Chapitre 20
Alya se réveilla le lendemain avec une douleur lancinante dans la tête. Elle avait eu beaucoup de mal à s'endormir après les horreurs de la veille, et elle se sentait encore terriblement fatiguée. Mais la sonnette de la porte d'entrée persistait et lui vrillait les tympans.
La jeune femme dégagea un sac de glaçons fondus de sous sa tête, celui dont elle s'était servie la veille pour refroidir sa peau fiévreuse et s'endormir plus vite. Elle se redressa sur son lit, repoussa ses cheveux emmêlés qui pendaient devant son visage, et jeta un coup d'œil au sorcier qui couchait sur une épaisse couverture à l'autre bout de la pièce. Simon haussa les épaules avec nonchalance. Alya comprit sans problème le message qu'il lui transmettait : "pas ma maison, pas mon problème".
Alya soupira. Elle ne savait même plus quel jour il était. Fallait-il aller en cours ? À moins que ce ne soit les vacances ? Quoiqu'il en soit, sa mère n'était pas à la maison, auquel cas celle-ci aurait accueilli le nouveau venu.
La jeune femme se résigna à se lever. Elle avait dormi toute habillée, ce qui lui évita heureusement d'ouvrir la porte en pyjama.
Qui pouvait bien lui rendre visite à une heure pareille ?
Elle jeta un coup d'œil à l'horloge du salon qui indiquait midi. Si cours il y avait, c'était râpé pour y assister.
Alya aperçut alors Coline qui attendait patiemment sur le seuil de la maison. La jeune femme fit entrer son amie sans tarder, ravie de la voir malgré ses heures de sommeil perdues.
—Que fais-tu là ? la questionna t-elle alors.
Coline croisa les bras qu'elle ramena contre sa poitrine en s'efforçant de prendre un air réprobateur.
—Je passe souvent ici, je te signale. On est copines comme cochonnes - enfin sauf que moi, je suis un félin et pas un suidé bien-sûr. Et tu sais quoi ? Ça fait deux jours que tu ne réponds même plus à ton téléphone !
Alya se mordilla la lèvre inférieure, se sentant soudain coupable. Elle était ailleurs ces derniers temps, et il y avait de quoi. Quelque chose de surnaturel et de manifestement mauvais était en train de lui arriver, modifiant son corps et ses humeurs. Malgré tout, Coline était sa plus chère amie et confidente, elle n'aurait pas dû la laisser de côté ainsi.
—Je suis désolée. Il s'est passé des choses ces derniers jours...
Elle cherchait ses mots, ne sachant pas comment annoncer à son amie le terrible sort qu'on lui avait jeté.
Coline posa une main compatissante sur son épaule. Alya leva les yeux et se confronta au regard de la féline qui arborait un air contrit.
—Je sais. Simon m'a mise au courant.
Quoi ? Comment ?
La jeune femme en restait bouche bée.
Depuis quand le sorcier et la métamorphe en étaient-ils venus à se parler sans son concours ?
Elle balaya cette pensée d'un haussement d'épaules imaginaire. Ce n'était pas plus mal que ces deux énergumènes fassent plus ample connaissance. Elle était persuadée que les créatures fantastiques se devaient de rester soudées.
—On va trouver une solution pour te guérir, tenta Coline de rassurer son amie. En attendant, si la moindre écaille démoniaque commence à apparaitre sur ton joli petit derrière... hurle un bon coup, et on volera à ton secours.
—Trop aimable, ricana la jeune femme.
Simon les rejoignit, coiffé et habillé au contraire d'Alya qui devait ressembler à une souillon dans son pyjama défraichi.
—Vous savez quoi ? On devrait se faire une virée tous ensemble, histoire de se changer les idées, et d'oublier tout ce qui a trait à... aux écailles démoniaques qui poussent sur les fesses d'Alya.
—Mais, les chasseurs sont à ta recherche !
Enfin, rien n'avait été confirmé jusque-là. La jeune femme n'avait encore jamais entendu de rumeurs parlant d'un jeune sorcier en cavale, mais on ne pouvait pas lui reprocher de se montrer prudente.
—Et en quoi est-ce un problème ?
Alya regardait son camarade comme si des oreilles de lapin lui étaient poussées sur la tête.
Créature contre chasseur, chasseur tuer créature. Qui y avait-il de si compliqué à comprendre ?
—Alloooooooo, je suis un sorcier, s'exprima Simon en claquant des doigts.
—Et alors ?
Un sourire malicieux étira le coin de ses lèvres.
—Et alors, je peux changer d'apparence comme bon me chante.
