08 - Hunter

Je détestais n'avoir aucune nouvelle d'Ephraim. Ou de Patrocle. Je faisais avec, parce qu'honnêtement, je n'avais pas le choix, mais n'empêche, je ne me sentais pas bien. C'était différent lorsqu'Ephraim bougeait pour Las Vegas. Je savais que je pouvais l'appeler et qu'il répondrait. Qu'importait l'heure.

— T'es prêt ?

Zero se tenait au bout de la table de la bibliothèque, son sac de sport sur l'épaule, une sucette entre les doigts et sa tête de mauvais garçon qu'il traînait partout. Il faisait partie du Clan au même titre que moi et nous suivions le même cursus. Ce type, c'était mon gars sûr, si j'excluais Viktor de l'équation et notre bande de potes habituels. Vik avait beau être un peu plus vieux que moi, il traînait quand même avec le petit con que j'étais.

— Presque, je dois finir ça avant de me prendre une mauvaise note.

J'étais un bon élève, non, un putain de bon élève. J'adorais les cours, j'adorais la fac en règle générale et je voulais pas décevoir Ephraim. Je ne visais pas mon diplôme pour les mêmes raisons que Viktor qui lui voulait juste en finir pour aller faire son trou dans les casinos. Moi, je prenais du plaisir à apprendre. Je tenais ça de Ma. Cette femme, c'était la personne la plus intelligente que je connaissais, en dehors d'Ades. Lui, il était juste rusé. Et un peu fourbe par moment.

— Je t'attends dehors alors.

Je hochai la tête et mes yeux se posèrent sur l'écran de mon téléphone. Je ne voulais pas faire le sale gosse, j'étais loin de tout ça en fait. Aux yeux de certaines personnes, j'étais trop gentil, trop sage. Peut-être que c'était vrai et peut-être que je m'en fichais bien de ce qu'on pensait de moi. Je faisais ma vie avec les gens qui comptaient autour de moi et fin de l'histoire.

Je me frottai le torse, une sensation d'oppression dans la poitrine. Je savais que je pouvais toujours appeler Viktor ; à cette heure, il était déjà à la maison, finissant les cours plus tôt que moi. Il traînait sûrement avec Edda et Jameson. La seule fille de notre groupe était une tête brûlée qui se prenait des remarques sexistes par les idiots du campus. Nous n'étions pas entourés que de bonnes personnes, même si l'écrémage se faisait au fur et à mesure. L'université dans laquelle Ephraim nous avait inscrits faisait partie du top trois du pays, surtout en ce qui concernait l'éducation des Primordiaux. Nous ne suivions pas vraiment le même cursus que les humains, même si j'avais une humaine dans ma promo.

Je me dépêchais de terminer mon devoir à rendre pour le lendemain, ne voulant vraiment pas finir avec une mauvaise note. Je réunis toutes mes affaires que je balançai dans mon sac et quittai la BU pour rejoindre Zero dehors, archétype du joueur de foot, du sportif en veste à sa propre effigie. J'avais zappé la case équipe de la fac pour me concentrer sur la salle de sport. Je bossai là-bas, réussissait à mettre de l'argent de côté tous les mois et cette pseudo indépendance m'allait très bien, même si je savais qu'avec Ephraim, Pat et Orion, je ne manquerais jamais de rien. Avec Ma non plus. Le Clan était très attentif aux besoins des enfants et aux yeux du Clan, j'étais encore un enfant, même si d'après les règles claniques, j'étais majeure.

— Monsieur Jacobsen, m'arrêta madame Chen.

Je me tournai vers elle, le dos droit, les épaules carrées. Elle fit le tour de son bureau pour s'avancer vers moi. C'était une vieille femme aux traits asiatiques et à la gentillesse que certains prenaient pour de la faiblesse. Elle régnait sur cette bibliothèque d'une main ferme, mais juste. Elle avait ses préférés. Est-ce que j'en faisais partie ? D'après Orion, personne ne pouvait rien me refuser. Gueule d'ange, tout ça, tout ça.

Elle s'arrêta devant moi. Elle était minuscule. Même Patrocle était plus petit que moi, pour vous dire. J'avais poussé d'un seul coup à la puberté et à chaque fois que j'y pensais, ça me ramenait à Lili.

— Tu as fini tous tes devoirs ?

— J'ai même pris de l'avance.

Elle tapota mon torse avec sa main, un sourire fier aux lèvres.

— C'est bien, c'est bien. Et à la maison, tout va bien à la maison ?

Je hochai la tête et cela sembla lui convenir. Elle lissa un pli invisible, seulement vu par elle et cela me fit sourire un peu plus. Ma était comme ça aussi. Toujours belle, toujours à chercher la petite imperfection sur moi pour mieux la gommer à coup de sourire et de câlin.

Il fallait vraiment que je parle à Ephraim.

— Je dois filer, madame Chen, Zero m'attend.

