je.

Je tremblai. Du mouvement attira mon attention sur la banquette à côté de moi et je me collai à la vitre devant cette... créature, devant cette ombre à l'apparence humaine.

Je discernai un visage, des yeux, une bouche. Un être.

— Bon sang, Zeke, lâcha le Primordial.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine.

Attrapée. Attrapée.

Incapable de m'enfuir avec le Faucheur devant moi et ce Primordial qui possédait le pouvoir des ombres.

Piégée. 

**

Et voilà, il l'a attrapée 🤤

Taki et Ada'

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