04 - Patrocle
Je savais déjà qu'Orion me ferait la misère si je ne passais pas par la maison avant de partir. Je savais aussi qu'il allait me courir sur le haricot si je rentrais dans cette dite maison. Les gamins avaient de la chance que je les aime bordel. Je regardai derrière moi, mon pas rapide et aperçus le même mec qui me suivait. Franchement pas discret. Ades engageait vraiment des enfoirés pour me coller au cul. Il fallait que je lui apprenne tout, n'est-ce pas ?
Depuis toujours et pour toujours, marmonna la voix dans ma tête.
Je ricanai. Toujours pareil. On était mieux servi que par soi-même. Je m'étirai, m'arrêtai au passage piéton et attendis la toute dernière minute avant que ça ne passe au rouge. Je me mis à courir et j'entendis un juron dans mon dos. Je mis quelques mètres à mon suiveur en l'espace d'à peine quelques secondes. Ce qui m'habitait joua le reste du jeu et me permit de passer inaperçu. Les ombres qui m'habitaient pouvaient prendre n'importe quelle forme et parfois, ça me servait bien plus qu'à juste faire le malin. Comme me protéger, me tenir compagnie.
Je ne suis pas ta baby-sitter, grommela la voix.
Ah comme j'aurais aimé être fou parfois. J'étais sûr que j'aurais pu carrément tenir le discours du « je vous assure monsieur, j'ai plusieurs personnalités. C'est Magali qui a mangé les derniers cookies ». Je regardai l'homme passé sans me voir et croisai mes bras sur mon torse. J'avais senti à quel point Ephraim était frileux sur toute cette affaire, mais putain, j'étais pire qu'un chien sur un os. C'était ma première vraie piste depuis plusieurs mois et je n'allais pas la laisser refroidir. Il en était hors de question. Tous mes efforts ne seraient pas réduits à néant parce que certains d'entre nous avaient décidé que la déception était mieux que l'espoir et la loyauté.
Je reniflai face à la nullité de l'homme d'Ades. Il faudrait vraiment qu'on les entraîne mieux. Ou alors il avait cru que je ne verrais rien ? C'était me sous-estimer à tellement de niveaux que ça en devenait insultant.
Je pris le chemin de la maison et trouvai ma moto garée un peu plus loin. Je passai mon casque et observai mon environnement. La ville de Los Angeles était active, bien trop par cette chaleur. On vendait le côté attractif de Los Angeles, le côté riche et propre, mais il existait un côté bien plus pauvre et sale, qui puait la pisse la plupart du temps. Je passai par quelques quartiers pas très recommandables avant de prendre une autoroute et de me retrouver du côté riche. Ephraim n'aurait jamais laissé les gamins vivre n'importe où. Et heureusement pour moi, j'avais eu le droit de venir vivre dans la colocation. Ça me donnait une excuse pour éviter ma mère.
Le portail s'ouvrit à mon arrivée grâce à mon badge. La baraque était immense, presque une villa à ce stade. Le jardin comptait largement plusieurs hectares avec une équipe de sécurité présente tout le temps. On se serait cru chez le Président des États-Unis. Même notre chef de Clan, Ades, ne vivait pas avec autant de gardes du corps. C'était ça que d'avoir le chef de la sécurité à la maison. Bien qu'Orion aurait sûrement aimé moins de monde autour de nous. Je me glissai entre la voiture de Viktor et celle de Hunter sous l'immense parvis en bois qui était accolé à une partie de la villa. Ephraim avait épluché tous les dossiers de chaque personne qui travaillait ici. C'était une putain de maman ourse cet homme.
— Bonjour, Monsieur Patrocle, me salua la gouvernante de la maison.
Une femme qui avait élevé Ephraim dans la maison de ses parents à l'époque et qui avait désiré suivre le garçon qui était tout à ses yeux. Ephraim avait des parents, mais disons qu'ils étaient très occupés, depuis toujours.
— Bonjour, Caitlin, comment allez-vous ?
— Bien merci monsieur. Il y a de quoi grignoter si vous le souhaitez.
— Les gosses sont là ?
— Monsieur Viktor et Monsieur Hunter sont dans la piscine. Monsieur Orion a appelé pour me dire qu'il rentrait ce soir avec Monsieur Ephraim.
