XXVII-4 : Le sort des vaincus

Îles d'Elenan

Une odeur d'iode remonta dans les narines de Galaniel. Derrière le bourdonnement de ses oreilles grondait le ressac des vagues, les cris de mouettes.

Les membres engourdis, la bouche pâteuse, le Shawnien rouvrit un œil. Des murs de bois sommaires l'entouraient, quelques lits occupés, des tables encombrées de bandages, de flacons transparents.

Sif, les Kalendoriens, le Commandant, n'apparaissaient déjà plus que comme un lointain cauchemar. Il s'était échappé à travers la Faille, in extremis, il avait survécu. Le Voyageur tourna la tête. Sa Pierre l'attendait sur une commode proche, son rouge luisant réchauffé par les rayons d'un soleil matinal.

Le jeune homme voulut se redresser, tendre la main, mais une douleur irradia sa poitrine pour le clouer sur place. Le Commandant. Il se rappela le tonnerre du fusil, sa propre chute. Et le souvenir de la première bataille lui revint en mémoire. Dans la tempête mugissante, la pluie de balles, alors qu'il récupérait la Pierre de son père. L'homme était déjà là, et son ordre avait failli causer sa mort. Il avait failli le tuer. Deux fois. Et seul l'artefact divin l'avait arraché à cette funeste fin.

Galaniel grogna. Vivement qu'il puisse quitter cette lune maudite, abandonner ces armées noires pour ne plus jamais les revoir. La chaleur de la lumière, le calme ambiant, peut-être, l'incitaient à l'espoir, à moins qu'un anesthésiant quelconque ne le gratifiât de son effet apaisant. Il repensa à Ignis. La jeune magicienne, survivante parmi les survivants, avait déjà démontré sa capacité à se glisser entre les faux de la mort. Sans doute la reverrait-il, un jour. Quant aux deux Chevaliers Oniriques, qu'ils pourrissent dans leur propre Enfer !

« Vous êtes réveillé, je vois. »

Une armure vermeille, aux motifs écailleux, s'approcha de son chevet. Une voix d'homme, plutôt accueillante, dans la langue zyssienne unifiée.

« À qui ai-je l'honneur ? marmonna Galaniel.

— Elias, garde rouge et amiral de la Brocélie. Je dois dire que je ne m'attendais pas à recevoir la visite d'un homme de votre renommée, ici même. Des civils vous ont repêché sur le rivage, plutôt mal en point, puis mes troupes vous ont soigné. »

Galaniel fronça les sourcils. À choisir, le jeune homme aurait préféré éviter retrouver les armures d'un Général, fussent-elles d'une nation moins hostile.

« Vous devez me confondre avec quelqu'un d'autre, grogna-t-il.

— En êtes vous sûr, Galaniel Zawhyka Espan, Voyageur de votre état ? »

Le Shawnien soupira.

« Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Notre Général, Octale Zdalavitch, aimerait vous rencontrer.

— Et si je refuse ?

— Nous ne sommes pas vos adversaires, monsieur Espan. Octale a déjà une dette envers Shawn et puis nous avons un ennemi commun, Zagnar Pteï. »

La tête de Galaniel s'enfonça dans l'oreiller de plumes, ses yeux montèrent au plafond de chaume.

« Je n'ai pas l'intention de m'immiscer davantage dans les affaires de votre lune. Je vous suis reconnaissant pour vos soins, mais, une fois que je serai parti, ce Zagnar ne me concernera plus. »

Un silence déplaisant lui répondit. Galaniel roula sa tête pour revenir sur Elias.

« Vous êtes plus impliqué que vous ne le croyez, hésita le garde rouge. Il y a tout juste deux heures, Zagnar vient de déclarer la guerre à Shawn. »


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