VII-2 : Le spectre de la guerre

Planète Zyx, abords de la Tour Centrale de Barcad

« Général ! Les aliens ont percé toutes nos défenses ! Ils envahissent la ville ! »

La flotte des vaisseaux extrazyxestres recouvrait le ciel de Barcad. Leurs tirs noyaient la capitale sous un déluge de feu, pour écraser les maigres forces armées humaines.

Un gigantesque vaisseau mère dépassa la Tour Centrale pour se poser quelques rues plus loin. Il écrasa sous son poids les bâtiments de verre et d'acier préexistants, réduisant à néant des prouesses architecturales séculaires. Des trappes s'ouvrirent sur sa coque hideuse, pour vomir un flot continu d'envahisseurs bipèdes, recouverts de scaphandres verts. À peine plus petits que des humains, les extrazyxestres tiraient sans réfléchir sur tout ce qui pouvait bouger.

Comme un seul alien, ils se dirigèrent vers la Tour, emblème de la Fédération et siège du pouvoir. Les derniers soldats s'étaient réfugiés dans le bâtiment, prêts à livrer leur ultime combat.

Rien ne semblait pouvoir arrêter la progression cauchemardesque des envahisseurs.

Rien ? Non !

Les rayons du Soleil illuminèrent de leurs feux divins le seul héros capable de sauver la planète de cette monstrueuse barbarie.

« Ils ne pénétreront pas dans la Tour ! Je les en empêcherai ! hurla Galaniel, pour couvrir les rugissements sauvages des canons.

— Bien, général. Nous allons essayer d'organiser une contre-frappe massive pendant ce temps. Vous devez juste réussir à leur tenir tête durant quelques minutes.

— Ne craignez rien, je m'en charge ! »

La horde belliqueuse envahissait déjà le pont de l'entrée principale. Galaniel s'élança.

Ces envahisseurs caricaturaux étaient lents, peu réactifs, et surtout, parfaitement stupides. Le jeune homme fit feu avec son arme de poing ; plusieurs explosèrent aussitôt, avant de disparaître. Il dégaina une lame, et s'engagea dans un combat âpre. Les ennemis venaient de toutes parts et les morts étaient aussitôt remplacés par de nouveaux, toujours plus barbares et repoussants.

Profitant d'un instant d'inattention, un alien lui donna un coup dans la poitrine. Galaniel riposta avant que son adversaire eût la judicieuse idée d'utiliser sa propre arme de poing.

« Prend ça, poulpe de carnaval ! »

Il explosa aussitôt, rejoignant ses — innombrables — camarades déjà tombés au combat.

Galaniel continua de frapper de toutes parts. Malgré leur nombre, ses adversaires ne parvenaient pas à le maîtriser. Le jeune homme se faisait aussi vif qu'insaisissable, et sa lame traçait des brèches béantes dans la masse extrazyxestre. Les corps retombaient au sol, innombrables, puis disparaissaient les uns après les autres.

Galaniel se rendit compte avec effroi qu'un alien était sur le point de pénétrer dans la Tour. Il tira de nouveau, et atteignit l'importun du premier coup. L'explosion bleue mit un terme définitif à ses velléités.

« Eh bien ! Ce n'était pas loin ! » souffla notre héros.

Il examina son arme. Surchauffée. Il ne pourrait plus s'en servir avant un certain temps.

Puis il plongea de nouveau dans la mêlée, pour faire virevolter sa lame dans un véritable ballet de mort. La seule arme qui ne pourrait jamais surchauffer ou se retrouver à court de munitions. Il continua de se battre de toutes ses forces, seul contre tous.

Mais, peu à peu, il reculait vers la porte.

Les imposantes statues d'Asmanthe et de Karl, les fondateurs de la cité, encadraient l'ouverture. Il fallait à tout prix empêcher qu'un seul alien ne la traverse. Quelques tirs fusèrent autour de lui, mais il les évita sans peine. Ces caricatures de poulpes faisaient preuve d'une maladresse hors du commun.

Une statue explosa sous leurs assauts. Par réflexe, Galaniel se protégea la tête des débris épars.

« Mais vous êtes des sauvages ! s'époumona-t-il. Je vais vous réduire en pièces ! »

Il fallait néanmoins reconnaître que le nombre aidant, les aliens le contraignaient surtout à la défensive. Ses coups ne permettaient plus que de retarder leur avancée inexorable vers l'entrée de la Tour. Le jeune homme sentait bien qu'il ne pourrait plus tenir longtemps.

« Mais qu'est-ce qu'ils fabriquent ? Je l'attends toujours, leur frappe ! » maugréa-t-il.

Une nuée de drones explosifs traversa le ciel pour s'abattre soudain sur le pont infesté d'aliens. Plusieurs vaisseaux alliés les rejoignirent pour virevolter ensuite entre les tours démesurées de la capitale. Ils firent aussitôt feu sur les petits appareils extrazyxestres qui ne tardèrent pas à s'écraser en flammes dans divers endroits. Puis des gardes sortirent de la Tour pour achever les survivants encore présents sur le pont. Seul restait désormais le vaisseau mère.

« Général ! Nous ne parvenons pas à percer les défenses de leur vaisseau mère ! Et il ne cesse d'envoyer des renforts ! »

En effet, un essaim continu de petits vaisseaux s'en déversait sans faiblir, et s'attaquait aux chasseurs proches.

« Ouais, ouais, je m'en occupe. »

Galaniel s'élança sur le pont, accompagné par une poignée de gardes.


