I-1 : Ultimatum
Au commencement, le Monde était néant, absence de temps et d'espace.
Puis, de ce néant originel, surgit une volonté primordiale et, alors, résonna le Verbe divin.
« Que la lumière soit ! »
Et la Lumière fut. Ainsi advint le premier jour de la Création.
Le deuxième jour, Ahura Mazda condensa les planètes, créa le ciel et sépara terres et mers. Il constella les cieux de lunes et d'étoiles et, partout, Sa Lumière réchauffa le Monde.
Le troisième jour, les Titans naquirent de la terre ; ils dressèrent les montagnes, creusèrent le sillon des fleuves, puis essaimèrent les nuages.
« Cela est bon, dit Ahura Mazda, soyez les gardiens de ce Monde. »
Les Titans redoublèrent d'ardeur et chantèrent les louanges de leur Créateur. Alors, Ahura Mazda planta les graines de la vie. Herbes, plantes et arbres sublimèrent la toile minérale. Ce fut la fin du quatrième jour.
Le cinquième jour, Ahura Mazda créa tous les animaux du Monde. Les cieux se peuplèrent d'oiseaux, les mers, de poissons. Dans les déserts, les forêts et les plaines apparurent les bêtes sauvages, le bétail, jusqu'aux insectes du sol.
Le sixième jour, Ahura Mazda attrapa une poignée de poussière et façonna les conscients, mâles et femelles, à son image. Elfines, skters, hommes, demis, papiens, strygoïs et tous les êtres dotés de raison rejoignirent l'harmonie de la vie.
« Allez, croissez et multipliez-vous ; car ce Monde a été créé pour vous. »
Puis, satisfait, Ahura Mazda se retira du Monde pour se reposer. Ce fut le matin, et le soir du sixième jour.
Alors, l'ombre d'un cèdre oscilla, puis se détacha, pour glisser jusqu'au Créateur.
« Qui es-tu ? demanda Ahura Mazda. Je ne me souviens pas t'avoir donné la vie.
— Tu es Ahura Mazda, la Lumière du premier jour. Mais, sans Ténèbres, la Lumière ne peut être, aussi fallait-il que j'existasse. Je suis Ahriman, le Serpent Primordial. »
L'Ombre enroula ses anneaux autour de la Lumière et susurra à son oreille.
« Jusqu'ici, je suis resté dissimulé dans l'obscurité. Par curiosité, j'ai observé ton œuvre, chacun de ces jours passés. Mais, aujourd'hui, tu m'apparais bien oisif, ô Créateur du Monde. »
— Mon œuvre est achevée, répondit Ahura Mazda, elle me satisfait pleinement.
— Alors voici venue mon œuvre, le septième jour de la Création. »
Et les Ténèbres descendirent sur le Monde.
Grand Livre de la Lumière, Genèse
Planète Zyx, Barcad, dix-huit jours avant l'opération
Les sifflements de lumière se refermèrent sur leur cible.
Galaniel sentit l'adrénaline le gagner. Bien coordonnés, ses deux adversaires offraient peu d'ouvertures.
D'un mouvement, le jeune homme interrompit l'arc d'émeraude. Les épées de lumière s'entrechoquèrent dans un déluge d'étincelles, une force suffisante pour repousser son adversaire une demi-seconde.
Puis le jeune homme se baissa ; la lame bleue ne trancha que le vide. Bras tendu devant lui, le manieur offrait désormais une cible parfaite. Galaniel attrapa le poignet, puis l'entraîna dans son élan. Le corps s'empala sur la pointe de feu.
En une seconde basculait le combat, l'assaillant devenait la proie.
« Stakis, à toi... », articula la silhouette, avant de s'effondrer au sol.
Galaniel esquiva d'une roulade. L'épée d'émeraude enchaîna les attaques, sans le moindre répit. Le sifflement vert effleura son visage, ses yeux ; sa garde menacée, le jeune homme riposta d'un coup de pied.
La demi-seconde de flottement permit à Galaniel de contre-attaquer. Les épées verte et rouge se rencontrèrent de nouveau, rebondirent avec force. Parades, contre-parades s'enchaînèrent. Désormais en combat singulier, le jeune homme reprit l'ascendant. À son tour, il attaqua sans discontinuer, repoussa son adversaire jusqu'à le déséquilibrer. L'épée de sang traversa la garde en déroute, un trait de feu transperça le corps vaincu.
