XIV-3 : Les armes de la paix

Le jeune homme, pressé par le gigan, soupira. Il commença son récit, la voix calme et grave, dénuée des exubérances propres à son compagnon.

Dans le système solaire natal de Galaniel, les humains habitaient une planète double à environ cent cinquante millions de kilomètres de leur soleil : la Fédération de Zyx, ainsi que sa lune d'Oriale. Suivait ensuite, cinquante millions de kilomètres plus loin, Shawn, en grande partie recouverte de glace. Les autres corps célestes du système solaire n'abritaient, quant à eux, que des sondes ou bases zyssiennes.

Alyne réfréna un sourire lorsque Galaniel dut expliquer à Césape le concept de planète, ou de système solaire, avant de pouvoir reprendre ses explications.

Zyx explorait la pointe de la science, et comportait dix-sept milliards d'habitants, regroupés en une Fédération de dix-sept cités. Oriale, au contraire, restait technologiquement moins avancée, et seulement forte de deux à trois milliards d'habitants, divisés en sept nations, elles-mêmes dirigées par sept Généraux. Ces Généraux avaient alors pour coutume de choisir parmi eux un Chef, afin de représenter la lune. Cette désignation pouvait se faire à l'amiable, mais, bien souvent, débouchait tout aussi bien sur des conflits guerriers.

D'ordinaire, la Fédération ne se préoccupait jamais des affaires d'Oriale, si ce n'était pour renouveler des traités de paix avec les différents Généraux Chefs. L'arrivée au pouvoir de Sméarn Pteï allait cependant changer la donne.

« Sméarn Pteï ? C'est le bonhomme que tu as vaincu, c'est ça ? vérifia Césape.

— L'Itinérant », compléta Alyne.

Galaniel confirma d'un hochement de la tête. L'homme avait propulsé une petite nation, Kalendor, à la tête de la lune, suite à une sanglante campagne militaire. D'abord cordial avec la Fédération, il occupa les dix années suivantes à rebâtir ses villes, affermir son pouvoir et développer son armée. Dans le plus grand secret, il fit construire trois grands vaisseaux spatiaux, capables de traverser l'espace. Puis, sans doute attiré par un bien plus grand pouvoir, il menaça la Fédération zyssienne d'une guerre totale, si elle ne se soumettait pas à son hégémonie dans les trois semaines. Ce fut son ultimatum.

« Je vais sans doute dire une bêtise, coupa Césape, mais il est pas un peu cinglé, ce bonhomme ? Enfin, je veux dire : mis à part que c'est mal d'envahir une planète et tout ça... Si j'ai bien suivi, ils sont dix-sept milliards sur Zyx, deux sur Oriale, trois à tout casser. Il allait surtout se prendre une épique raclée, non ?

— Le problème vient du fait que, contrairement à Oriale, Zyx ne possède pas d'armée, expliqua Galaniel. C'est un peuple pacifique, qui a interdit la construction de la moindre arme de guerre. Même leurs gendarmes utilisent des armes non létales, principalement des lance-éclairs.

— Comment ça, pas d'armée ? », s'étonna Alyne.

L'explication se lisait dans le passé tumultueux de Zyx, plus exactement trois mille ans plus tôt, lorsqu'existaient encore une myriade de nations indépendantes. L'épuisement des ressources, les tensions grandissantes, sur fond de course aux armements, devaient mener la planète au gouffre.

Le lancement de l'Exode, à savoir l'envoi, par les nations les plus avancées, de vaisseaux pour coloniser Oriale, alors inhabitée, fut le déclencheur. Un petit pays déclara la guerre à son voisin, bientôt suivi par un autre. Bientôt, par un jeu d'alliances compliqué, les grandes puissances rejoignirent à leur tour le conflit. Partout, sur le globe, les missiles quittèrent leurs silos et embrasèrent la planète dans le feu nucléaire.

