Chapitre 9
Alya se sentait ridicule. Non, monstrueuse. Jamais elle n'avait été aussi risible. C'était inénarrable.
—Ouah, ma fille, tu es... resplendissante...
La blonde se tourna vers sa mère qui venait d'entrer. Celle-ci mentait ouvertement pour ne pas la vexer. Alya savait très bien qu'au fond d'elle, sa mère était pliée de rire. Elle devait penser qu'elle avait choisi délibérément de porter cette tenue loufoque.
Si elle savait...
Coline n'avait pas été tendre. La métamorphe, connaissant son aversion pour le rose, lui avait déniché une robe lilas. C'était déjà un comble de lui faire porter une telle couleur, mais l'horreur ne s'arrêtait pas là, non.
La robe était bouffante.
—Dis plutôt que je ressemble à une barbe à papa sur pattes. Tu me déposes toujours à la cérémonie ?
Mme Darmont acquiesça. Alya aurait pu conduire elle-même, mais avec une telle robe, cela lui semblait compliqué.
—Dis-moi quand tu es prête et je t'emmène.
Alya opina de la tête.
—Je termine de me coiffer et je descends.
Sa mère sortit de la chambre, laissant sa fille finir de se préparer. La jeune femme peinait à attacher sa tignasse blonde lorsque son téléphone sonna. Elle décrocha et reconnut la voix de sa traitresse de meilleure amie.
—Alors, comment tu te trouves ?
—Affreuse. Comme un gros bonbon rose.
—Montre-moi !
Alya se prit en photo à contrecœur et lui envoya par SMS. Quelques secondes plus tard, le rire de Coline résonna à travers l'appareil.
—Par tous les dieux, on dirait Charlotte dans " La princesse et la grenouille ", riait-elle à cœur joie.
—Quelle conciliation ! C'est incroyable comme tes paroles me réconfortent, ironisa la blonde.
—Tu veux que je sois plus conciliante ? Dois-je te rappeler la combinaison que tu m'as choisie ? Je ressemble à une carotte !
Alya souriait, amusée en se remémorant la tenue d'un vif orangé qu'elle avait dénichée pour la métamorphe. Il n'y avait pas à dire, les deux femmes savaient se taquiner.
—Je te laisse, je dois me dépêcher de me coiffer si je ne veux pas arriver en retard.
—Tu n'es pas encore prête ?
—J'en ai bavé pour enfiler cette robe de malheur, se justifia Alya.
Les deux amies raccrochèrent, laissant l'opportunité à la blonde de dompter sa chevelure. Une fois fin prête, Alya rejoignit sa mère dans la voiture qui la conduisit vers son inexorable destin.
Il y avait foule sur le lieu de réception. Des centaines de jeunes gens bien âpretés faisaient la queue pour entrer, passant chacun leur tour devant les détecteurs des agents de sécurité. Alya soupira. Elle allait devoir attendre longtemps avant de pouvoir entrer. Cela dit, ce n'était pas si horrible. Le temps passé à l'extérieur minimisait celui qu'elle passerait au côté de Raphaël.
Celui était sûrement déjà à l'intérieur. Elle l'imaginait dans son habituelle veste en cuir, entouré de jeunes femmes toutes plus séduisantes les unes que les autres en train de baver sur ses rangers. Avec un peu de chance, il aurait même oublié avoir une cavalière, et ne la chercherait pas parmi la foule.
Alya descendit de la voiture tout en saluant sa mère, puis se dirigea vers les longues files d'attentes. De nombreuses personnes l'ayant aperçu se mirent à rire ouvertement en la voyant arriver. Alya le savait, elle était ridicule. Mais elle se réconfortait dans son idée que Raphaël la fuirait comme la peste lorsqu'il la verrait.
N'ayant rien de mieux à faire, Alya se mit à observer les alentours. Elle remarqua alors que les seules personnes qui faisaient la queue étaient des jeunes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans - selon son estimation. Elle trouva cela étrange. Aucun homme ni aucune femme trentenaire n'avait été convié à la cérémonie - si l'on excluait le maire bien sûr.
Coline avait raison. Cette soirée était de toute évidence une façon de trier les humains et les êtres surnaturels. Et ils avaient décidé de commencer par les plus jeunes.
Ce n'était pas totalement stupide. Les vampires étaient immortels, et certaines créatures bénéficiaient d'un vieillissement ralenti. Autrement dit, la majorité des êtres surnaturels détenait l'apparence de jeunes étudiants.
