07 - Orion
Ades vivait dans un Penthouse en plein cœur du quartier des affaires de L.A ; Downtown. C'était un coin particulier qui se rapprochait plus de New York que de la Californie. Notre chef de Clan possédait maisons, appartements et autres joyeusetés un peu partout dans le pays, toujours très content de pouvoir aller et venir à sa guise, sans le dire à personne, ce qui rendait son staff de sécurité complètement fou. Mais il aurait fallu avoir un grain pour espérer s'en prendre au chef de famille ; Ades ne faisait pas de quartier, quand bien même on considérait les Jacobsen comme les plus sympathiques. Tout était relatif. Notre Clan fournissait les meilleurs combattants pour l'UOP depuis des décennies et ce n'était pas près de changer, quand bien même certains Clans commençaient à prendre la confiance. Peut-être parce qu'officiellement, nous étions les seuls à ne pas avoir de Céracle. Est-ce que ça faisait de nous des faibles ? Non. Nous n'en étions que plus dangereux, selon moi, parce que l'ignorance effrayait. Et personne ne comprenait pourquoi nous n'avions aucun Catalyseur.
Je quittai l'habitacle de ma BMW et tout de suite le voiturier apparu, tiré à quatre épingles, visage habituel.
Je n'aimais pas le changement, les inconnus dans les équations. Déformation professionnelle à force de travailler comme chef de la sécurité pour le compte d'Ephraim. Ades avait bien tenté de me débaucher, mais il fallait croire que même au sein du Clan, il y avait des cas de loyauté divergente. Notre chef était un gars compréhensif, donc ça allait.
Je jetai mes clés au portier et me glissai dans l'immeuble. Il appartenait au Clan, comme la plupart des biens de la ville.
Le Premier Ordre s'était assez bien distribué le pays et aucun Clan ne se trouvait au même endroit, question de bon sens. Ainsi, les nôtres se trouvaient majoritairement sur la côte ouest quand par exemple, le Clan Aubin régnait sur la côte est, à l'opposé de nous donc. Tout le monde s'y retrouvait et les tensions s'en voulaient amoindries, même si nous étions censés tous nous supporter.
Le mot clé ici étant censés.
Je pressai le bouton du dernier étage et laissai l'ascenseur m'amener au sommet de cette tour. Mains dans les poches, j'évitai de penser à Patrocle et Ephraim. Cet idiot était parti avec lui, forcément. Incapable d'abandonner non plus.
J'espérai qu'ils ne trouvent rien. Surtout pas elle. Je pouvais gérer son absence, je pouvais composer avec ma haine, ma colère, mais certainement pas avec sa présence.
Et j'emmerdai Patrocle. Mais pour autant, je n'étais pas un cafteur. Et Ades ne glanerait rien de ma part, pas sur ce sujet en tout cas.
En revanche les gamins allaient commencer à s'impatienter de ne pas voir revenir nos idiots. Et ils ne savaient rien de toute cette affaire, enfin, pas vraiment, disons qu'ils ignoraient que Patrocle avait une piste et qu'il continuait de chercher. De la chercher. Après tout, Viktor et Hunter étaient ceux qui avaient grandi avec elle et qui donc avaient été le plus marqué par son absence. Je ne serais jamais capable d'oublier la perte de contrôle de Viktor, tout comme Ephraim, qui en portait les stigmates. Quant à Hunter... rien de beau non plus de ce côté-ci.
Cela aurait dû vacciner tout le monde.
Mais forcément, Patrocle ne faisait rien comme les autres.
Il fonçait tête baissée, parce qu'il le pouvait, parce qu'il s'en fichait... ou qu'il était le plus concerné. J'appuyai mon dos contre la paroi.
Je me fatiguais.
Je portais mes œillères depuis des années, pour me protéger, pour ignorer la douleur, l'incompréhension.
L'abandon.
