Chapitre 11

Alya était harassée. Elle n'arrivait pas à se remettre de la soirée de samedi soir où elle était rentrée un peu plus tard que prévu.

Après la photo où elle apparaitrait certainement désastreuse, Raphaël l'a accompagné au buffet où il lui a posé un tas de questions sur sa vie tout en dévorant la nourriture à sa portée. Elle avait aperçu Coline et Tino quitter la salle une heure avant eux, et elle s'était alors sentie coupable de passer du bon temps auprès d'un homme qui menaçait la sécurité de ses amis.

Oui, il fallait qu'elle se l'admette, Raphaël n'était pas aussi désagréable lorsqu'il ne se comportait pas comme un chasseur. Sans ses gros bijoux en argent et ses tenues en cuir, Alya l'avait presque considéré comme un homme lambda.

Un homme lambda qui faisait la une des magazines de modes.

Si elle avait fini par passer une bonne soirée, charmée par le séduisant visage de Raphaël, à présent Alya se sentait honteuse. Elle avait l'impression de trahir Coline ainsi que M. Maverick. Son cœur était lourd de remords.

Elle descendit les marches avec la ferme intention de tout oublier de la veille. C'était sans compter sa mère qui lui mit son téléphone portable sous le nez alors qu'elle mâchait mollement ses céréales.

—Mama ! C'est quoi la tête que t'as là-dessus ? T'es affreuse ! se moqua ouvertement sa mère.

Alya jeta un coup d'œil à l'écran du téléphone et manqua de s'étouffer avec son lait. C'était la fameuse photographie que Raphaël l'avait forcé à faire. Sa mère avait raison, elle était hideuse. Ses yeux écarquillés étaient gros comme des ballons, et elle ne parlait même pas de la grimace qui tordait son visage. Comparée au bel Apollon qui posait à ses côtés, un sourire éclatant collé à la figure, elle était horrible.

—Telle mère, telle fille, répondit vicieusement Alya juste avant de se prendre une violente claque derrière la tête.

—Fais gaffe à tes paroles, jeune fille, la rabroua sa mère.

La jeune femme soupira tandis que Mme Darmont s'éloignait enfin. Elle sortit son propre téléphone et remarqua un message de sa meilleure amie.

De Coline :
Y a ta photo qui circule partout sur les réseaux. T'es trop moche !

La blonde leva les yeux au ciel d'un air exaspéré.

Existait-il une personne qui n'ait pas vu cette photo ?

De Alya :
Tu n'étais pas mieux. Raphaël t'a comparée à une citrouille.

De Coline :
Les chasseurs sont les plus mal placés dès qu'il est question de mode.

Le temps qu'Alya débarrasse son petit déjeuner, la métamorphe lui avait envoyé un autre message.

De Coline :
Tu veux passer à la maison ? J'attends toujours que tu me racontes ta soirée.

La jeune femme sourit tristement. Elle aurait tant voulu la rejoindre pour discuter de cette grotesque cérémonie. Mais elle avait déjà des plans de prévus.

De Alya :
Peux pas, j'ai un devoir de gestion des obligations fiscales à rendre avant demain.

Simon, son camarade de classe, comptait sur elle pour le rejoindre à la bibliothèque Parment. Si Alya n'aimait pas les devoirs, elle aimait encore moins les devoirs collectifs. Heureusement, elle appréciait son collègue.

Elle s'habilla paresseusement d'un jean délavé et d'un tee-shirt à l'effigie de Scooby-Doo, puis traina des pieds jusqu'à son sac qu'elle bourra de feuilles vierges, d'une trousse encombrée et d'un épais manuel scolaire. Simon devait sûrement déjà l'attendre devant les portes de la bibliothèque municipale, se rongeant les sangs à l'idée de ne pas terminer son devoir à temps.

Elle sortit de chez elle, son lourd sac pendu à son épaule, et se dirigea vers l'arrêt de bus le plus proche. Elle attendit quelques minutes avant qu'un premier car s'arrête. Elle y monta et alla s'asseoir à une place libre.

Au bout de quelques secondes, Alya eut l'impression que l'atmosphère dans le bus était différente de d'habitude. Elle observa autour d'elle et s'aperçut que des regards étaient braqués sur elle. Elle rentra la tête dans les épaules, ébranlée par ces paires d'yeux rivés sur sa personne.

Fichue photo, fichu chasseur !

La jeune femme se jeta presque à l'extérieur lorsque le bus s'arrêta à son arrêt. Elle se sentait plus légère à présent qu'elle n'était plus au centre de l'attention. Elle arriva peu de temps après à la bibliothèque municipale. N'apercevant pas son camarade de classe à l'extérieur, elle décida d'entrer.

La blonde accueillit avec joie l'odeur du papier et de l'encre ainsi que le bruit des claviers d'ordinateur et des pages tournées. Alya trouvait l'atmosphère des bibliothèques calme et reposante. Elle qui aimait lire, c'était presque un havre de paix.

Sauf quand on devait s'y rendre pour étudier.

