Chapitre 15

Mme Darmont n'était pas à la maison quand Alya fut finalement rentrée. Elle était reconnaissante de son absence. La jeune femme ne voulait pas que sa mère la voit ainsi, le visage couvert de sang et le pantalon souillé de vomi et de restes humains.

Personne ne voulait voir ça.

Raphaël avait été réticent à la laisser seule chez elle après le traumatisme qu'elle venait de vivre. Mais Alya avait insisté. Elle avait besoin de souffler pour réfléchir à cette tragique journée. Et pour ça, le chasseur devait partir.

Elle retira prudemment ses chaussures, faisant attention à ne pas salir le sol. Puis elle fonça dans la salle de bain. Là, elle jeta ses baskets sales dans le lavabo et entama de se déshabiller. Elle n'osait pas regarder son reflet dans le miroir qui lui faisait face. Elle se doutait que son apparence n'était pas belle à voir. Ce devait être normal.

Après tout, ne venait-elle pas de se faire enlever et d'assister à un meurtre dans la même journée ?

Une fois dévêtue, elle se glissa dans la cabine de douche et actionna le jet d'eau. Ce fut froid tout d'abord, puis doucement la température se réchauffa, au profit du corps de la jeune femme qui put enfin se détendre.

Dans un premier temps, Alya crut qu'elle allait fondre en larmes. Encore une fois, des gens avaient perdu la vie après s'être approché d'elle. Tous les gens surnaturels qu'elle côtoyait se faisaient avoir par les chasseurs. Bientôt, ce pourrait être le tour de Coline. Et si cela devait arriver, elle ne se le pardonnerait jamais.

Cependant, elle n'avait pas envie de rester là à s'apitoyer sur son sort. La proposition de Trevor lui trottait dans la tête. Une petite voix dans son esprit lui chuchotait qu'il était peut-être temps d'agir pour une fois. Mais entrer dans la C.A.C'était vraiment la bonne chose à faire ?

Ça, elle ne le saurait qu'en y adhérant.

Elle sortit un instant plus tard de la salle d'eau, fraiche comme une rose enroulée dans sa serviette de bain. La blonde s'approcha de son armoire, cherchant de quoi se vêtir avant d'aller dormir. Un tee-shirt dans la main, elle s'apprêtait à retirer la seule chose qui couvrait son corps.

—AH ! NON ! PAR PITIÉ, N'ENLÈVES PAS CA ! entendit-elle crier au même moment.

Alya serra sa serviette autour d'elle tout en criant. Elle était seule à la maison, qui pouvait bien avoir crié ? Elle regarda tout autour d'elle, mais la pièce était vide.

Devenait-elle folle ?

Elle était persuadée de ne pas avoir rêvé D'ailleurs, en observant bien, la jeune femme s'aperçut que quelque chose avait changé dans sa chambre. Des objets n'étaient plus à leur place. Et le couvre-lit était froissé. Elle tendit l'oreille et entendit une respiration saccadée. Elle écarquilla les yeux d'effroi.

Il y avait quelqu'un avec elle.

—Qui que vous soyez, montrez-vous ! Ou je vous jure que...

Alya observa tout autour d'elle puis agrippa sa brosse à cheveux.

—Je vous jure que je vous assommerai avec ça !

Elle monta son bras armé bien haut, essayant de faire peur à l'intrus qui se cachait. Mais tout à coup, la brosse lui sauta des mains. C'est avec ahurissement qu'Alya regarda l'objet flottait dans les airs juste sous son nez.

Qu'est-ce que c'était que ce délire ?

Un jeune homme apparut subitement devant elle, tenant la brosse dans sa main. Même sans ses lunettes, Alya reconnut aussitôt son camarade de classe.

Simon, le sorcier.

Prise d'une envie furieuse de lui faire regretter sa frayeur, la jeune femme le gifla si fort qu'il en lâcha sa brosse.

—Non mais ça ne va pas de faire peur aux gens comme ça !? Et puis, qu'est-ce que tu fiches ici d'abord ?! s'écria t-elle.

Une main sur sa joue endolorie, Simon tendit l'autre devant lui en signe de paix.

—Okay, okay, je vais tout te dire, mais s'il te plait... Ne me frappe plus, la supplia t-il.

Alya prit une grande inspiration pour se calmer. Puis elle l'invita à s'asseoir sur le bord de son lit. Elle prit la chaise de son bureau et s'assit en face du sorcier. Elle croisa les bras contre sa poitrine et fit mine de le fusiller du regard.

—Alors ? Pourquoi étais-tu en train de m'espionner dans ma chambre ?

—Je ne t'espionnais pas. J'attendais ton retour. Ce sort d'invisibilité, c'était juste pour que ta mère ne me voie pas.

Il avait vu sa mère. Donc il était là depuis un moment.

—Ça ne me dit toujours pas pourquoi.

Simon soupira faiblement. En y regardant bien, le sorcier semblait abattu. Il venait de perdre son oncle après tout. Peut-être la seule famille qui lui restait.

—Je n'ai nulle part où aller. C'était mon oncle qui nous trouvait toujours les meilleures cachettes. Sans lui, je suis perdu...

La colère d'Alya se doucha peu à peu devant le désarroi de son camarade de classe - et ami, elle se devait de ne pas l'oublier.

—Est-ce que tu pourrais m'abriter quelque temps ? Seulement jusqu'à ce que je trouve un autre endroit où crécher. Mais pour l'instant, je n'ai rien à part toi.

C'était une mauvaise idée. Sa mère poserait tout un tas de questions et les chasseurs étaient probablement après lui. Mais les dernières volontés de son oncle se rappelèrent à elle. Elle n'avait pas eu le temps de lui répondre.