Trois jours d'apocalypse.

Seul un dixième de la population devait survivre. Cinq cents millions d'individus perdus, éparpillés sur des terres dévastées.

Moins d'une semaine plus tard, les derniers représentants des nations se réunirent et, face à une telle dévastation, oublièrent leurs différends. La survie même de l'espèce humaine se jouait désormais sur le court terme. Ils signèrent la paix en hâte et donnèrent les pleins pouvoirs à une ancienne pacifiste, Asmanthe.

Afin d'éviter un retour à l'âge de pierre, elle fit alors réunir tout le savoir de l'humanité, pour le conserver dans un ordinateur doté de conscience. Le projet fut mené par un scientifique qui donna ensuite son propre nom à sa création, Karl. Ainsi, même si ses créateurs venaient à disparaître, la machine pourrait prendre la relève. Une cité entière s'agença ensuite tout autour de ce projet, et prit le nom de Barcad. Elle devint la capitale des survivants, et le dernier espoir de survie pour l'humanité.

Asmanthe, de son côté, se démena dans des expéditions humanitaires, parcourut des contrées désolées, déploya tous ses moyens pour sauver les dernières âmes survivantes. Elle-même ne survécut pas longtemps, rongée par les radiations, achevée par des maladies autrefois disparues. L'ordinateur central, Karl, prit alors le commandement, afin d'organiser la survie de l'espèce humaine. Barcad manquait alors d'eau, de nourritures, de sources d'énergie, et la mortalité atteignait des sommets. Néanmoins, avec les siècles, ses capacités de décision lui permirent de traverser la crise, jusqu'à rendre aux humains une prospérité rêvée.

« La guerre a failli faire disparaître Zyx, conclut Galaniel, et toutes les générations futures en ont été marquées. Pour éviter un nouveau cataclysme, toutes les anciennes nations, ou du moins ce qu'il en restait, se regroupèrent en une unique Fédération. Elles se réunirent autour d'un principe fondateur, à savoir le désarmement total, et l'interdiction de construire de nouvelles armes de guerre. Aujourd'hui encore, il s'agit du premier article de la Constitution zyssienne, un article resté intouché depuis trois mille ans.

— Et ce... cette machine, Karl, elle dirige toujours la planète ? demanda Alyne

— Oui et non. Karl n'a eu officiellement les pleins pouvoirs que durant un siècle, pour sauver l'humanité de l'extinction. Puis un gouvernement s'est instauré, une fois passé l'état d'urgence. D'ordinaire, l'Ordinateur le laisse mener sa politique comme il l'entend. Toutefois, lorsque des sujets litigieux ou importants viennent à être traités, le Conseil de Barcad a pour coutume de solliciter son avis.

— J'ai pas tout compris, avoua Césape. Mais, en gros, les Zyssiens ont failli s'entre-tuer jusqu'au dernier il y a longtemps, et, par conséquent, ont préféré arrêter de se taper dessus depuis.

— C'est cela. »

Ce pacifisme rendait Zyx plus que vulnérable face à une éventuelle invasion orialienne. Deux ans plus tôt, Zawhyk avait déjà essayé de les convaincre de mettre en place un dispositif de défense, mais en vain. Il n'y avait encore aucune preuve concernant la construction de vaisseaux orialiens, et les Zyssiens refusèrent de modifier leur Constitution.

Ils acceptèrent cependant d'organiser un échange avec Shawn. Leurs scientifiques eurent l'occasion d'explorer la planète de glace et, surtout, d'étudier les prouesses des magiciens, qui n'existaient pas sur leur monde, tandis que de nombreux Shawniens purent découvrir Zyx et les miracles de sa science.

Galaniel s'interrompit alors qu'une ombre traversait ses yeux. À l'époque, ils n'imaginaient pas ne jamais revenir sur Shawn. Beaucoup comptaient parmi ses connaissances, ses amis. Saxen...

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