Alyne était décontenancée. Qu'étaient ces visions incongrues ? Des rêves ? Elles étaient bien trop réelles, trop solides pour en être. La vie de Galaniel ? Bien trop absurde. Elle voyait son enfance sur une planète froide d'un système solaire, puis son départ vers une autre planète, plus peuplée... Celle-là même qui semblait avoir subi une invasion d'un autre monde.

Que signifiait l'affublement de Galaniel en général ? Comment cela avait-il pu avoir lieu ? Qui étaient ces envahisseurs ? Et d'où venaient-ils ?

Elle persista à s'accrocher à ce souvenir, dans l'espoir d'un début de réponse. Les images continuèrent de défiler dans sa tête.


Après une longue escapade à travers les rues de la cité, Galaniel arriva enfin au vaisseau mère. L'appareil reposait sur un monceau de décombres, agrégat informe de tours, ponts et bâtiments écrasés sous son poids.

Une trappe s'ouvrit en son sommet, pour révéler un canon gigantesque. Le jeune homme n'eut pas même le temps du moindre mouvement qu'une onde d'énergie noire balaya la zone. Les gardes qui l'accompagnaient furent aussitôt désintégrés.

Le rayonnement de la mort.

Il était le seul à ne pas avoir été affecté, protégé par l'allumette de puissance qu'il avait dérobée auparavant.

« Vos armes ne peuvent rien contre moi ! vociféra-t-il. Je vous ordonne de quitter cette planète !

— Partie sauvegardée. »

Cela ne promettait rien de bon.

Un monstre tentaculaire gigantesque s'extirpa du vaisseau. Son corps métallique luisait d'un éclat inquiétant.

Il hurla, et fit claquer dans l'air ses longs tentacules, chacun refermé sur une lame démesurée.

Galaniel évita de justesse un premier assaut, et riposta aussitôt avec son arme de poing. Son attaque n'eut pas le moindre effet notable, si ce ne fut d'énerver davantage la créature cauchemardesque.

Il analysa la situation. À une dizaine de mètres, une mitrailleuse abandonnée l'attendait, sans doute installée puis abandonnée par des alliés. À première vue, elle semblait encore en état de marche, mais il n'y avait qu'un seul moyen d'en être sûr...

Il courut le plus vite qu'il pouvait, sauta pour éviter une lame mortelle, puis se baissa aussitôt ; la seconde décapita un lampadaire. Il s'écarta sur le côté, et évita les boules de feu que crachait le monstre. Les projectiles poursuivirent leur route et pulvérisèrent un panneau publicitaire. Galaniel renversa une poubelle cabossée sans y prêter attention, puis s'agrippa à la mitrailleuse. Il la mit en route. Le monstre s'avançait vers lui. Les tentacules s'agitaient, inquiétants. Il n'aurait pas de seconde chance.

Une grêle de projectiles s'abattit sur le monstre, et lui arracha un hurlement abominable.

Mais Galaniel ne regarda pas la suite. Une épée traversait son torse de part en part. S'il ne ressentait pas la moindre douleur, il avait perdu. Un alien caché dans une poubelle. N'était-ce pas stupide...

Le décor se brouilla, une musique déprimante résonna dans ses oreilles. Le ciel se colora de rouge, puis, l'une après l'autre, s'affichèrent les lettres fatidiques :

GAME OVER


Alyne ne comprenait pas. Comment pouvait-il avoir vécu cela ? D'autres souvenirs, du même acabit résonnaient en désordre.

Elle voulut plonger plus profond, et ne remarqua qu'au dernier instant la nasse qui se refermait sur elle. La réalité remplaça la fiction, bien plus poignante, bien plus cruelle.

La guerre n'est pas un jeu.

Douleur. Les impacts de balle résonnèrent dans son corps.

Haine. Un torrent nauséeux déferla, incoercible.

Larmes. Son être trembla, en proie au désespoir.

Les éclairs tranchèrent le ciel noir. Devant elle se dressait l'apôtre des Ténèbres, le Général Chef d'Oriale. Une cacophonie de mort et de destruction. L'odeur de la poudre et du sang. Les cris, les canons, le tonnerre. Le goût de la terre.

Il avait vu la mort.

Pour de vrai.

Alors que tout semblait perdu, que tombaient ses camarades tout autour de lui, il avait fait face.

Une noire détermination remonta de toutes parts, aussi brûlante qu'un tisonnier ardent. L'invasion d'Alyne n'était rien, à côté de l'attaque mentale du Général, dont le souvenir vrilla leurs pensées entremêlées. Lui se battait pour tuer, lui se battait pour survivre.

Et Galaniel avait survécu, Galaniel avait tué.

Pour arriver ici, le Shawnien avait traversé une rivière de sang. Il portait avec lui les espoirs de deux peuples, le sacrifice de milliers d'hommes. Et il tuerait encore.

L'elfine reflua en désordre jusque derrière ses propres barrières. Cette détermination, cette volonté de vaincre faisaient écho aux siennes, mais comme à travers un miroir déformé. L'âme de Galaniel lui apparaissait, dans toute sa violence et sa tourmente, et le Shawnien ne dissimulait rien, pas même les ombres de sa rancœur. Pire, il les utilisait comme armes contre elle.

Et elle, qu'en était-il ? Ses pensées tournoyaient en désordre. Observait-elle un reflet de son propre devenir ? À côtoyer les Ténèbres, ne finiraient-elles pas aussi par teindre une partie de son être ?

Elle n'entrevit que trop tard Galaniel s'engouffrer dans un faille de son esprit. Tel un serpent, le Shawnien glissa entre les anciens souvenirs d'un esprit rangé, ordonné, consacré à la Grande Déesse. Cours de magie, de peinture, de musique, d'écriture, d'esprit, initiations au maniement des armes.

Prières. Beaucoup de prières.

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