La jeune femme aperçut enfin Simon. Assis autour d'une table en bois sombre, celui-ci était plongé dans la lecture d'un livre à la couverture mystérieuse. Alya le rejoignit.

—Salut, Simon. Qu'est-ce que tu lis ?

Surpris par l'arrivée de la blonde, le jeune homme sursauta. Il s'empressa de refermer son livre à la reliure de cuir et le rangea prestement dans son sac à dos.

—Rien, c'est juste un... un bouquin, tout ce qu'il y a de plus normal.

—Ça doit être un sacré bouquin pour que tu t'empresses de le cacher comme ça. C'est quoi, Mein Kampf ?

Simon s'offusqua d'une telle idée.

—Détends-toi, je plaisante ! Tu lis ce que tu veux.

Elle laissa choir son sac sur le sol et s'asseya en face de son copain de classe. Ils débutèrent alors leur devoir, mettant en commun les notes de l'un et de l'autre. Alya s'étonna de voir de très nombreuses fiches écrites avec soin, et demanda à son ami la façon dont il trouvait le temps de faire toute cela. Dans sa tête, soit il était insomniaque, soit il cachait un petit enfant esclave dans le fond de sa cave.

Simon fut gêné par cette question, et répondit vaguement. Alya passa l'éponge. Après tout, ce n'était qu'une histoire de notes. Il n'y avait rien d'intéressant là-dedans.

Le devoir fut terminé quelques heures plus tard, en plein milieu de l'après-midi. Le ventre d'Alya criait famine lorsqu'ils eurent enfin fini. Elle voulut inviter son camarade à se joindre à elle pour une collation bien méritée, mais Simon déclina l'offre. Parait-il qu'il avait quelque chose d'important à faire. Il travaillait beaucoup trop au goût d'Alya.

Tant pis, elle ne pouvait pas le forcer à faire ce qu'il ne voulait pas.

Ils se saluèrent et se quittèrent à la sortie de la bibliothèque. N'ayant pas envie de rentrer dans l'immédiat, Alya chercha une boulangerie ouverte. Ce devoir lui avait donné faim, et elle ne serait pas contre un éclair au café pour se récompenser tous ses efforts.

Elle passait près du Théâtre des Arts lorsqu'elle eut un pressentiment étrange.

Le soleil brillait dans le ciel et les gens étaient de sortie bien que la majorité des bâtiments publiques soient fermés. Le carrefour où elle se trouvait était peuplé d'étudiants, de maman et de couples âgés. Mais il y avait un groupe qui sortait du lot.

La jeune femme remarqua à peine le trio qui s'approchait d'elle, lorsque l'environnement lui parut soudain étrange. Un voile était apparu autour d'elle, l'enfermant dans une sorte de bulle translucide et anormalement bleue.

Le ciel lui était-il tombé sur la tête ?

Non, bien pire que cela.

—Alya Darmont ?

—Euh, oui ? répondit-elle bêtement.

Elle fut déconcertée de voir que l'homme connaissait son identité. Elle en était sûre, elle ne l'avait jamais vu auparavant. C'était un type baraqué, mesurant près de deux mètres de haut. Une femme à la peau extrêmement pâle l'accompagnait, ainsi qu'un jeune homme habillé comme dans les films des années quatre-vingt. Ce dernier la regardait à peine, trop occupé à psalmodier dans une langue qui lui était étrangère.

Qu'avait-elle bien pu inhaler pour halluciner ainsi ?

Seulement, tout était bien réel.

Le géant l'attrapa brusquement et la retourna. Il posa une main sur sa bouche, bouchant son nez avec ses doigts. Un bras enroulé autour de sa taille l'empêchait la jeune femme de gesticuler. Elle se débattit comme un diable, terrifiée à l'idée que ces étranges personnages veuillent lui faire du mal. Elle mordit violemment la paume de son assaillant qui la relâcha alors.

Alya se dégagea de la prise de son agresseur et se tourna vers lui, prête à lui faire face. Elle ne pouvait pas fuir. Elle ne savait pas encore ce qu'était que cette bulle bleue qui les entourait, et elle avait peur de finir désintégrée si elle s'en approchait de trop près.

Sans doute regardait-elle trop de film à la télévision.

—Approchez-vous encore, et je vous mets au tapis ! bluffa t-elle.

Ils eurent la décence de ne pas rire à sa menace. La femme qui les accompagnait feula soudainement, démontrant une paire de crocs aiguisés.

C'était un vampire. Un vampire en plein jour !

Alya comprit alors qu'elle n'avait pas affaire à des gens dérangés, mais à des créatures surnaturelles.

—Je ne vais pas tenir éternellement, s'exclama le jeune homme derrière eux.

—Dans ce cas, il va falloir employer la manière forte, rétorqua le géant d'une voix excessivement rauque.

Il s'approcha vivement de la jeune blonde, nullement impressionné par ses poings levés en guise de protection, et d'un coup brusque lui frappa le haut du crâne.

Alya s'effondra sur le sol, inconsciente, devant les dizaines de passants qui ne semblaient pas la voir.

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