02 - Orion

Je checkai mon téléphone pour la millième fois lorsque le message apparut au-dessus de mon écran.

— Il arrive, dis-je à la cantonade.

Les radios grésillèrent et l'effervescence habituelle se remit à faire vibrer l'air de la pièce. Quand le big boss arrivait, tout le monde se devait d'être impeccable. Et pro. Les casinos du clan étaient lucratifs et certains possédaient une renommée mondiale ; on les voyait apparaître dans des films, des séries, des publicités et nous n'avions aucun concurrent, en tout cas, aucun digne de notre clan. Nous étions littéralement les rois de la nuit.

— Je veux les images de l'entrée, lâchai-je en me tournant vers la pléthore d'écrans qui diffusaient en continu ce qui se passait en live dans l'Olympe ; le plus gros casino d'Ephraim.

Je vis tout de suite ce que je voulais et me penchai sur le fauteuil de Lance ; notre chef d'orchestre concernant la sécurité vidéo. Moi ? J'étais celui qui gérait tout dans l'ombre pour que notre boss se concentre sur ses affaires. J'étais ses yeux et ses oreilles au sein de notre empire et je prenais ce travail très, très au sérieux.

— Orion, là.

Lance me pointa l'écran qu'il fallait que je regarde et je grimaçai devant le groupe de personnes qui se tenaient parmi nos clients – réguliers ou non.

Qu'est-ce que des membres du clan Devaux venaient foutre là ? Heureusement, il ne s'agissait pas du Céracle officiel, mais honnêtement ? La même merde à mes yeux. Comme si j'avais envie de composer avec une bande de petits merdeux.

J'attrapai ma propre radio pour discuter avec mes équipes sur le terrain. Ce boulot, c'était toute ma vie, en dehors du clan. Ephraim m'avait placé là et je lui étais redevable, je lui devais beaucoup. Ma santé mentale, déjà. Après l'Unité Opérationnelle pour Primordiaux, je n'avais pas été loin de péter un câble. Comme Patrocle, même si lui...

— Retenez les merdeux Devaux, j'arrive.

Je préférai gérer ce problème avant Ephraim. Il était capable de faire fuir la moitié de nos réguliers juste en ouvrant la bouche, ce qui n'était pas franchement bon pour les affaires. J'avais donc pour habitude d'accueillir les autres clans, même si je n'étais pas le mieux placé au vu de mes... capacités de Primordial. Autant mettre un éléphant dans une salle remplie de porcelaine.

La porte de la salle de contrôle s'ouvrit devant moi, je traversai les couloirs réservés au personnel avant de jaillir dans l'espace climatisé du casino. Pièce immense, où les machines à sous côtoyait les tables de Blackjack. L'euphorie se reniflait presque et j'adorais sentir l'électricité parcourir mon corps dans ce lieu. Mon élément. Je passai entre les clients, ombre rapide, sans même les effleurer. Tout de suite, deux gorilles me talonnèrent.

Flopée de marches, quelques regards sur moi avant que je n'arrive au groupe d'éléments perturbateurs.

Nous n'étions pas réfractaires à la présence des autres clans ; après tout ils participaient à notre économie, comme nous à la leur. Et puis les Devaux n'étaient pas les pires, ce, de loin. Ils étaient supportables. Agaçants, mais tolérables.

Une épine dans le pied.

Je reconnus les visages devant moi. Pas les meilleurs. Mais encore une fois, si on allait sur ce terrain, pas les pires non plus. Ce clan s'était fait un nom dans l'immobilier. Sur la côte ouest d'abord, mais dans tout le pays aussi. Chacun des clans contrôlait un domaine en particulier, ou en tout cas régnait sur son royaume : l'immobilier, le monde de la nuit, la pharmaceutique, bref, nos noms n'échappaient à personne, pas plus que nos visages.

— Sérieux, Orion ! « Les merdeux Devaux » ? renâcla Hector.

— Quoi, t'es pas un merdeux peut-être ?