Il marmonna en langue étrangère, sûrement une incantation magique. Un flash éblouit un instant les yeux de l'humaine, comme si quelqu'un pointait le faisceau d'une lampe torche directement vers ses rétines. Ça ne dura qu'une seconde. L'instant d'après, elle observa Simon sous un jour nouveau.
Le sorcier n'avait plus rien d'un intello mortellement ennuyeux. Sa paire de lunette ringarde avait disparu au profit d'un doux regard à l'émeraude étincelant. Ses cheveux avaient quelque peu poussé et pris une teinte blonde qui refléter les rayons du soleil. Il avait grandi, et son corps avait gagné en muscles. Son nez légèrement de travers lui donnait un air de vilain bad boys, comme si quelqu'un lui avait cassé au cours d'une bagarre de rue.
Mort au Simon intello, vive le nouveau Simon !
—Bien, et maintenant que Monsieur est prêt pour la fashion week, que fait-on ? leur demanda Coline.
Alya avait sa petite idée.
Une heure s'était écoulée avant qu'ils n'arrivent sur les lieux. La petite voiture d'Alya s'engagea sur un étroit chemin de terre. Les multiples trous creusés dans la boue secouaient violemment les passagers du véhicule à chacun de leur passage.
—Quand je parlais d'une sortie, je voulais parler d'une virée entre potes, pas d'enterrer nos cadavres dans la forêt, se plaignit Simon sur la banquette arrière.
—Cesse donc de geindre, on ne va pas tarder à arriver.
L'automobile avala encore quelques mètres avant que leur destination ne se dessine sur le paysage devant eux. Alya sentit que le jeune sorcier retenait une exclamation joyeuse. Elle l'imagina croiser les bras, la mine boudeuse, afin de rappeler à tous son précédent mécontentement. Un coup d'œil dans le rétroviseur intérieur lui montra l'exacte vision qu'elle s'imaginait, faisant rire la jeune femme à gorge déployée.
Ils se stationnèrent bientôt sur le bord du chemin de terre. Alya relaça ses chaussures de sport. Il leur fallait encore marcher deux bons kilomètres avant qu'ils ne parviennent au grand lac.
—On est venu pour se baigner ? Mais... personne n'a pris de maillot de bain ! contesta Coline.
—Un maillot ? Pour quoi faire ? Tu es une métamorphe, et Simon peut changer de tenue à volonté grâce à sa magie. Il n'y a que moi qui vais avoir besoin de vêtements de rechange à la fin de l'après-midi.
Simon et Coline cessèrent tous deux de marcher. En se retournant, la jeune femme s'aperçut qu'ils la fixaient d'un air ahuri.
—Ça y est, c'est le grand jour. Elle a décidé de nous balancer aux chasseurs, et nous, on est mort, marmonna le sorcier.
—Mais enfin, on ne peut pas faire étalage de notre nature à l'extérieur. Tout le monde peut nous voir !
Les yeux d'Alya brillèrent d'un air malicieux.
—Qui ça tout le monde ? Moi, je ne vois personne.
Elle se retourna et étendit ses bras le plus possible, leur désignant l'immensité de la nature qui se trouvait devant eux.
—Vous vous trouvez dans le coin de forêt le plus paumé de Normandie ! J'y suis allée une bonne dizaine de fois, je peux vous assurer que vous n'y trouverez pas un chat. Enfin, sauf toi Coline bien-sûr...
La féline en question s'avança timidement jusqu'à elle. Elle se triturait les mains, incertaine.
—Tu veux dire que... si on fait une démonstration de nos pouvoirs ici... personne ne sera là pour le rapporter ?
—Tu es libre. Je te le promets.
Alya se sentit plus légère en voyant les yeux de sa meilleure amie étinceler. Elle se demanda pourquoi elle n'avait pas pensé à lui présenter ce refuge plus tôt. Il valait mieux tard que jamais, comme on le disait souvent.
Posant une main contre sa hanche, Alya jeta un regard plein de défi à ses compagnons.
—Alors, les amis... ça vous tente une petite course ?
Il n'en fallut pas plus pour que Coline prenne sa forme de serval et que Simon marmonne une incantation. La chatte prit les devants, rattrapée presque aussitôt par le sorcier qui semblait flotter dans les airs. Ils défilèrent à une vitesse ahurissante, défiant les lois de la nature.
—Wouhou, c'est moi qui vais gagner ! s'exclama victorieusement Alya.
Alya qui n'était qu'une humaine. Humaine qui ne pouvait dépasser les dix kilomètres à l'heure. Et qui n'avait même pas commencé à courir...
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