XXXIII-1 : Montagne rouge
Sur le mont rouge vient le pas d'Ochimaru.
Des muscles de taureau agitent son armure,
Sous son casque cornu descend un éclat roux
Et, face à lui, tous fuient dans l'ombre d'un murmure.
Enfant du Démon, il ne vit que pour le fer.
L'épée baignée de sang, il déverse l'Enfer,
Défait seul des armées, fait trembler l'Empereur.
Sur le mont solitaire, il défie les sabreurs
Et de rouge repeint les rochers et falaises.
Mais, un jour, un fantôme émerge de la glaise.
Un guerrier du passé, oublié par l'Histoire,
Vêtu d'or et de blanc, son œil perce l'azur.
Sa main prend le pommeau d'un long katana noir,
Une lame coupante, épargnée par l'usure.
Les oiseaux se taisent, frappés par la stupeur,
Pour la première fois, Ochimaru a peur.
Il voit la défaite, tremble face à la mort.
Le Bretteur frappera, ravira sa claymore,
L'homme-démon paiera pour ses crimes odieux,
Le héros partira sur la trace des dieux.
La montagne rouge d'Ochimaru
L'explosion projeta la porte deux mètres en arrière. Gehrmnen et Jarélie bandèrent leurs arcs, de même que la cinquantaine de Shawniens. Déjà, une silhouette noire émergeait de la fumée.
Les flèches se brisèrent sur son armure. Un apprenti magicien tendit une main ; son éclair pourpre s'incurva pour éclater contre un mur.
Sans attendre, l'homme bondit sur ses adversaires, accompagné par de nouvelles ombres. Les Shawniens dégainèrent leurs épées et engagèrent le corps-à-corps. Sans marquer d'hésitation, il poursuivit sa route, fit siffler ses deux lames, une dans chaque main. Deux corps tombèrent. Il poursuivit ses attaques, contra un Shawnien d'un côté, désarma un second, transperça un troisième, fit tournoyer ses armes.
À ses côtés, les gardes noirs, bien qu'en infériorité numérique, traçaient des traînées d'écarlate. Et, cependant, aucune menace n'apparaissait aussi présente, aussi vibrante, aussi létale que leur meneur. L'armure noire fusait, infaillible, chaque mouvement de bras semait la mort.
Un coup de coude repoussa Gehrmnen. La pointe d'une lame siffla, qu'il ne put éviter que de justesse. Le Shawnien perdit l'équilibre, une estafilade traversa son front. L'armure noire enchaîna aussitôt pour enfoncer ses deux lames dans deux Shawniens différents.
« On se replie ! »
Gehrmnen se redressa et, paniqué, chercha Jarélie du regard. Il la retrouva, indemne, à lui faire signe de revenir. Sans se faire prier, les Shawniens gravirent quatre à quatre les marches de l'escalier en colimaçon.
Derrière eux, les gardes noirs les talonnaient, achevaient les retardataires, s'engageaient à leur poursuite. Leur meneur fauchait les âmes, sans hésitation ; sur son armure noire maculée de sang, des insignes d'or s'étalaient, sans équivoque, pour avertir son rang.
Le Commandant.
Gehrmnen atteignit la grande salle de réception. En face, la baie vitrée étendait la vision sur l'ensemble de la ville. Sous l'ombre du vaisseau mère, des corolles lumineuses constellaient le ciel, les missiles explosaient avant les bâtiments. Et, dans la fumée, brillaient quatre grandes ailes d'or, une brillance d'espoir. Mais un espoir encore incertain, disputé. L'essaim noir des chasseurs harcelait l'apparition et, à l'est, les flammes rongeaient la cité, des panaches sombres s'élevaient en funestes présages.
« Mettez-vous à l'abri ! » ordonna le jeune homme.
Les derniers magistrats rejoignirent la salle du Conseil. Les toges blanches disparurent derrière une épaisse porte de fonte. Dans la cacophonie des bris de vases, de statues, des jets de flèches et cris métalliques, les derniers Shawniens sortirent de l'escalier.
Aussitôt, le Commandant apparut sur le palier.
Il dressa une épée ensanglantée, prononça quelques mots que Gehrmnen ne comprit pas. Le Shawnien interrogea ses congénères du regard, sans obtenir davantage d'explications.
Puis l'homme s'élança. L'épée siffla, les Shawniens tombèrent. D'héroïque, leur résistance devenait désespérée.
Gehrmnen esquiva la pointe d'une lame, attrapa de sa main gauche une barre de bois enduite de soufre et l'enflamma au contact du sol. Puis il la fit tournoyer dans les airs et se rua sur le Commandant.
Pour la première fois, le Kalendorien recula. À défaut d'une véritable offensive, les flammes impressionnaient toujours, leurs crépitements faussaient le mouvement, hypnotisaient le regard.
À l'occasion du Tournoi des Glaces, cette technique peu commune avait même triomphé de Galaniel. Le héros de Shawn, qui avait vaincu Sméarn Pteï, qui était devenu un ange de la Déesse Cristal.
Un combat d'exception, mais que Gehrmnen n'avait pas envisagé de perdre un seul instant. Sa passion des armes, son entraînement draconien avaient fait de lui l'un des meilleurs combattants de Shawn.
Il avait terminé premier de sa catégorie.
Premier.
Cet étranger, aussi redoutable fût-il, l'apprendrait bientôt à ses dépens. Plus grand, plus fort, plus jeune, plus impétueux, le Shawnien cumulait tous les avantages. Il le repoussa encore sur quelques mètres, manqua de peu le casque noir, effleura l'armure du bout des flammes, contra une lame de son adversaire. La seconde sifflait déjà pour venir rencontrer le bâton, qu'elle trancha en deux.
D'un mouvement de poignet, Gehrmnen arracha l'épée des mains de son adversaire, et fit tournoyer son arme endommagée. Un morceau se détacha pour partir en direction du Kalendorien, bientôt rejoint par un lancer du second. Décidé à profiter de l'occasion, le jeune homme se précipita sur son ennemi, la main droite crispée sur le pommeau de sa dernière arme.
Loin de reculer, le Commandant fit de même. Les morceaux de bois rebondirent sur son armure sans même faire hésiter son mouvement. Son bras gauche se déploya, le métal fusa.
Les deux protagonistes se heurtèrent de plein fouet, avant de rester immobiles quelques instants, l'un contre l'autre.
L'acier avait tranché.
Le Commandant recula d'un pas, une éraflure sur le côté de son armure noire. Face à lui, le Shawnien s'effondra au sol, une plaie béante dans le torse.
Touché en plein cœur.
Hurlement.
Jarélie évita l'épée d'un garde, repoussa un autre adversaire, pour se ruer vers lui. Le regard fou, désespéré, la jeune femme n'avait plus rien à perdre.
Non...
Il voulut parler, bouger. Sa vision s'assombrit, ses jambes lui échappèrent. Un froid létal remonta dans ses membres.
Lame dressée, Jarélie fendit l'air. Le Commandant l'évita sans peine et riposta aussitôt. Le tranchant argenté percuta la tête de la jeune femme. Projetée en arrière, sa chevelure blonde se colora d'incarnat.
Et le silence de la mort s'abattit sur les Shawniens.
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