Il pointa ses trois camarades du pouce :

— Eux, certainement, mais moi ? Je suis un amour.

— Mouais, laisse-moi en douter. Toutes les caméras seront sur vous. Une connerie, je vous dégage.

— Chef, oui, chef !

Il ricana, tapota mon épaule et s'éloigna avec les autres. Je mis les gorilles sur le coup et sortis au moment où le chauffeur d'Ephraim faisait le tour du véhicule pour ouvrir à notre beau gosse de service.

Ephraim détestait la chaleur ; pas franchement facile quand on vivait en Californie, même si depuis quelques années, il passait de plus en plus de temps à Las Vegas. Pour s'éloigner un peu, respirer. Échapper à la pression d'Ades qui savait nous casser les couilles comme personne.

Mes yeux passèrent sur son visage, sans s'arrêter sur ses cicatrices. Elles faisaient partie du tableau, du personnage. La plupart des gens l'observaient avec un mélange de curiosité et de dégoût. Les fous.

— Je veux rentrer à Las Vegas, souffla-t-il alors que nous retrouvions l'air conditionné.

Ephraim soupira, desserra sa cravate avec un geste un peu agacé. Je ne lui demandai pas comment allait Patrocle ; ce dernier n'arrêtait pas de m'envoyer des conneries sur mon téléphone, comme s'il pensait que j'avais le temps pour ça.

— J'en connais deux qui vont commencer à se plaindre si tu ne fais pas un petit effort, grimaçai-je.

Je pouvais supporter l'absence prolongée d'Ephraim sans souci. Par contre Hunter et Viktor, beaucoup moins, même s'ils se la jouait très détachés. Petits cons.

— Quand je suis là, ils esquivent nos repas.

— Parce que tu es accroché à ton téléphone.

— Je gère un empire, vous, vous n'êtes que mes petites mains.

Je souris, lui aussi. Je le sentais tendu. Ses rendez-vous ou Patrocle ? Dur à dire. Est-ce que je voulais savoir ? Pas sûr.

Une fragrance particulière me parvint. Ténue, mais piquante.

La peur.

Je pouvais m'en nourrir, me rouler dedans. Mais je savais me tenir, surtout en société. Il ne fallait pas abuser.

Nous prîmes l'ascenseur pour rejoindre le bureau d'Ephraim. Dès que nous quittâmes la boite en verre, Madeleine apparut, sur ses talons aiguilles, sa tablette dans les mains. Elle était l'assistante d'Ephraim depuis des années ; une boule d'énergie et d'efficacité surtout. Elle faisait partie du clan et restait un atout pour Ephraim.

— J'ai besoin de cinq minutes, lâcha Ephraim avant qu'elle puisse ouvrir la bouche.

— J'attendrai, monsieur.

Je fronçai les sourcils. Ça ne ressemblait pas vraiment à mon avis. Patrocle ? Est-ce qu'il avait encore...

Une fois dans le bureau, Ephraim retira sa veste qu'il balança sur le canapé blanc et une photo tomba au sol sans un bruit. Il ne le vit pas tout de suite, n'y fit attention que lorsque je me penchai pour la ramasser.

Je ne demandai pas de qui il s'agissait, visage flou ou pas.

Une flambée de colère me traversa de part en part.

Foutu Patrocle !

— C'est son boulot, Orion, dit Ephraim.

Ouais, chercher des gens disparus, mener l'enquête.

Retrouver les lâches qui fuyaient.

Retrouver ceux qui ne voulaient rien avoir à faire avec vous.

Elle.

Elle. Elle. Elle. Son prénom, je ne le prononçais jamais, parce que ça réveillait tout. Et trop fort surtout.

— Et ça va durer combien de temps au juste ?

Je pris soin de ne pas froisser le cliché. Même si j'en mourais d'envie.

Foutu. Patrocle !

— Elle est partie ! Elle a choisi d'aller je ne sais où sans nous, alors explique-moi pourquoi vous la cherchez ?