Tant pis, elle acceptait quand-même de prendre cette responsabilité.

—Tu peux rester pour cette nuit. Et pour les autres à venir. Mais tu devras te faire discret.

—Il n'y a pas plus invisible que moi ! plaisanta t-il.

Son tour de magie lui revint en mémoire, lui rappelant que son camarade était un sorcier et qu'ils n'avaient pas encore eu le temps d'en discuter. Cela faisait presque un an qu'ils se connaissaient et jamais Alya ne se serait douter de cela si elle n'avait pas été enlevée par son défunt oncle.

—Alors comme ça... Tu es un sorcier ?

La jeune femme ne savait pas comment s'y prendre. C'était la première fois qu'elle côtoyait un sorcier. La blonde avait surtout l'habitude des métamorphes tels que Coline et toute sa famille.

—Eh oui, la magie c'est mon truc, lui répondit Simon. Enfin, c'est plutôt le truc de mes ancêtres en réalité. C'est comme un héritage. À chaque fois qu'un descendant atteint sa puberté, ses parents commencent à lui apprendre la sorcellerie.

Alya trouvait cela fascinant. Elle n'y connaissait pas grand-chose dans ce domaine mais tout ce que Simon lui racontait avait l'air excitant.

—Enfin moi, c'est mon oncle qui m'a tout appris. Il parait qu'il n'est pas aussi compétent que mes parents mais il a quand même soixante-ans d'expérience derrière lui alors je lui fais confiance.

—Soixante-ans ? s'étonna Alya. Mais il avait l'air de n'en avoir que vingt !

—C'est le truc avec la magie. On peut faire ce que l'on veut, même nous redonner l'apparence de nos jeunes années.

Alya se tortilla sur sa chaise, s'apprêtant à poser une question qui les mettrait sans doute dans l'embarras. Mais la curiosité la dévorait intérieurement et elle se devait de demander.

—Et tes parents... Où sont-ils ?

Elle craignit de connaitre la réponse.

—Ils sont morts quand j'avais huit ans, répondit Simon.

—Laisse-moi deviner. Les chasseurs ?

Il secoua la tête.

—Les chasseurs sont peut-être de terribles fléaux, mais ce ne sont pas les seuls êtres capables de nous faire du mal, lui expliqua t-il. Ils sont décédés pendant un duel de sorcier. De ce qu'on m'a dit, ils ne s'entendaient pas très bien et ils se sont écharpés mutuellement.

—Oh.

Alya ne savait pas quoi dire d'autre. Des paroles réconfortantes auraient certainement été bienvenu, seulement elle n'y connaissait rien. Dans ces cas-là, mieux valait garder la boucher fermée.

—Ne fais pas cette tête. Je m'en suis remis depuis longtemps, ça ne m'attriste plus. Ce n'est d'ailleurs pas plus mal qu'ils ne soient plus là. Tu imagines si j'avais dû grandir avec une mère et un père qui passaient leur temps à se bousiller ? Quelle enfance pourrie j'aurais eu ! plaisanta t-il.

Alya repensa à sa propre enfance où son père avait brillé par son absence. Où était-il parti ? Elle n'en avait aucune idée. Sa mère l'avait quitté lorsqu'elle était bébé. La jeune femme ne savait pas pourquoi et elle n'était pas sûre d'être prête à l'entendre.

Ne pas poser de question dont on ne voulait pas connaitre la réponse, c'était la règle.

—Tu as eu de la chance d'avoir ton oncle pour s'occuper de toi.

Autrement, Simon aurait été orphelin, sans repère, peut-être même qu'il ne serait pas sorcier si personne de sa famille ne l'avait pris en charge. Son héritage se serait achevé avec lui.

—La cohabitation était un peu difficile - il n'avait pas vraiment la fibre paternelle. Mais on s'en est bien sorti tous les deux. J'ai passé de merveilleux moments à ses côtés.

Simon se tortilla sur le rebord du lit.

—Est-ce que... Les chasseurs... Ils l'ont eu, n'est-ce pas ? demanda t-il plus sérieusement.

Alya sentit son cœur s'alourdir dans sa cage thoracique. C'était à elle de lui annoncer la mauvaise nouvelle et cela la brisait. Elle aurait voulu que tout se soit bien passé. Mais elle n'avait rien pu faire.

Elle hocha doucement la tête, confirmant les craintes du jeune sorcier. Simon essuya une larme furtive qui s'échappa de son œil.

—Je lui avais pourtant dit de ne pas se mêler des affaires des chasseurs, mais il ne m'écoute jamais, se plaignit-il.

Prise d'un élan de compassion, Alya se leva de sa chaise et s'approcha de son ami. Doucement, elle posa une main sur son épaule dans un geste de réconfort. Simon leva la tête vers elle, la lumière se reflétant dans ses yeux chargés de larmes. C'est alors que la jeune femme prit une décision qui allait changer le cours de sa vie.

—Au contraire, je crois qu'il avait raison. Beaucoup trop de gens ont payé le prix des actes des chasseurs. D'abord notre professeur de maths, maintenant ton oncle. Il est grand temps qu'on les remette à leur place avant que quelqu'un d'autre n'en paye encore le prix.

—Tu comptes faire quoi ?

Elle prit une grande inspiration. Une fois ces mots dits, elle ne pourrait plus faire marche arrière.

—Je vais rejoindre la communauté anti-chasseur et empêcher ces braconniers de nuire à notre entourage, déclara t-elle abruptement.

Elle sentit tout au fond d'elle un feu qui s'embrasait à l'intérieur de son estomac. Elle ne le savait pas encore, mais cette sensation était le signe avant-coureur d'un grand bouleversement.

Désormais, plus rien ne serait pareil.

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