XXXI-3 : Retrouvailles de l'enfant perdu

« Galaniel ! »

Un jeune homme blond rejoignit le groupe, accompagné par une poignée d'amis d'enfance.

« Je savais que tu avais la peau dure, poursuivit le Shawnien ; décidément, les Généraux n'ont qu'à bien se tenir ! »

Protégé par une armure de cuir légère, les yeux d'Aktalin souriaient de leur éternel entrain. Sans le moindre accroc, son équipement témoignait du plus grand soin, même sa chevelure parfaitement coiffée représentait un défi lancé aux bourrasques intempestives. Un combat que Galaniel avait, lui, abandonné depuis bien longtemps.

« Je vais faire partie des magiciens préposés au Cristal, détailla le nouvel arrivant, on arrêtera les bombardements avec un sortilège protecteur. Zagnar devra descendre se battre au sol, je compte sur toi pour mettre fin à ses velléités guerrières. »

Comme pour joindre le geste à la parole, le Shawnien ouvrit une main gantée ; une flamme bleue s'agita, puis disparut presque aussitôt. Galaniel hocha la tête.

« Est-ce que je t'ai parlé de Cermanfis, le maître qui assure ma formation ? poursuivit Aktalin. Je suis toujours apprenti, mais j'espère bien passer confirmé d'ici l'année prochaine. Peut-être même maître, un jour, soyons audacieux.

— Je suis sûre que tu nous en as déjà parlé avant son départ sur Zyx, et même plus d'une fois, s'interposa une jeune femme aux longs cheveux blonds. En attendant, je suis tout aussi ravie de te retrouver en pleine santé, Galaniel, tu nous as tous beaucoup manqués. »

Le Voyageur reconnut aussitôt Jarélie, le visage à demi emmitouflé derrière une écharpe de laine. Un jeune homme trapu, à la peau plus mate, l'accompagnait. Les yeux sombres, le visage à moitié tatoué de symboles et d'animaux protecteurs, de longues tresses rousses retombaient jusque sur ses épaules. Il tendit une épaisse main à Galaniel.

« Enchanté de te retrouver, Galaniel Zawhyka Espan, tu permets que je te tutoie ? »

La poigne solide réveilla les souvenirs du Shawnien. Gehrmnen, l'adversaire qui avait triomphé de lui au Tournoi des Glaces, pour finalement s'octroyer la première place de la catégorie.

« Jarélie m'a beaucoup parlé de toi, reprit l'homme, j'étais curieux de pouvoir te rencontrer dans des circonstances, disons, plus pacifiques.

— C'est une véritable surprise de vous, de te revoir, s'embrouilla Galaniel. Tout l'honneur est pour moi.

— Ils sont fiancés, lui souffla Aktalin.

— Nous nous marions dans trois mois, annonça Jarélie.

— Vous avez tous mes vœux », les félicita Galaniel.

Le jeune homme serra encore quelques poignées de mains enthousiastes de le retrouver.

« Je crois qu'il ne manque que Rhétar, constata-t-il, il...

— Il est ici, Rhétar, petit galopin ! Tu croyais que j'allais me tourner les pouces à Epadonas pendant que mes anciens élèves sauvent la planète ? »

Le Voyageur tourna la tête. Une moustache grisonnante écarta la foule. Plutôt petit, le crâne dégarni, quelques rides sculptaient un visage joufflu. Le maître d'armes avança jusqu'à lui avec l'irrégularité de sa jambe de bois.

« Content de te revoir, gamin ! »

Une solide poignée accompagna ses paroles. Les mains fortes, calleuses, témoignaient de décennies de pratique.

« Je compte bien botter les fesses de ce Zagnar, plastronna l'homme, il s'enfuira jusque dans son château d'Oriale et n'osera plus jamais revenir ici. »

Aktalin se glissa de nouveau dans la conversation.

« Galaniel, et si tu nous racontais ce qui t'est arrivé, durant ces derniers mois ?

— C'est... une longue histoire, commença le jeune homme.