Génial. Je hochai la tête et filai vers le jardin. Je choppai une pâtisserie délicieusement gourmande au passage et trouvai les idiots là où Caitlin m'avait dit. Ils se faisaient des passes dans la flotte.
— Pat ! s'écria Hunter.
Le plus jeune de la bande se hissa à l'extérieur de la piscine quand il me vit. Il était bien baraqué, après tout il passait une bonne partie de sa vie à la salle de sport. Quand il n'y travaillait pas pour lui, il bossait pour la salle. Ephraim ne lui avait pas encore dit qu'elle lui appartenait déjà et le gérant était un ami qui veillait sur Hunter. C'était tout bénéfique. Hunter était immense. Comparé à mon petit mètre soixante-dix-huit, son mètre quatre-vingt-dix culminait au-dessus de moi. Il m'enlaça et trempa mes fringues en trois secondes.
— Espèce de sale...
Il s'écarta avec un éclat de rire qui me tira un sourire malgré moi. Hunter c'était le seul truc positif dans cette colocation. Une petite bouteille de joie. Oh, il avait ses humeurs, mais rare était les fois où vous pouviez le voir sur son visage. Je regardai mon t-shirt trempé et le fusillai du regard.
— Qu'est-ce que tu fous là si tôt ? grommela Viktor, accoudé au bord de la piscine.
Je ne lui prêtai pas attention et bondis sur Hunter. Ce dernier couina et voulut échapper à mon poing, mais trop tard. J'écrasai son crâne blond sous mes doigts et me mis frotter jusqu'à ce qu'il demande grâce.
— Tu peux apprendre à dire bonjour, grognai-je.
Hunter essaya de se défaire de ma prise, mais j'avais des années d'entrainement sur des mecs plus grands que moi et plus lourds que lui.
— J'ai tenté et j'ai trouvé ça chiant, répondit Viktor avec un haussement d'épaules qui lui était caractéristique.
— Tu m'aides pas ! cria Hunter quand ma prise se resserra d'énervement.
Viktor était blond lui aussi, mais ses cheveux étaient légèrement plus foncés que ceux de Hunter. Ses yeux étaient d'un bleu assez unique, car très clair, il frôlait même parfois le lilas. Sa peau était plus pâle que celle de Hunter qui était quant à elle bien plus mate, grâce aux origines de l'une de ses mères.
Viktor était ici parce qu'Ephraim avait eu sa garde jusqu'à sa majorité. Il avait vingt et un ans maintenant. Il était majeur. Nous étions aussi sa seule famille à présent, nous et le Clan. Alors il resterait ici. Même s'il voulait travailler pour Ephraim dans les casinos, le big boss lui avait dit de terminer ses études. Ce qu'il faisait actuellement. Mais je pouvais voir son impatience et son envie d'aller bosser avec Raim.
Je relâchai Hunter et il poussa un cri de soulagement. Je pointai Viktor du doigt.
— Fais gaffe à ton petit cul, le menaçai-je.
— Tu vas me donner la fessée ?
Je fis semblant de lever une main pour le taper et il s'écarta avec un rire. Maudit gamin. Aucune reconnaissance.
— Faites-vous beaux pour ce soir les enfants. Papa rentre à la maison.
Les yeux de Viktor brillèrent, mais ce fut Hunter qui fit une petite danse de la joie.
— Il ne nous a même pas dit qu'il rentrait de Vegas, soupira Vik.
— Il était occupé à cause de moi. Désolé, m'excusai-je avec une grimace. J'ai un voyage urgent donc je partirais sûrement après le repas.
— Combien de temps ?
Hunter me regarda et attendit que je réponde à la question de Viktor avec un brin d'appréhension. Je soupirai et me frottai la nuque. Mes informateurs là-bas avaient réduit la zone de recherche et j'espérais vraiment être capable de repérer ma cible assez rapidement.
— Quelques jours tout au plus. Faisons en sorte de convaincre Ephraim de rester.
— Parce qu'il repart à Vegas directement ?
Le ton triste de Hunter me donna envie de taper Ephraim. Juste par principe. Pourquoi ces gosses l'aimaient autant hein ? Et moi alors, je n'avais pas droit à cette considération ?
— Ades lui colle aux fesses avec cette histoire de chef de Clan, soupirai-je. Ephraim se dit qu'il gagne du temps en se cachant dans ses casinos à Vegas.
— Ce n'est pas complètement faux, admit Viktor.
