Chapitre 2

Alya délaissa sa voiture et prit le bus pour rejoindre son amie, peu désireuse de passer sa soirée à chercher une place de parking libre. C'était un inconvénient à vivre dans une aussi grande ville que celle-ci. Mais la jeune blonde était accoutumée à ce mode de vie urbain, et ne s'en plaignait pas.

Sauf en cas de grève, là, c'était une véritable galère.

Le bar était à moitié rempli lorsqu'elle arriva la première sur les lieux. Comme il faisait un peu frisquet, elle préféra attendre son amie à l'intérieur. Et puisque celle-ci aurait apparemment un peu de retard, Alya alla même s'asseoir au comptoir et se commanda un jus de fruit.

Elle remuait constamment le contenu de son verre à l'aide d'une paille colorée tout en observant les lieux. De jeunes garçons s'amusaient sur des jeux de courses virtuelles dans la salle d'arcades. Un groupe d'amis se défiait autour d'un baby foot, rappelant à Alya les parties déchaînées qu'elle faisait avec son propre groupe de copains.

Elle se mit à observer une femme trentenaire qui tentait d'accaparer l'attention de deux adolescents - sûrement ses enfants - lorsque son regard fut attiré vers la porte qui venait de s'ouvrir.

Ce n'était pas sa meilleure amie, à sa grande déception. Trois hommes entrèrent dans le bar en riant à gorge déployée. Habillés de cuir et de gros bijoux en argent, ils ne passaient pas inaperçus auprès des clients. Pas un seul homme ne s'était pas retourné sur leur passage tandis qu'ils progressaient jusqu'à une table libre.

Alya se sentit mal à l'aise face à leur présence. Elle n'était pas certaine qu'il s'agisse de ce à quoi elle pensait, mais si c'était bien le cas, sa soirée avec son amie métamorphe allait être reportée.

Elle se saisit de son téléphone portable et tapa un message à Coline.

De Alya :
Je ne suis pas sûre de ce que j'avance, mais je crois que des chasseurs viennent d'entrer. Sois prudente.

La jeune blonde avait déjà croisé quelques chasseurs au cours de sa vie. Jamais en pleine action, elle les avait seulement aperçus dans la rue, ou à des stands d'orientation professionnelle. Ils avaient tous ce même style de biker cliché, avec leurs croix en argent autour du cou.

Alya tendit l'oreille tout en sirotant son jus de fruit. Il n'était pas compliqué d'entendre la discussion du trio, leur flot de paroles était si fort qu'il était impossible de ne pas en décrypter un mot. Et en écoutant le tas d'immondices qu'ils disaient à propos de suceur de sang, elle comprit qu'elle avait vu juste.

De Coline :
Oh, ça s'annonce mal pour moi.

De Alya :
Attends-moi dehors. Je termine mon verre, et je viens te rejoindre.

De Coline :
Tu es sûre ? Je ne voudrais pas que tu sois accusée de comploter avec une métamorphe.

Alya leva les yeux au ciel. Elle trouvait cette idée ridicule.

De Alya :
Sûre et certaine. Un ciné à la place, ça te tente ?

Elle n'eut pas le temps de lire sa réponse. Quelqu'un venait tout juste de s'accouder au comptoir du bar à seulement quelques centimètres d'elle, la prenant par surprise.

C'était un chasseur, à n'en pas douter. Il portait une veste en cuir sans manches par-dessus un débardeur noir. Une croix latine pendait à une chaine en argent qui ressortait sur le tissu sombre de son haut. Ses cheveux étaient en bataille et une lueur sauvage brillait dans son regard lorsque celui-ci croisa le sien.

Les yeux de la blonde s'écarquillèrent d'effroi en distinguant la cicatrice linéaire qui barrait son œil gauche.

-Je te prends un whisky et deux bières. Oh, et...

Alya se sentit frissonner d'inconfort lorsque ses yeux se promenèrent sur son corps.

-Sers une boisson à la demoiselle. C'est moi qui offre.

Alya se sentit plus qu'indignée du comportement impoli du chasseur. Il ne disait pas " s'il vous plait ", ni ne s'était présenté. Il s'était contenté d'arriver tel un conquérant avide de nouvelles terres, puis il avait ordonné à ce qu'on le satisfasse.