Je n'agissais pas ainsi pour faire chier les autres, quoi qu'en pense Patrocle. La cabine eut un tressautement avant que les portes ne coulissent et que j'émerge dans un immense hall d'entrée, décoré avec soin et chic. Ades aimait les belles choses, aimait que tout soit pratique et bien pensé. Il avait le souci du détail, l'œil acéré pour trouver les meilleures pièces de collection. Sur certains de ses murs, des œuvres de Patrocle. Quand il ne courait pas après un fantôme, il peignait. Et même si je n'étais pas un féru d'art, je ne pouvais lui enlever son talent. Un air d'opéra me parvint et je me préparai déjà à trouver un Ades d'une humeur toute particulière. Les membres les plus puissants du Clan venaient voir le chef au moins une fois par semaine, pour discuter de tout et de rien, ce qui faisait d'Ades un très bon leader à mon sens. Parce qu'il écoutait, qu'il savait comprendre, même si pour lire en lui, c'était une autre paire de manches. Il avait ses secrets, qu'il camouflait à la perfection, jalousement gardés.
— Ah, Orion ! Viens donc goûter ça.
Il se tenait dans la cuisine, en pleine prise avec une sauce qui d'ici, semblait divine. Ades était un véritable cordon-bleu et il était hors de question de repartir de chez lui sans avoir mangé quoi que ce soit. Ce serait le vexer.
Je me retrouvai donc à côté de lui, la spatule en bois contre mes lèvres. Ouais, une tuerie.
— Tu devrais changer ton fusil d'épaule, tu sais ? Et ouvrir ta propre chaîne de restaurants.
— C'est mon projet, si Ephraim cessait d'être une tête brûlée.
Les rides au coin de ses yeux se creusèrent lorsqu'il sourit. Il portait ses cheveux grisonnants mi-longs et il avait un faciès particulier, qui marquait. La soixantaine, il avait le visage marqué par les années, par les joies, les peines, la vie. Par la gérance de tout un Clan, parce que ce n'était clairement pas une sinécure.
— Tu es venu sans les garçons ?
— Viktor était occupé et Hunter a décliné l'invitation après avoir reçu tu sais quoi. C'était osé, même de ta part.
Hunter serait le seul d'entre nous à ne pas faire son service au sein de l'UOP. Ephraim comptait bien se battre pour ça, même si je me doutais qu'Ades ne faisait cela que dans un seul et même but. Hunter possédait le potentiel pour appeler les Chiens de l'Enfer. Ce qui n'était pas rien. Surtout pas aux yeux d'Ades.
— J'aime bien mettre un coup de pied dans la fourmilière de temps à autre. Une bière ?
Je hochai la tête et il alla en récupérer une dans le frigo avant de me la tendre. Mon ventre gronda d'envie ; je mourrais de faim.
— Faire suivre Patrocle c'est aussi exciter les fourmis ?
Il éclata de rire. Je ne me contentais pas juste de la sécurité des casinos et des boîtes. Non, je gardais un œil sur les miens. Tout comme Ades, à sa façon cela dit. Notre chef était particulier. Il menait la vie dure à Ephraim parce qu'il voulait quelque chose de lui.
Il menait la vie dure à Hunter parce qu'il attendait une réaction de sa part.
Pour lui, c'était un jeu. Mais le genre qui amenait des résultats.
Ades avait mille coups d'avance sur tout le monde. Sauf sur Ephraim. Étonnant ? Nope.
— Je n'aimerais pas qu'il baisse sa garde. Ou qu'il fasse une bêtise.
Est-ce que partir à Toronto pour la trouver était faire une connerie ?
Je bus une gorgée et ça eut le mérite de me détendre.
— N'embête pas trop Hunt, tu sais comment est Ephraim quand il est question de ces deux-là.
J'appuyai mes hanches contre le plan de travail. Les yeux d'Ades pétillèrent. Il mélangea sa sauce, y ajouta une pincée de sel, mélangea encore et goûta.
— J'aime beaucoup ces garçons. Viktor n'a pas eu de chance dans la vie et Hunter... je pleure encore Thessalia.
Les épaules d'Ades s'affaissèrent.
— Elle n'est pas morte, tu sais.
Thess était l'une des mères de Hunt.
— Ce n'est plus qu'une coquille.