Je haussai mes épaules.
— C'est la vie les enfants. Allez faire un brin de nettoyage et allons aider Caitlin à préparer le repas.
Je tapai dans mes mains et ça donna le top départ. Nous étions devant un match de basket quand Ephraim et Orion débarquèrent enfin pour manger. J'avais la dalle comme jamais et des projets à enchainer. Pourquoi prenait-il toujours son temps dans ces moments-là ?
À la gueule d'Orion, je sus qu'ils avaient parlé de mon petit projet. Et merde. Je me fis tout petit pour qu'Orion ne fasse pas attention à moi. Plus que d'ordinaire, cela allait sans dire. Heureusement pour moi, il détestait parler de ce sujet. À vrai dire, il détestait ce sujet tout court. Donc, il ne l'aborderait pas, surtout pas devant Viktor et Hunter.
— Les garçons, les salua Ephraim.
Les gamins se levèrent immédiatement pour aller faire des câlins à Orion et Ephraim. Les deux étaient habitués. Si Hunter se colla à eux, Viktor se contenta d'une accolade appuyée. Je pouvais discerner le passé des deux gamins à la façon qu'ils avaient d'interagir avec les autres.
— Le repas est prêt ! s'exclama Hunter. Allons manger, je meurs de faim.
Orion jeta un coup d'œil à Ephraim quand celui-ci fit mine de regarder son portable. Je ricanai dans ma barbe quand le big boss rangea sa machine de l'enfer et suivit les garçons dans la salle à manger. Disproportionnée pour les repas que nous faisions, mais Ephraim aimait ça.
— Viktor, tes examens sont pour quand ?
Ce dernier se mit presque au garde-à-vous à côté de moi et il répondit avec précision à la question d'Ephraim. Comme s'il jouait sa vie. Ce qui était un peu vrai quand on savait que si Viktor n'obtenait pas son diplôme, il n'irait pas bosser avec le big boss. Je me laissai aller sur la chaise pour écouter leurs conversations. On sentait qu'Hunter et Viktor aimaient la présence d'Ephraim. Ils lui racontaient tout le plus vite possible. Le temps d'Ephraim était toujours court et intense, alors valait mieux être efficace. Hormis quand c'était moi.
Je levai mon regard pour croiser celui d'Orion en face de moi. Sa gueule de dix pieds longs. Sa bouche pincée. Pas content. Je retournai mon attention sur Hunter. Il commençait à parler de son service à l'UOP, l'Unité Opérationnelle pour Primordiaux. Une sorte de service militaire par lequel on passait tous. Notre Clan rendait ça obligatoire sur au moins deux ans, souvent aux alentours des dix-huit ans des Primordiaux. Viktor l'avait fait de ses dix-huit ans à ses vingt ans. Il en était revenu changé, ce qui inquiétait Ephraim pour Hunter. Viktor n'avait pas mal vécu les deux ans dans l'UOP, mais disons qu'il n'aimait pas une autre autorité hiérarchique que celle d'Ephraim. Alors, il s'était fait reprendre par son Squad un nombre incalculable de fois, avec beaucoup d'avertissements. Bref, Viktor n'avait pas aimé son expérience.
— Lâche-moi, sifflai-je à la tronche d'Orion.
Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Ephraim se racla la gorge. Hunter et Viktor nous observaient et évaluaient notre interaction.
— Tu disais Hunter ?
— J'ai reçu ma lettre de convocation, lâcha-t-il enfin.
Tout le monde sursauta et on se tourna vers Hunter qui agitait son bout de papier. Viktor était crispé et tendu. Si Hunter partait, il serait tout seul ici avec Orion et moi en vadrouille. Je n'étais pas sûr que ce soit la meilleure idée du siècle. Surtout si je réussissais à l'attraper.
Ades n'aurait jamais dû faire parvenir cette lettre à Hunter sans passé par Ephraim d'abord. Ce dernier se leva et récupéra la lettre des mains du gosse.
— Qu'est-ce que... s'écria Hunter.
— Tu n'iras pas, jusqu'à décision contraire, trancha Ephraim. Si vous voulez bien m'excuser, j'ai un coup de fil à passer.
— Mais...
Hunter resta la bouche grande ouverte, médusé. Orion se frotta le visage agacé et Viktor se laissa aller sur sa chaise.
— C'est quoi le problème ? marmonna Hunter.