Elle se remémora tristement son feu professeur de mathématiques. Physiquement, il ressemblait à un homme de trente ans. Allez savoir quel âge réel il avait.
L'attente fut moins longue que ce qu'elle avait cru, et bientôt vint son tour de passer devant l'agent de sécurité. N'ayant rien sur elle hormis un téléphone portable, ses clefs de maison et une boite de Doliprane, l'homme la laissa passer sans un mot.
Alya observa le grand bâtiment en soupirant. Elle avait passé la file d'attente, elle n'avait plus aucune excuse pour retarder cet instant fatidique. N'ayant d'autres choix que de se joindre à la fête, elle suivit les invités à l'intérieur.
Alya fut presque déçue en découvrant les lieux. Étant donné le peu de temps dont ils avaient disposé pour préparer l'évènement, la salle était à peine décorée. De nombreuses enceintes dispersées ici et là dans la pièce crachaient une musique douce. Une grande estrade trônait dans le fond de la salle et Alya présuma que le maire allait faire un discours - à moins qu'il ne l'ait déjà fait, ce qui ne lui aurait pas déplu.
La jeune femme aperçut avec bonheur de longues tables garnies de divers mets appétissants. Elle se promit d'y faire un tour au cours de la soirée. Mais avant, elle devait faire un peu de reconnaissance.
Sa principale mission était de fuir Raphaël aussi longtemps que possible. Aussi lui fallait-elle le trouver afin de mieux l'éviter. Toutefois, avec une telle foule, c'était plus compliqué qu'escompté.
Elle chercha du regard une tâche orangée dans l'amas de robes colorées. Elle savait par avance que Coline serait accompagnée de son grand-frère par adoption : Tino. Alya le connaissait un peu pour avoir passé plusieurs après-midi dans la demeure familiale de Coline. C'était un métamorphe tigre avec la particularité d'être atteint de pseudo-mélanisme. De ce fait, la robe de son animal était majoritairement noire.
La jeune femme se sentait déboussolée, ainsi seule dans cette pièce bondée. Il lui était impossible de rejoindre ses amis, au risque que Raphaël ne la retrouve et émette des soupçons. Elle était contrainte de les observer de loin, tout en ruminant sa mauvaise humeur.
Déjà lassée de cette soirée, Alya se remit en chasse, cherchant une veste de cuir à éviter comme la peste. Elle était si concentrée dans sa tâche qu'elle ne s'aperçut pas qu'un homme avançait vers elle. Il fendait la foule, déterminé à atteindre son objectif. Et lorsqu'enfin il l'atteigna, il ne fut pas déçu.
Un rauque éclat de rire résonna tout près d'Alya, la forçant à se tourner vers le nouvel arrivant. L'homme était habillé d'un costume trois pièces chics. Ses cheveux noirs étaient peignés en arrière, dégageant son visage bourru. Ce n'est qu'en apercevant l'effroyable cicatrice qui barrait l'œil du nouveau venu qu'Alya comprit que c'était Raphaël.
Ça alors, elle ne l'avait pas reconnu.
Elle était sous le choc, ne s'attendant pas à le trouver dans une tenue aussi élégante. Lui qu'elle avait toujours vu d'apparence si négligée, le voilà qu'il était propre et soigné. Hormis sa cicatrice, il n'avait plus rien d'un chasseur. Il ressemblait plutôt à son prince charmant qu'elle idéalisait lorsqu'elle était bien plus jeune.
Oui, Raphaël était diablement beau. Mais ce n'était qu'une apparence, comme ces jolis paquets-cadeaux qui vous font rêver. Puis vint le moment du déballage et vous découvrez que le paquet ne contenait ni plus ni moins qu'un coffret de parfums bon marché.
Que devait-on en conclure ? Que l'on sentait mauvais ?
Remise de sa surprise, Alya constata que Raphaël continuait de se gausser. Il se tenait le ventre tandis qu'une larme de joie glissait sur sa joue lisse. Elle savait très bien ce qui le faisait rire. Alya espérait que le chasseur la fuirait en la voyant, au lieu de ça, elle lui avait offert le meilleur fou rire de sa vie. Et cela la vexa profondément.
—C'est bon, tu t'es bien marré ? lui dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
Elle espérait que l'expression sur son visage était suffisamment clair, mais le chasseur ne cessait pas de rire.
—Attends, tu t'es vu ? Tu ressembles à... à... à une guimauve ! s'exclama Raphaël.
Alya soupira d'un air dépité. La soirée s'annonçait pire que ce qu'elle avait imaginé.
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