— Fort bien, s'enthousiasma Rhétar, on aura de quoi s'occuper ce soir. »

Le maître d'armes s'assit autour du feu en tailleur, avant d'attraper une flasque d'eau-de-vie. Déjà, Lisdon distribuait des guimauves grillées. Les derniers éclats du soleil couchant disparaissaient derrière l'horizon, emportés par un souffle glacé. Galaniel ferma les yeux un instant pour revenir sur Zyx, aux côtés de son père Zawhyk, là où tout avait débuté.

L'opération d'Oriale, l'assassinat de Sméarn Pteï.


Place du Cristal, le lendemain

« Je connais une Estia Josana, une magicienne maître, elle est affectée au Cristal, comme moi. »

Aktalin tourna la tête. Les magiciens se regroupaient dans la place, en préparation de leur entraînement. Le sortilège qu'ils prévoyaient nécessiterait une parfaite concentration commune. Ou plutôt, les deux sortilèges. En plus de la protection supposée par Seyer, Estia avait tracé sur le sol les trois artères principales de la ville et proposé une possible offensive. Une cartouche de dernier recours, gourmande en énergie, donc utilisable une seule fois, tout au plus, mais capable, si nécessaire, de renverser le cours de la bataille.

« Elle est là, avec Djovak, son mari », reconnut Ethmine.

Les boucles cuivrées d'une chevelure rousse cascadaient le long d'un épais manteau violet. La femme, dos tourné, conversait avec un homme massif aux yeux verts, les oreilles recouvertes par un bonnet de fourrure.

« Je ne savais même pas que vous vous connaissiez déjà, remarqua Galaniel.

— C'était... peu après la naissance de Marzog, se souvint sa mère, juste avant de déménager à Epithaï. On habitait un tout petit village, à la bordure des terres septentrionales. Enfin, jusqu'à ce qu'une horde de yekters décide de descendre jusqu'à nous.

— Je croyais qu'ils ne quittaient jamais leur territoire. »

Les bipèdes aux fourrures blanches pullulaient dans les grottes gelées, au nord de la frontière. Ils habitaient la planète bien avant l'arrivée des premiers colons, mais dévoraient, à l'occasion, les quelques inconscients qui s'aventuraient jusqu'en leurs contrées hostiles.

« Ceux-là étaient... différents, se souvint Ethmine. Leur chef portait une Pierre, encore active, qu'il avait apparemment ramassée. Ils grognaient au sujet d'anges, de la mort, et voulaient brûler le village. Disons qu'ils sont tombés sur les mauvaises personnes.

— C'était la Pierre d'Ishtar ? vérifia Galaniel. Lorsque j'étais chez les Voyageurs, j'ai appris que cette Itinérante avait abandonné son artefact sur Shawn dans l'espoir de leur échapper. »

Ethmine hocha la tête.

« C'est cela même. Zawhyk a tué le yekter et récupéré la Pierre, par contre elle est restée... bloquée encore deux mois, avant qu'il ne disparaisse finalement avec.

— Comme avec moi sur le champ de bataille d'Oriale.

— Nous avons rencontré Mitteï, Alfonsi et Seyer, qui cherchaient l'Itinérante. La traque a pris fin avec sa mort. »

Et, à sa mort, sa Pierre était devenue capable de se lier à un nouveau porteur, Zawhyk. Comme Sméarn, Ishtar ne représenterait plus jamais la moindre menace.

Ethmine n'eut pas le temps de continuer qu'Estia et Djovak la reconnaissaient à leur tour, puis se précipitaient dans leur direction. Des poignées de mains s'échangèrent, de rapides formules de retrouvailles, avant d'arriver, bien vite, au principal sujet.

« J'ai des nouvelles concernant Ignis », annonça Galaniel.

Le Voyageur détailla les dernières circonstances de Sif, l'irruption inattendue de la magicienne, qui avait couvert sa fuite. Estia porta une main à la bouche, un douloureux espoir ressuscité dans le regard ; Djovak ne put retenir ses larmes.

« Dès que cette bataille sera finie, décida Estia, je retournerai sur Oriale. Dire que je n'avais rien trouvé, je la croyais morte !

— Je vous accompagnerai, annonça Galaniel. Je ne sais pas ce qu'il est advenu depuis notre cette dernière rencontre, mais je dois la vie à Ignis, j'ai une dette à rembourser. »


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