XXIII-1 : Celui qui porte tous les noms
De toutes les choses du Monde, nulle, autre que le Créateur, ne peut prétendre à l'éternité.
Tous les animaux, du ciel, des océans et de la terre, tous les conscients, connaissent le cycle de la vie, la succession des naissances, des croissances, des vieillesses et des morts. Et chaque âme envolée rejoint la demeure d'Ahura Mazda. Et, pour chaque âme envolée, le souffle d'Ahura Mazda embrase une nouvelle âme, une nouvelle naissance.
Mais même les montagnes s'effondrent sous l'érosion des vagues, le sable du désert recouvre les plaines et les forêts et les étoiles brûlent leur propre vie, jusqu'à disparaître dans un dernier souffle.
Il viendra ainsi un temps où les dernières étoiles s'éteindront, où les derniers mondes dépériront, et où les derniers êtres vivants connaîtront leur fin. Et les Ténèbres recouvriront l'Univers, et leurs murmures perfides détourneront les conscients de leur Créateur.
Ce jour-là verra l'affrontement final, l'ultime choix entre Bien et Mal. Alors, Ahura Mazda redescendra sur le Monde et dira :
« Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Moi, qui porte tous les noms, j'ai donné leur nom à toutes les choses du Monde. Moi, qui ai donné naissance à l'Univers, je suis venu lui donner un terme. Car voici arrivé son dernier jour, le Jour du Jugement dernier. »
Alors les derniers fidèles de la Lumière s'agenouilleront devant leur Maître, et la main de leur Maître les sauvera. Et Ahura Mazda leur dira :
« Vous, les sages d'entre les sages, vous qui n'avez cessé de croire, d'espérer et de prier, suivez Ma Lumière, sans vous retourner, car je vous offre une place éternelle en Mon Royaume. »
Alors, devant eux, s'ouvrira un chemin blanc de lumière et, dans leurs yeux, brillera l'or de tours éternelles. Sans se retourner, ils suivront la Lumière, ils marcheront jusqu'à l'éternel Royaume d'Ahura Mazda.
Et, derrière eux, l'Univers retournera au Néant.
Grand Livre de la Lumière, Le Jour du Jugement dernier
Galaniel rouvrit les yeux. Le dragon piaillait autour de sa tête pour rappeler l'imminence de la Cérémonie.
Après toutes ses épreuves, le jeune Shawnien allait rencontrer la Déesse Cristal et, enfin, devenir Voyageur à part entière ou, tout du moins, apprenti.
Le jeune homme releva un bras, fit refluer l'eau moussante de sa baignoire. Il s'était assoupi, épuisé par les derniers jours.
« C'est bon, j'ai compris », grogna-t-il à l'intention du dragon.
Le lézard siffla son mécontentement pour se poser au sommet du baldaquin. Galaniel soupira, puis se leva finalement. Ses muscles fatigués lui rappelaient tous les efforts passés. Sans attendre, il attrapa une serviette blanche et parcourut l'armoire ouverte. Ses doigts s'emparèrent de vêtements beiges passe-partout, sans fioritures, qu'il enfila aussitôt.
Il s'arrêta devant un miroir, rattrapa quelques mèches noires ébouriffées, considéra qu'il était suffisamment présentable et, enfin, sortit. Comme à l'aller, la porte se résorba dès le contact de ses doigts pour se reconstituer derrière une fois passée.
Dans le couloir, Würz l'attendait, adossé contre le mur de face, ses bras noirs croisés dans une expression impénétrable. L'azur de ses six yeux se posa sur la nouvelle épée, accrochée au flanc de Galaniel.
« Une sage décision, approuva-t-il. Les lames du Sanctuaire sont les meilleures qui puissent exister. »
L'être se sépara du mur ; les grandes ailes de son dos s'étirèrent. Sur son poignet, un bracelet le gratifia d'un éclat lumineux. Entre les pierreries du métal ouvragé, Galaniel reconnut la forme caractéristique d'une Pierre semblable à la sienne, mais coloriée d'azur et percée d'un unique œil blanc. Au même instant, l'artefact du Shawnien résonna à l'unisson.
Un message.
« C'est l'heure, résuma Würz, la Cérémonie va commencer. »
Ils allaient rencontrer la Déesse.
Le cœur de Galaniel intensifia ses battements. Le jeune homme, jusqu'ici maître de ses émotions, laissa transparaître sa nervosité. Il suivait depuis longtemps, bien que de loin, le culte de la Déesse Cristal et son père avait même fait partie de Ses anges, mais, aujourd'hui, il rencontrait la Créatrice du ciel et de la terre, Celle qui avait forgé les planètes, embrasé les étoiles. Celle qui voyait tout, pouvait tout, savait tout. Le Juge suprême, qui avait séparé le Bien du Mal.