J'agitai la main.
— T'inquiètes pas de ça gamin. Débarrassez votre table et on en reparle dans quelques jours.
— Ephraim va régler le souci avec Ades, le tranquillisa Orion.
— Mais vous avez tous fait le vôtre ! s'écria Hunter. Pourquoi je ne pourrais pas y aller moi aussi ?
— Hunter, souffla Orion, sans appel.
Je m'éclipsai rapidement pour rejoindre Ephraim dans son bureau, mais vu comment il gueula dans son téléphone, je fis demi-tour presto.
La main d'Orion se referma sur ma veste et il me plaqua contre le mur, son nez à quelques centimètres du mien. Immédiatement, ma colère prit le dessus.
— N'y va pas ! siffla-t-il. Tu ne trouveras rien là-bas d'utile !
— Ferme la, rétorquai-je. Je fais ce que je veux. Tu as abandonné, c'est une chose, mais pas moi.
De mon coude, je l'écartai de moi et il fit trois pas en arrière.
Dois-je intervenir ? La voix dans ma tête. Cet autre moi. Je secouai la tête.
— Elle a choisi de partir. Elle a choisi de ne pas rester ici.
— Parce qu'elle ne le savait peut-être pas ! sifflai-je entre mes dents. Qui sait ce qu'elle a entendu dans le clan de Zeus ? Hein ? Tu crois que je vais jouer notre avenir sur un doute ?
— Notre avenir nous appartient, gronda Orion.
Je ricanai.
— Tu es naïf si tu le penses vraiment, répliquai-je.
Je le heurtai de mon épaule et filai de la baraque sur le dos de ma moto. Je passai par un de mes bureaux où je récupérais plusieurs affaires à moi. Je checkai mon portable et le SMS de mon pilote m'apprit que je pouvais me rendre à l'aéroport pour décoller quand je le souhaitais. Les avantages d'être riches et de détenir une flotte d'avion à disposition. Je n'allais pas cracher dessus.
Je pris la route pour l'aéroport, un gros sac de sport sur le dos avec quelques fringues, un pc portable et deux faux passeports. La piste d'atterrissage privée que nous avions était de l'autre côté du tarmac et je dus déposer ma moto à l'intérieur du hangar de stockage.
Ce ne fut qu'arrivé devant l'avion que je me figeais. La voiture qui patientait à côté me fit un peu suer. Je crus qu'Ades allait venir m'empêcher, mais j'avais tout fait pour rester sous ses radars. Il ne pouvait pas savoir que je partais sans que quelqu'un ait balancé mon plan. Orion avait beau être con et chiant, jamais il ne me balancerait comme ça.
Mon sourire grimpa sur mes lèvres quand je vis une ombre se dessiner et sortir de la voiture en question. Ephraim remit sa veste de costard en place. Celle qu'il portait encore à notre repas il y avait un peu plus de deux heures maintenant.
— Arrête de sourire, grommela-t-il. Bouge ton cul, avant qu'Ades ne nous tombe dessus.
Je fis la petite danse de la joie de Hunter et Ephraim soupira plus fort. Je lui claquai la fesse et nous montâmes dans l'avion.
— Alors comme ça on n'était pas intéressé ?
— Laisse-moi te prévenir, Patrocle, m'annonça-t-il très sérieux.
Je déglutis. Je savais déjà ce qu'il allait me dire bordel.
Mais tant pis, nous devions tenter.
— C'est la dernière fois. Si cette piste ne nous mène pas à elle, tu stoppes tes recherches et nous trouvons une autre solution.
— Comme quoi ? sifflai-je. Tu accepterais de prendre un Catalyseur à sa place ? Plutôt crever.
Ephraim grimaça, mais ne dit rien de plus.
Bordel.
Il fallait vraiment que ce soit elle et que nous la trouvions.
**
La rencontre avec Patrocle 😍 lui, lui c'est baby aussi 🤤 des avis sur lui ? 😁
Vous avez aussi aperçu Viktor et Hunter qui sont les plus jeunes du groupe 😎
Et comme le peuple a parlé : ce sera un chapitre par jour. De préférence si j'arrive à tenir je le ferais tôt le matin que ça vous laisse la journée pour le lire. Donc hormis urgence ou manque de temps on part sur du un chapitre par jour. C'est parti 😁😁😁
La bise 😘
Taki & Ada'
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