— Je sais, je sais. File, garnement.

Je lui embrassai la joue avant de m'enfuir en courant, mon éclat de rire qui résonna dans le hall. Je retrouvai Zero et sans un mot, nous prîmes le chemin de la salle, en dehors du campus, mais pas si loin que ça à pied. J'avais ma propre voiture, tout comme Viktor, mais je ne l'utilisais pas tout le temps. Sûrement parce que Viktor proposait toujours de m'amener en cours, même lorsqu'il commençait plus tard.

— Tu viens toujours au match de James ?

Jameson, qui était aussi plus vieux que nous, donnait dans le MMA depuis plusieurs années et même si j'avais du mal avec la violence de ce genre de sport de combat, je ne me voyais pas louper les rencontres de mon ami. James était très proche de Viktor et faisait lui aussi partie du Clan. Il avait fait son service en même temps que Vik et tous les deux étaient revenus avec les mêmes ombres dans le regard. Si Zero allait bientôt partir, ce n'était pas mon cas.

Je ne savais pas si Ephraim me jugeait trop faible, trop instable, mais il avait refusé en bloc que je rejoigne l'UOP pour la durée obligatoire de deux ans. Il avait été catégorique, seulement je n'avais pas eu le temps de lui en reparler puisqu'il avait disparu avec Pat le même soir. Et maintenant, il ne répondait plus à mes appels. Je ne voulais pas me faire des films, mais forcément, forcément ce silence ne m'aidait pas.

Je ne voulais pas être le faible aux yeux d'Ephraim.

Je ne voulais pas qu'il pense que je n'étais pas capable. Parce que je l'étais, même si les ombres et les cris en pleine nuit de Viktor me foutaient une trouille bleue.

Je ne disais rien à Zero, parce que lui, il voulait vraiment partir. Il voulait vraiment connaître l'Unité Opérationnel.

Moi ? Je voulais qu'Ephraim réponde à son téléphone. Ou qu'au minimum il me dise qu'il était occupé et qu'il n'avait pas de temps pour moi.

L'enseigne de la salle se profila. Zero croqua sa sucette et balança le bâton dans la poubelle à l'entrée. Je saluai la secrétaire derrière son écran de pc, en prise au téléphone. J'adorais cet endroit parce que c'était mon élément, ce que je voulais faire. Gérer une entreprise, donner des cours, bref, ça, c'était mon truc. Je venais ici pour m'entraîner, mais surtout pour bosser. Draken gérait la salle et c'était un type bien, intègre. Je savais qu'en fait tout appartenait à Ephraim, parce qu'il était de ce genre-là. Qu'est-ce que je pouvais dire ? Il était peut-être un peu trop dans le contrôle et tout ça, mais c'était lui, ça et personne ne le changerait. Malgré Ma, j'avais vécu ces sept dernières années avec Ephraim, Pat et Orion. Et Vik aussi, bien sûr. Avant ça, lui et moi nous étions retrouvés au sein d'une des maisons d'Ades, avec Lili. Je pensais beaucoup à elle ces derniers temps, mais n'en parlait pas. Je ne savais pas comment réagirait Vik, parce qu'il avait été aussi proche d'elle que moi. Avant qu'elle ne doive partir pour chez Zeus.

Zero balança son sac sur le banc des vestiaires et commença à se changer. Le tatouage du clan s'étalait sur son biceps, relativement petit comparé au mien qui courait sur mon torse, comme celui de Viktor. Celui d'Ephraim se trouvait dans son cou, Orion le portait sur la main et Patrocle sur le mollet. Nous avions tous le même, parce que c'était la marque du Clan, rien de moins. Ensuite, c'était une affaire de positionnement et de taille. Ephraim avait accepté que je me fasse faire le mien à mes seize ans, juste après que Viktor ne soit parti pour son service. J'aurais cru avoir besoin de batailler, mais non. Cette année-là avait été... éprouvante. Terrible.

Mon téléphone sonna pour m'annoncer l'arrivée d'un nouveau message.

— Viktor demande s'il passe nous chopper après l'entraînement pour aller manger en ville. Partant ?

— Vas-y, je pense qu'après deux heures avec toi, je pourrais avaler un bœuf.

J'éclatai de rire et répondis rapidement à mon frère. Parce que même si nous n'étions pas liés par le sang, c'est ce qu'il était pour moi.

J'avais un lien particulier avec chacun d'entre eux ; normal après avoir vécu aussi longtemps avec eux.

Mais il manquait quelque chose.

Il manquerait toujours quelque chose tant que Lili manquerait à ma vie, à nos vies.

Dans notre tenue de sport, j'assénai une grande claque dans le dos de Zero :

— Je vais t'en faire baver.

Peut-être qu'entretemps, j'aurais enfin des nouvelles d'Ephraim. 

**

Une petite introduction de baby Hunter 😘 vos avis? 🤗🤗

La bise 😘

Taki et Ada'

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