Je me frottai la nuque. Hunter parlait peu de sa mère en établissement spécialisé pour les Primordiaux... défaillants, malades. Et ce n'était pas un terrain sur lequel je voulais aller avec lui. Je laissai ça à Ephraim et Patrocle. Moi, j'incarnais plus le grand-frère ou l'oncle, à l'inverse d'Ephraim qui avait figure d'autorité sur les garçons.
Ades était un bon chef de Clan, oui, je me répétais, mais il avait à cœur le bien-être des siens et ce qui était arrivé à Thessalia le touchait particulièrement. Être un Primordial ne nous empêchait de nous retrouver démunis face à nos propres dons.
— Puisque nous en sommes à parler de tout ça...
— Par pitié, je ne veux rien entendre sur ce cher papa, râlai-je. Je serais forcé de partir sans même m'asseoir à ta table et je devrais m'arrêter au premier fast food parce que...
— D'accord, d'accord, j'ai compris, capitula Ades. Mets donc la table, garçon indigne.
Ce que je fis, connaissant cette cuisine par cœur. Avec les années, nous venions de moins en moins tous ensemble, trop accaparés par nos boulots, par Viktor et Hunter, par la quête de Patrocle.
Ades servit deux assiettes généreuses et s'installa en face de moi. Il déplia sa serviette qu'il glissa sur ses jambes. D'abord, nous mangeâmes dans un silence relatif, puisque la musique continuait de tourner en fond. Nous savourâmes et Ades n'aimait rien de moins que voir les siens se délecter d'un plat qu'il avait concocté.
— Le Céracle Nova compte venir ici d'ici quelques jours. Ils ont demandé l'autorisation et j'ai accepté. Ils séjourneront à l'Olympe.
Je hochai la tête. Le Clan Nova était sûrement celui qu'Ephraim appréciait le plus, en plus du Clan Hajek. L'un était dans les nouvelles technologies, l'autre dans la pharmaceutique. Le Céracle Nova venait souvent dans le coin et Ephraim les accueillait toujours avec beaucoup de respect. Moi ? Je les surveillais, parce que je ne pouvais avoir confiance en personne en dehors de mon Clan. Une base.
— Où se tiendra le prochain gala qui réunira les Clans ? demandai-je.
Je n'avais pas eu le temps d'en parler avec Ephraim. Lui-même devait avoir autre chose en tête que ces festivités intempestives.
— Miami.
Chez le Clan Devaux.
— Je déteste le climat de la Floride, marmonnai-je.
— Tous les Céracles y seront, précisa Ades.
— Ce qui donnera une bonne raison à Ephraim de ne pas y foutre un pied puisque nous ne sommes un Céracle.
— Je pourrais facilement régler ce problème, hasarda Ades.
— Tu as déjà essayé, ça n'a pas fonctionné.
Une piqûre de rappel ne pouvait pas lui faire de mal. Il se rencogna dans le dossier de sa chaise.
— Je suis entravé, Orion. D'autres membres du Clan seraient prêts à prendre un Catalyseur et à se placer en tant que Céracle Jacobsen.
— Personne n'a notre puissance ou notre entente.
— Personne n'a votre potentiel.
Je reposai ma fourchette et jetai ma serviette sur la table.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?
— Et toi, tu voudrais me dire quelque chose, Orion ?
Ses yeux s'étrécirent.
— Moi ? Tu sais bien que non.
Un sourire étira sa bouche.
— Réponse, intéressante.
Ades lisait trop facilement en moi, ce qui, parfois, pouvait poser problème. Il devait se douter d'un truc pour Patrocle et Ephraim. Il n'avait même pas demandé où ils étaient.
Parce qu'il savait déjà ?
Sûrement.
**
Un petit aperçu du chef du Clan Jacobsen 😎 qu'est ce que vous pensez d'Ades ? On lui fait confiance ou pas dj tout ?
Quelques explications parsemées pour les Clans. Qui donne quelques éléments de réponse si vous regardez bien 🤫
N'hésitez pas à retourner sur la fiche d'explication du début pour ne pas être perdue 😂😂
Bon début de semaine à tout le monde ❤️
Taki et Ada'
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