Eh bien, ça ne marcherait pas avec elle.

-Non merci. J'ai déjà à boire, refusa t-elle avec politesse mais fermeté.

Intrigué, l'homme se tourna totalement dans sa direction. Un sourire en coin étirait ses lèvres, lui donnant un air polisson.

-Je te dis que je te l'offre, chérie, alors accepte.

Elle fronça les sourcils par contrariété.

-Je ne suis pas votre chérie, déclara t-elle durement.

Il haussa nonchalamment les épaules l'air de dire " on verra bien ", puis désigna un coin de la salle.

-Tu fais une partie de billard avec moi ?

-Certainement pas !

Alya se sentait exaspéré devant tant d'acharnement. Elle avait beau le remballer, il continuait de revenir à la charge, sourd à ses protestations.

Parmi toutes les femmes dans ce bar, il avait fallu que ça tombe sur elle.

Son portable lui brûlait les mains tant l'envie d'en informer son amie était pressante. Coline l'avait déjà sorti d'un mauvais pas de ce genre une ou deux fois. Elle n'avait pas froid aux yeux dès qu'il s'agissait d'intimider les hommes. Après tout, c'était une prédatrice.

Cependant, il était hors-de-question de faire appel à elle ce soir. Si par malheur les chasseurs découvraient de quelle nature elle était, il n'y avait aucun doute qu'elle finirait comme Jeanne d'Arc sur la place du Vieux-Marché.

Ainsi, elle serait obligée de se débarrasser de ce lourdaud elle-même.

La situation sembla s'envenimer lorsque le barman décida d'intervenir, et pas en sa faveur.

-Savez-vous qui vous avez en face de vous, mam'zelle ? C'est un putain de chasseur, un véritable héros ! Ne faîtes pas votre mijaurée et faîtes ce qu'il vous demande.

Elle serra son verre si fort qu'elle craignit qu'il se brise dans sa poigne.

-Et mon libre arbitre dans tout ça ?! Désolée, mais pour moi, ce type est un homme comme un autre, s'énerva t-elle.

Ce barman était de toute évidence carrément déplacé.

De quel droit venait-il lui donner des ordres, lui qui ne la connaissait même pas ? Et pour fricoter avec un chasseur, de surcroit !

-Du calme. Elle désapprouve peut-être parce qu'elle ne sait pas jouer, tenta le chasseur d'apaiser les tensions. Je peux t'apprendre si tu veux.

Il lui adressa un clin d'œil séducteur qui ne lui fit ni chaud ni froid. Alya avait bien envie de lui rabattre son caquet en remportant cette fichue partie de billard. Hélas, elle était vraiment mauvaise à ce jeu.

À défaut, la jeune femme avala son verre cul sec et se leva du tabouret de bar, prête à partir.

-Je dois y aller, peut-être une prochaine fois, lui dit-elle sans grande conviction.

Il allait de soi qu'elle ferait tout ce qu'il faut pour ne plus le revoir.

Elle se dirigeait vers la sortie lorsqu'on l'attrapa par le bras. La poigne n'était pas douloureuse, mais assez ferme pour qu'elle réalise la puissance que possédait un tel énergumène.

Il chassait des créatures plus balèzes que lui tous les jours, il était normal qu'il soit aussi musclé.

-Attends, je ne me suis même pas présenté ! s'indigna le chasseur derrière elle.

La blonde se dégagea prestement de sa prise.

-Honnêtement, je m'en fiche pas mal.

Alya sortit en toute hâte du bar qui commençait à l'étouffer. Elle accueillit la bruine extérieure avec joie, ravie de sentir cette nouvelle fraicheur sur son visage empourpré de colère.

Les chasseurs étaient tout ce qu'elle détestait, des gens brusques qui prenaient la vie de pauvres innocents. Tout ce qu'ils faisaient se résumait à débusquer une créature et à la tuer de la plus atroce façon possible.

Et ça se prétendait héros.

Coline l'attendait sur le trottoir d'en face, abritée sous un auvent. Elle était soulagée de la retrouver. Elles iraient toutes deux au cinéma et pourraient tout oublier de cette désagréable rencontre.

Malheureusement pour elle, le chasseur n'avait pas l'intention d'en démordre.

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