« Fin de la simulation. Vainqueur : Galaniel. »
Le jeune homme rouvrit les yeux, retira son casque de réalité virtuelle. Puis il tourna la tête vers l'homme assis un mètre plus loin. Les cheveux bruns coupés courts, la silhouette aussi grande que fine, les traits de son visage mêlaient surprise et dépit.
« Je ne parviens pas à croire que tu l'aies emporté, seul contre deux, bougonna-t-il. On te tenait, en plus ; j'ai juste eu un instant d'inattention.
— On peut remettre ça, si tu veux, Saxen », sourit Galaniel.
Son interlocuteur secoua la tête.
« J'ai eu mon compte. Et puis, il ne faut pas abuser des simulations, non plus. Voilà. »
Saxen se redressa. Bien plus grand que la moyenne, l'homme distançait Galaniel de près d'une tête, de même qu'une poignée d'années. Pourtant, son jeune camarade le dépassait déjà dans de nombreux domaines, à commencer par le maniement des armes blanches.
« Je vous offre un verre ? »
Il tourna la tête vers Stakis. Le jeune homme avait de même retiré son casque, pour révéler un regard fuyant et des cheveux bruns ébouriffés. Lui aussi dénotait des aptitudes certaines à travers les simulations de combat, mais pas assez cependant, pour surpasser Galaniel. Saxen haussa les épaules.
« Je veux bien, oui.
— Et toi, Galaniel ?
— Pareil. »
Stakis entreprit de traverser l'appartement. Il évita un laser démonté — résultat d'une nuit en quête d'inspiration poétique — avant de se prendre les pieds dans d'épais traités de philosophie. Quelques puces et constituants électroniques divers roulèrent à même le sol. Enfin, il arriva au réfrigérateur encastré dans le mur et ressortit trois flacons pyramidaux.
« Prenez place », invita-t-il.
Il désigna un canapé, avant de chasser une pile envahissante de disques underground pour permettre à ses camarades de s'installer.
« Ça doit être l'heure, non ? » demanda Galaniel.
Stakis hocha la tête. Aujourd'hui, le Président recevait le Général Chef d'Oriale pour renouveler le traité de paix. La signature devait avoir lieu en ce début de soirée.
Le jeune homme claqua deux fois des doigts. L'hologramme d'une liste de diffusion se précisa aussitôt.
« Il était temps qu'ils en finissent, maugréa Saxen. Je n'aurais jamais imaginé que des négociations puissent durer aussi longtemps. »
Sans hésiter, le doigt de Stakis traversa la troisième case. Une journaliste virtuelle apparut aussitôt.
« Malgré les efforts de nos ambassadeurs et les concessions de la Fédération, le Général Chef d'Oriale, Sméarn Pteï, a refusé la prolongation du traité de paix décennal. Au contraire, il a lancé un ultimatum pour que notre Fédération se place sous sa "protection" d'ici trois semaines. Le Président a répliqué par la plus grande fermeté, malgré le risque d'une escalade. »
Sous le choc, Saxen lâcha sa bouteille. Bien que technologiquement supérieure et forte de dix-sept milliards d'habitants, la Fédération ne disposait d'aucune armée. Déjà, l'information essaimait un vent de panique sur toute la planète.
Pensif, Stakis laissa son regard dériver par-delà sa baie vitrée. Il parcourut les hautes tours de verre et de métal, les myriades de ponts jetés à l'assaut du vide, puis s'éleva vers le ciel étoilé. L'astre bleu dévorait la voûte, plus menaçant que jamais.
La lune d'Oriale, siège des armées des sept Généraux.
Si, jusqu'ici, la Fédération avait préservé la paix par la diplomatie, le précédent traité devenait caduc dans trois semaines.
Désormais, la chute de Zyx apparaissait inéluctable.
Orbite de Zyx, quinze jours avant l'opération
Zawhyk monta sur la tribune, ses yeux gris préoccupés balayèrent l'assistance. En tout quelques milliers de personnes, regroupées dans la grande salle gris terne du vaisseau. Des Zyssiens de la Fédération, bien sûr, mais aussi des membres de sa planète natale, Shawn. Tous le regard fixe, fermé, alors que planait sur eux l'ombre du Général Chef.
Sans doute n'avait-il d'autre choix, aujourd'hui, que d'endosser le costume de sauveur providentiel, d'offrir un espoir à un peuple autrement condamné. Mais, s'il se répugnait à un tel rôle, il savait aussi ne pas pouvoir triompher seul. Tout comme il ne pouvait abandonner dix-sept milliards de personnes à leur sort.