Il était hors de question pour moi d'utiliser le on.

On ne la cherchait pas.

On ne faisait rien.

C'était Patrocle. Et Ephraim, éventuellement. J'ignorais comment ils arrivaient à noyer le poisson avec Viktor et Hunter depuis aussi longtemps, surtout vu leur passé... commun, mais ça fonctionnait.

Ephraim me fixa, de l'autre côté de son bureau, fatigué, éreinté. Sans Patrocle, il aurait tout arrêté, je le savais.

Je le savais.

Ils ne pouvaient pas être comme moi ? Vivre dans la haine, le déni et la colère ?

Cette colère, elle pulsait en moi depuis des années. Depuis si longtemps maintenant...

— Parce qu'elle est notre vrai...

Il se racla la gorge, serra des poings.

— Je veux la vérité, c'est tout, finit-il par dire.

— Et si ça ne te plaît pas ?

— Au moins j'aurais des réponses. Et Patrocle sera fixé. Tout le monde sera content.

Mon cul ! Moi, oui, certainement, mais les autres ?

— Et vous comptez en parler aux garçons ?

— Pas pour le moment.

Viktor allait péter un plomb quand il le saurait et Hunter... Hunter, putain !

— Elle serait à Toronto d'après Patrocle.

Quelle belle jambe ! Pour combien de temps au juste ? Si elle voulait vivre de cette façon, pourquoi lui renifler le cul avec nos envies et nos... argh, avec leurs envies et leurs désirs de réponses ?!

— On vit très bien sans elle. Tout ça... ce sont des conneries, Ephraim ! Une Anamchara ? Mon cul !

Son poing frappa son bureau. Je me figeai. Ephraim perdait rarement son sang-froid. En fait, ça n'arrivait jamais. Il fallait croire que malgré son envie d'arrêter, il n'était pas encore prêt.

Et encore une fois....

FOUTU PATROCLE !

Pourquoi fallait-il qu'il soit si... tenace ? Si habité ? Pourquoi fallait-il qu'il remue la merde de cette façon sans jamais rien lâcher ?

Parce que c'était plus fort que lui. Plus fort que tout le reste.

Putain de conneries !

Putain de putain !

— Je sais ce que j'ai ressenti, ce que Patrocle a expérimenté. Ne nous enlève pas ça.

Ses yeux changèrent un instant, avant de redevenir normaux. Je déglutis. Un Ephraim sur le fil du rasoir, ce n'était pas beau à voir.

Je ne voulais pas qu'il tombe du mauvais côté. Trop de regards sur nous.

Trop d'attention, non pas sur le clan, mais sur lui.

— Je ne veux pas savoir, dis-je, les deux mains en l'air. Laissez-moi en dehors de ça. C'est tout ce que j'ai à dire.

Je lui tournai le dos et quittai le bureau sans me retourner. Madeleine me suivit des yeux lorsque je passai devant elle. Je vibrai d'une colère sourde, d'une rancœur qui me donnait des coups de latte.

Dans l'ascenseur, je jurai. Je voulais qu'on arrête de toujours en revenir au même sujet. J'inspirai un grand coup, agacé.

Harassé.

Mes doigts froissèrent le cliché que je tenais toujours. Je l'observai. On ne voyait rien. Alors comment est-ce qu'il pouvait savoir, hein ?

Les mots d'Ephraim me revinrent.

— Fais chier !

Cette fois, j'écrasai la photo sous la pression de mes doigts. Sans regret.

Sans rien ressentir.

Qu'elle aille au diable ! 

**

Nouveau personnage 😎 nouveau beau gosse 😎😎 lui par contre il n'est pas content bwahaha 😁

Des hypothèses sur les raisons pour laquelle elle a fui ? 😳

J'espère que l'ambiance vous plaît déjà sur ces premiers chapitres 😍

Hésitez pas à nous laisser vos aviiiis 😁😁😁😎😎😎

La bise 😘

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