Ses pas suivirent le Voyageur comme dans un rêve. Lorsqu'ils arrivèrent à la cour intérieure, des dizaines d'anges attendaient sur le dallage blanc immaculé, face au Temple iridescent. Le jeune homme parcourut les visages, mais ne reconnut qu'Alfonsi Mactivial, ex-capitaine du deuxième vaisseau de l'opération d'Oriale. Le Zyssien, en partie enveloppé d'une cape grise, redressa la tête dans sa direction. Les traits d'ordinaire fermés, presque antipathiques, de son visage antipathique, s'écartèrent dans une ébauche de sourire.
Puis les éclats dorés, aux alentours, attirèrent l'attention de Galaniel. Les salvens, près des colonnades de marbre, entouraient la cour, immobiles, à équidistance les uns des autres. Enfin, il remarqua Séophan guider Alyne et Néol, Césape, jusqu'aux Voyageurs. L'elfine profitait de sa perception des ultrasons pour échanger oralement avec son guide, tandis que Césape, aussi droit que les colonnades proches, la fourrure mordorée frémissante, balayait, par intermittences, son regard jaune inquiet, sans plus oser de trait d'humour. Le gigan s'arrêta sur Galaniel, dévoila une rangée de crocs blancs, accompagné d'un geste de main discret. L'elfine, de même, remarqua ses compagnons, et les gratifia d'un sourire neutre en les rejoignant. Tous deux, à l'instar de Galaniel, avaient profité de ce répit pour recouvrer une apparence présentable. Si Alyne retournait à ses fondamentaux, avec une tunique blanche presque identique, brodée de fils d'argent, Césape, en pleine exploration vestimentaire, avait troqué ses peaux de bête contre une chemise beige ouverte et un pagne aux motifs bigarrés. Même un nœud papillon audacieux venait éclairer son cou velu de son plus bel effet doré.
Sans un bruit, les rangs des Voyageurs s'écartèrent jusqu'à ouvrir un large passage vers le Temple. De près, la construction, nimbée de lumière, apparaissait encore plus imposante. Les marches s'élevaient sur plusieurs mètres jusqu'à l'entrée béante de puissance. Chaque arche, chaque pierre, chantait une perfection divine, assemblée pour l'éternité.
« C'est le grand moment, je crois », murmura Césape.
Néol, Würz et Séophan les menèrent jusqu'au pied des marches, avant de disparaître, à leur tour, dans la foule des anges silencieux. Au sommet, trois silhouettes apparurent, auréolées d'un or divin.
Le Shawnien cligna des yeux. Seul l'homme de gauche lui était inconnu, un colosse au crâne rasé, aussi grand que Césape. Un boubou à dominante or et azur recouvrait une peau noire comme l'ébène, des muscles massifs, comme taillés dans le roc. Ses yeux sombres traversèrent Galaniel, aussi brûlants que le réceptacle d'une fureur volcanique, et le jeune homme préféra détourner le regard.
Le Grand Maître de droite, lui, n'était autre que Seyer Askhalomène, capitaine du premier vaisseau de l'opération contre Oriale. Si, aujourd'hui, le Voyageur arborait un costume ocre impeccable, l'absence de son masque blanc révélait un visage d'une autre planète. Une peau et des cheveux orange, d'épais sourcils pigmentés, des oreilles doubles élancées, et, enfin, deux yeux au violet très clair.
Enfin, au milieu, restait le premier archange, Mitteï Ogame. En apparence, une jeune fille chétive, peut-être âgée de sept ans, vêtue d'une simple robe blanche, à la peau pâle et aux cheveux transparents, aussi épais qu'un doigt humain, qui scintillaient comme du cristal sous les caresses de la Lumière omniprésente. Mais deux yeux immenses dévoraient son visage, et leur azur, aussi profond que l'Univers, témoignait une expérience millénaire. Dans ces pupilles insondables se reflétaient toutes les nations, tous les mondes, toutes les étoiles de la Galaxie.
Elle avança d'un pas et prit la parole en premier. Si sa voix fluette confirmait son apparence innocente, ingénue, inoffensive, une écrasante aura émanait de sa Pierre, mais aussi d'elle-même. Mitteï avait participé aux plus grandes guerres de l'Ordre, vu naître des empires, provoqué leur chute, écrasé d'innombrables apôtres noirs. Face à elle, même Gathor avait trouvé la mort.
« En ce jour béni, nous accueillons, pour le nouveau cycle, trois nouveaux apprentis : Alyne ol'Astyn, Galaniel Zawhyka Espan et Césape Victorèle. Au nom de tous les anges et des archanges ici présents, je vous souhaite la bienvenue parmi nos rangs. »
Elle dressa ses mains d'enfant, les paumes tendues vers le ciel.
« Ô, Ahura Mazda, notre guide à tous, porteur de tous les noms, créateur de tous les mondes, du ciel et de la terre, offre leur Ta bénédiction, car ils ont suivi Tes Pas, cherché Ta Lumière, appliqué Tes préceptes, pour Te rejoindre. Permets-leur, à leur tour, de rejoindre Tes anges, qui chanteront Tes louanges et accompliront Ta volonté pour les siècles à venir. »
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