Les Zyssiens avaient sans doute besoin de son aide, mais, lui, avait besoin de l'aide de tous.
« Mes amis, commença-t-il, en ces temps difficiles, je vous remercie tout d'abord d'avoir répondu présent. Comme vous le savez déjà, le Général Chef menace d'envahir Zyx. Le conflit avec Oriale s'avère, désormais, inévitable. »
« Pour ma part, je ne peux rester insensible alors que nos deux peuples sont amis. Le programme d'échange, auquel vous avez participé, Shawniens comme Zyssiens, n'en est qu'une preuve parmi d'autres. Et j'espère que, pour l'avenir, nous apprendrons encore à nous connaître et à renforcer les liens qui nous unissent.
« Aussi, face à cette impitoyable menace, ai-je élaboré un plan de riposte. Un plan de riposte qui permettrait, avec suffisamment de volontaires, de renverser le Général Chef, de mettre fin à cette invasion, avant même son commencement. »
Il posa les mains sur son pupitre, avant de poursuivre.
« Je sais que beaucoup d'entre vous ont une certaine expérience du combat à travers différents simulateurs. Néanmoins, c'est une véritable guerre qui s'annonce, ou à défaut, une impitoyable bataille. Si vous acceptez, nos vies seront en jeu et chaque faux pas, chaque erreur d'inattention pourra signifier la mort. Je serai, bien évidemment, en première ligne, et ferai tout mon possible pour limiter nos pertes au maximum, mais vous devez comprendre que certains ne reviendront pas.
« Avez-vous des questions ? »
Dans l'assistance, une première main se leva.
« La Fédération, tout comme le Général Chef, reste encore liée par le précédent traité de paix décennal, et ce, pour encore presque deux semaines. Comment, dans ce cas, justifier un assaut zyssien ?
— Cet assaut n'est pas zyssien, mais sous mon initiative et mon entière responsabilité de Shawnien, précisa Zawhyk. Je n'ai tout au plus fait qu'en informer le Président.
— Devons-nous en conclure que le Conseil de Shawn soutient cette opération ? » intervint un Shawnien.
Bien que toujours souriant, Zawhyk ne put empêcher une ombre de traverser ses yeux.
« Pas exactement. Lors de sa dernière réunion, le Conseil a préféré jouer la neutralité vis-à-vis d'Oriale. Néanmoins, il m'a aussi rappelé que nos lois s'appliquaient seulement à notre planète et m'a laissé le loisir d'agir en mon nom propre. Si vous cherchez un statut, voyez-moi comme le chef d'une troupe de mercenaires — sauf que je ne promets aucun argent ni récompense. »
Une nouvelle main se leva.
« Les Orialiens disposent d'un véritable arsenal militaire, tandis que les Zyssiens n'ont, au mieux, que quelques lance-éclairs non létaux utilisés par la police. Enfin, Shawn, de son côté, ne peut tout au plus compter que sur des épées, des arcs et des flèches. Et encore, c'est sans tenir de la quantité d'hommes dont dispose le Général Chef.
— Les Shawniens ont pour eux l'usage de la magie, tempéra Zawhyk. Enfin, notre but ne sera pas de vaincre toute l'armée orialienne, seulement de frapper à sa tête. Il suffit de faire tomber le Général Chef pour que tombent avec lui les projets d'invasion. »
Il sembla hésiter, avant d'ajouter :
« Pour le reste, je devrais pouvoir vous fournir, dans les jours qui viennent, des armes à feu similaires à celles de nos adversaires. Vos épées, cependant, resteront toujours utiles. »
L'homme marqua un mouvement de recul.
« Comment avez-vous donc réussi à dénicher ça ?
— Je ne peux encore en dire plus pour l'instant, mais vous le saurez bien assez vite. »
Comme plus personne ne se manifestait, Zawhyk mit fin à l'intervention :
« Chacun d'entre vous reste libre de participer ou non, de me faire confiance ou non. Néanmoins, je ne vous proposerais pas cette opération si je n'étais moi-même pas convaincu de sa nécessité. Nous avons une opportunité unique de mettre fin à une guerre avant même qu'elle ne commence, d'empêcher des millions de morts. Mais il n'y aura pas de seconde chance : dans deux semaines, il sera trop tard, réfléchissez-y. »
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