Au même moment dans quatre maisons d'une banlieue proche de Bordeaux du doux nom de Floirac, quatre garçons se connectaient sur une célèbre application d'appels vidéo.

Un garçon boutonneux aux cheveux blonds trop longs apparut en premier, bientôt suivi par un autre aux cheveux châtains et aux yeux écartés. Ils étaient toujours à l'heure pour leurs petits appels vidéo quotidiens, au moins ça, on ne pouvait pas leur reprocher.

Ils discutaient impatiemment de la rentrée du lendemain, l'un s'imaginait se retrouver avec une classe exclusivement composée de jolies filles tandis que l'autre espérait que l'équipe de football recherche un nouveau joueur.

Lorsque le premier finit par lui avouer que même si l'équipe de foot recherchait quelqu'un ils ne songeraient même pas à le choisir lui, le petit Hervé, et que l'autre allait lui répondre que de toute façon aucune fille ne lui accorderait ne serait-ce qu'un regard, un troisième garçon fit son apparition.

Il avait des beaux cheveux châtains bouclés et des petites lunettes rondes. Il fallait se le dire, c'était le plus beau des quatre. En même temps... le niveau n'était pas très élevé, si bien que, entouré d'autres garçons, Gilles redevenait plutôt laid.

-Arrête de vous engueulez! C'est peut-être pour ça que l'hippopotamus il est toujours pas là! coupa-t-il.

Oui ben... Il ne brillait pas par son intelligence le pauvre.

-Gillou quand est-ce que tu comprendras que Hippopotamus c'est un restaurant et non un animal? soupira Samy.

Gilles adorait ce petit jeu de mot, surnommer leur ami Hippolyte en hippopotame, bon, c'était encore passable. Mais le petit Gilles était persuadé qu'un hippopotame, ça n'existait pas, que l'animal en question s'appelait un hippopotamus.

-Qui est-ce qui a adopté un animal? J'ai HORREUR des animal!

Le quatrième et dernier de leur groupe venait de se connecter à son tour.

C'était le plus âgé des quatre, du haut de ses vingt ans. Contrairement aux trois autres, Hippolyte avait eu de justesse son bac l'année précédente, avec une moyenne de 10,007.

Samy, le plus intelligent des trois, inspira une grande bouffée d'air et remarqua avec un calme relatif que le pluriel d'animal était animaux.

-Et ça nous avance à quelque chose de savoir ça? soupira le fautif. Il y a quelque chose de plus important. J'ai pris une décision.

Ses amis l'applaudirent. En effet Hippolyte avait pour habitude de ne pas prendre de décisions. Jamais. Le matin même, alors que sa mère lui avait préparé des pancakes et lui avait demandé s'il préférait de la confiture ou de la pâte à tartiner, il avait répondu "je ne sais pas". Et c'était sa mère qui avait donc du choisir à sa place ce qu'il allait mettre sur son petit-déjeuner. Hippolyte ne faisait donc strictement rien de sa vie si personne ne prenait des décisions pour lui. Sa mère avait été obligée de démissionner pour s'occuper de lui. Elle devait lui préparer ses affaires le matin sinon il passait sa journée devant son armoire à se demander s'il allait mettre la chemise blanche ou bleue.
Tout ça pour dire que c'était bien la première fois que ses trois amis l'entendaient dire qu'il avait pris une décision.

-Dis nous tout, on est toutes oreilles ouvertes, l'encouragea Gilles.

-Cette année, j'ai décidé que ça allait changer. On va tous accomplir quelque chose. Quelque chose de grand.

-On va cambrioler une banque! s'exclama Hervé.

-Ça je ne sais pas mais ce que je sais, c'est que Gilles va augmenter sa moyenne pour qu'elle atteigne au moins... disons 7; Samy va parler à des filles; toi Hervé tu trouveras un club de foot qui veule bien de toi et enfin... Je vais prendre des décisions! Enfin je vais faire quelque chose de ma vie quoi! s'enthousiasma Hippolyte.

-Tu es sûr de toi? Autant que deux et deux font sept? le questionna Gilles.

-Quatre, rectifia Samy.

-Aussi sûr que Zidane a donné un coup de boule en 2006? continua Hervé.

-Aussi sûr que deux et deux font sept ou quatre et que Zidane a donné un coup de boule en 2006, affirma Hippolyte, un sourire jusqu'aux oreilles.