XXVI-1 : La capitale effacée
Le Prince laissa Octale vivre.
Et la guerre continua.
Nadèle Nbremala, Général du Furthyr, reconnut le Général rouge comme Chef, à peine deux jours après son retour à Kystan. Les deux pays, embourbés dans une vieille querelle de territoire concernant les îles d'Elenan, malmenés sur leurs fronts respectifs, accueillirent ce pacte avec soulagement. Néanmoins, leurs ennemis ne s'arrêtèrent pas pour autant. Les armées or de Xelang Ramngorath, nouveau Général d'Ostrie, poursuivirent leur invasion du Furthyr, tandis qu'en Kalendor, Esmène Vlata se retrouva encerclée, avec la majorité des armées rouges, par les forces conjointes du Commandant noir et de Rhampsodis, et se résigna à la reddition.
De l'autre côté du fleuve d'Aahrimblad, les Brocéliens, désormais en infériorité, organisèrent leur retraite. Ils sabotèrent routes, ponts, rails et infrastructures, dans l'espoir de ralentir au maximum leurs adversaires, alors que la guerre, désormais, menaçait leurs propres terres.
En l'espace de deux mois, Zagnar Pteï libéra tout l'ouest de Kalendor jusqu'à recouvrer ses anciennes frontières. Mais, alors que la victoire ne cessait de lui sourire, que ses armées s'apprêtaient à poser, enfin, le pied en territoire brocélien, son plus grand ennemi, jusqu'ici disparu, resurgit au grand jour.
L'homme empreint de mystère qui, contre toute attente, avait causé la mort de Sméarn Pteï, la légende de Shawn, le sauveur de Zyx et fléau d'Oriale.
Galaniel Zawhyka Espan.
Hupias Ecterian, L'Ascension du 47e Général Chef d'Oriale
Lune d'Oriale, Neelhan, quatre mois après la mort du Général Chef
Pensive, Dalen fit tourner l'A.O.M. d'émeraude dans la paume de sa main. Seule la lumière blafarde d'une lampe électrique perçait l'obscurité de la grotte, endormie dans la nuit noire.
« Tu vas accepter ? »
Elle ne répondit pas plus qu'elle ne réagit à la question de Stakis. Depuis qu'il avait troqué sa combinaison zyssienne contre des vêtements légers aux tons verts, en partie recouverts de feuillages, le jeune homme ressemblait à n'importe quel résistant neelhanais, une impression que renforçaient encore davantage ses cheveux ébouriffés tout comme sa barbe désormais anarchique. À l'inverse, Dalen, conservait un visage figé dans son attente. Son chignon blond restait le même que le jour de la bataille de Sif, son attitude altière, détachée, comme indépendante des conjonctures, si bien que son uniforme vert témoignait bien moins d'une allégeance que d'une commodité provisoire.
« Nous ne pouvons pas même être certains que Galaniel revienne ou non, poursuivit le Zyssien, mais cette guerre, sur Oriale, prendra bien fin un jour. Nous n'avons, de toute façon, nulle part ailleurs où aller. Ici, nous pourrions... »
Dalen redressa la tête, la glace de ses yeux scintilla dans la pénombre.
« Devenir Commandant d'une nouvelle garde verte autoproclamée ne m'a jamais intéressée ; je n'ai et n'aurai jamais qu'un seul Maître : Gathor. Et mon rôle actuel se borne à une relation de bénéfices mutuels. Je les aide et, en échange, ils surveillent les abords de Sif à la recherche de Galaniel.
— Je sais, éluda Stakis. Mais... s'il ne revenait pas ? Nous ne pourrons de toute façon pas retourner sur Zyx, ni sur Shawn. Alors, pourquoi ne pas...
— Il reviendra, s'il est bien Gathor. »
Les mots de Stakis s'étranglèrent. Après tous ces efforts, tous ces sacrifices, il se refusait au moindre doute, et pourtant...
Dalen remarqua son trouble du coin de l'œil, soupira, rangea son A.O.M., et, enfin, se redressa pour poser une main sur son épaule.
« Le Maître finira par revenir, quelle que soit sa nouvelle forme. Même si nous faisons fausse route, lui nous retrouvera toujours et achèvera son œuvre. Les anges, comme leurs dieux, connaîtront leur chute. »
Le Zyssien hocha la tête.
« Et la Guerre prendra fin », compléta-t-il.
Plus de guerre, plus de complots, plus de manigances justifiées par un ordre supérieur autoproclamé. La corruption de Barcad disparaîtrait, les méfaits d'Alfonsi rencontreraient la justice fédérale, le peuple, enfin, connaîtrait la vérité, toute la vérité.
Pour autant, aussi enviable qu'apparût cette destinée, combien de sacrifices justifiait-elle ? Lors de l'opération d'Oriale, les Shawniens croyaient se battre pour la paix, pour un meilleur avenir ; aucun, sans doute, n'était de mauvaise personne. Pourtant son sabotage, en empêchant le débarquement d'Alfonsi, avait, indirectement, causé leur mort.
Mais, une fois commencée une guerre, une fois que se dressaient les hommes les uns contre les autres, sans même comprendre pourquoi, quelle autre alternative restait-il ?
Si Dalen, d'ordinaire, balayait ses tergiversations sous le spectre d'une froide nécessité, rencontrer Gathor, peut-être, lui apporterait des réponses supplémentaires. L'homme avait, depuis longtemps, abandonné sa simple condition humaine pour s'élever en prophète du nouveau Monde, un Monde qu'il façonnerait bientôt de ses propres mains.
Sans prévenir, la Shawnienne redressa la tête, les yeux plissés dans une froide contemplation de l'obscurité. Ses doigts s'agitèrent autour du pommeau de son arme. Un nouveau son résonna, une silhouette sombre s'approcha, drapée du manteau de la nuit.
« Du calme, ce n'est que moi. »
Bras levés, Ephas rejoignit les Chevaliers Oniriques. Perdus dans la barbe et les cheveux grandissants d'un visage terreux, ses yeux scintillaient d'une rare excitation.
« Vous aviez raison, depuis le début, s'enflamma-t-il. Je n'y croyais même pas, mais vous aviez vraiment raison.
— De quoi tu parles ? » demanda Stakis.
Les yeux de Dalen s'agrandirent alors que répondait le Neelhanais :
« L'homme que vous attendiez tous les deux, ce Galaniel Zawhyka Espan, il est de retour. »
Ignis rouvrit les yeux.
Endormie sous une froide nuit printanière, la forêt bruissait au ralenti. Quelques hululements résonnaient, un rongeur rejoignait son terrier, un crapaud hibernait sous terre. Mais, à seulement quelques kilomètres, à l'orée du champ de bataille fatidique, s'agitaient les voiles de l'Univers.
Elle quitta son sac de couchage, se redressa, fébrile. Toutes les dimensions se tordaient sous l'effet d'une force impérieuse, une puissance absolue déchirait l'espace.
Deux points qui n'auraient jamais dû se rencontrer se connectèrent. Deux univers, unis par la seule main divine, la volonté de la Déesse Cristal.
« Un problème ? »
La voix rauque de Sodem la fit sursauter. Néphyle, en retrait dans l'obscurité, attendait elle aussi. Toute à sa contemplation, la jeune magicienne n'avait remarqué aucun de ses deux compagnons se lever.
Elle tendit un bras.
« Il est ici, dans cette direction. »
De l'ouverture spatiale émergeait une présence familière, accompagnée de l'œil divin, cette lumière caractéristique qui, autrefois, accompagnait les pas de Zawhyk Espan.
« Galaniel vient de revenir. »
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