Chapitre 10

Raphaël riait tellement qu'il avait du mal à parler. Ses abdominaux d'acier lui faisaient mal sous sa chemise hors-de-prix. Il avait dépensé une fortune pour plaire à sa cavalière. Il avait voulu être le plus beau de la salle - bien qu'il était déjà extraordinairement séduisant - afin de convenir à sa belle blonde. Le cuir ne lui plaisait peut-être pas, mais aucune femme normalement censée ne pouvait résister à un bel homme en costume.

S'il avait su, il n'aurait pas fait tant d'effort.

Il essuya d'un revers de manche la larme qui avait coulé de son œil droit. Jamais il n'avait autant ri de toute son existence.

—Tu es magnifique, la complimenta t-il enfin.

Elle le frappa durement à l'épaule.

—Menteur ! Je suis ridicule.

—Ridiculement magnifique, admit-il. La princesse au petit pois, mais en mieux.

Il lui fallut encore quelques secondes avant de tout à fait retrouver son sérieux.

—Pourquoi avoir choisi de porter une robe aussi moche ? la questionna t-il franchement.

C'était un homme honnête, il mettait un point d'honneur à être franc avec les gens. Sans doute un peu trop parfois. Ses camarades de chasse lui reprochaient de manquer de tact. Naturellement, il ne voyait pas de quoi ils voulaient parler.

—J'ai perdu un pari, rumina la blonde.

—Je vois ça. Allez viens, princesse.

Il lui tendit sa main qu'elle ne prit pas tout de suite. Elle jeta un regard autour d'elle puis, poussant un soupir résigné, accepta son invitation.

Raphaël jubilait intérieurement de cette petite victoire. Pour la première fois depuis leur rencontre, elle ne l'avait pas rejeté. C'était un grand pas en avant.

Main dans la main, il la tira jusqu'à la piste de danse. Là, il fit un signe au DJ. La chanson qui passait fut interrompu pour être remplacée par une mélodie plus douce.

Il avait lu ça dans un vieux magasine qui trainait avec d'autres dans une salle d'attente. Les femmes aimaient tout ce qui était romantique, tels que les slows. Ce n'était pas son genre les actes poétiques et romanesques, mais pour Alya, il ferait un effort.

Promis, ce soir, elle lui tomberait dans les bras.

—Euh, je ne sais pas danser, dit la blonde.

Elle paraissait mal à l'aise au milieu des couples en mouvement. Le chasseur se pencha vers elle et lui chuchota à l'oreille.

—Moi non plus, lui confia t-il.

D'un coup sec, il la ramena vers lui. Sans doute avait-il été trop brusque, car la jeune femme s'écrasa contre son torse en béton avant de gémir de douleur. La blonde se frotta le nez, la mine renfrognée.

—La vache, ce que tu es dur ! T'as été croisé avec une brique ou quoi ?

Le poitrail du chasseur se bomba de fierté. Il avait passé des jours, des semaines, des mois à s'entrainer sans relâche pour obtenir ce résultat. Cela lui avait demandé une volonté de fer, mais il était déterminé à faire partie des chasseurs. Après son enfance torturée, ça lui avait semblé être une évidence. Et à aucun moment il n'avait regretté ce choix.

Il reprit la main de sa cavalière dans la sienne et passa un bras autour de son buste. Sa robe vaporeuse paraissait inconfortable, et lorsqu'il fit un pas en avant afin d'entamer la danse, Alya en fit un de côté. S'emmêlant malencontreusement les pieds, la jeune femme s'écrasa sur le sol sous les rires moqueurs des spectateurs.

—Bon, ok. On oublie la danse.

Raphaël lui tendit la main afin de l'aider à se relever. Mais Alya refusait qu'on l'assiste et tapa sur sa paume tendue avant de se remettre debout, toute seule. Elle quitta la piste de danse à grands pas.

Raphaël ne comprenait pas. Il avait beau y mettre tout son cœur, il faisait tout de travers. La vie était si facile depuis qu'il avait rejoint la communauté des chasseurs, mais avec elle, tout été si complexe.

S'il n'aimait pas autant les défis, sans doute aurait-il fini par abandonner. Mais l'échec ne faisait pas partie de son vocabulaire. De plus, Alya l'intriguait réellement. Elle était si différente des femmes qu'il côtoyait quotidiennement.

Puis il y avait toutes ces créatures surnaturelles qui lui tournaient autour.

Le chasseur se souvint de la métamorphe qu'il avait pisté le soir de sa rencontre avec la blonde. Il avait été interpellé par la proximité entre le monstre et l'humaine. De toute évidence, elles se connaissaient depuis longtemps. Et allait savoir pourquoi, Alya était toujours vivante. Raphaël croyait dur comme fer que la métamorphe préparait quelque chose, et comme il était important qu'il sache quoi, il n'avait pas attaqué la créature, préférant patienter dans l'ombre jusqu'à ce que la femme se trahisse.

Et le pire, c'est que ça ne s'arrêtait pas là. Le temps poursuivit son cours et paf ! voilà qu'il devait éliminer un vampire qui enseignait à sa jolie blonde. Deux créatures autour d'une même humaine, Raphaël trouvait ça vraiment louche. Il se demandait bien ce qu'une telle humaine pouvait avoir d'attrayant pour que les êtres surnaturels s'y intéressent.

Ainsi, il avait décidé de la surveiller de près.

Il rejoignit sa cavalière qui lorgnait le buffet bien garni. Elle l'avait entendu la rejoindre mais faisait comme s'il n'était pas là.

—Ce n'était qu'un p'tit accident. Tu ne t'es pas fait mal au moins ?

Alya se retourna en soupirant.

—J'en ai assez de me ridiculiser.

Elle désigna sa robe.

—D'abord cette mocheté, puis ce fiasco sur la piste de danse, et comme si je n'attirais pas déjà assez le regard des gens, il a fallu que tu me forces à être ta cavalière.

Raphaël se sentit vexé. N'importe qui vendrait ses propres parents pour avoir l'honneur d'être invité par un chasseur de renom comme lui. Au lieu de ça, il l'avait choisi elle. Mais Alya ne lui montrait aucune reconnaissance. Au contraire, elle semblait maudire cette soirée et tout ce qui allait avec.

—Je veux rentrer chez moi.

Il soupira, lassé d'être perpétuellement rejeté.

—Je ne vois pas pourquoi tu te dévalorises comme ça. D'accord, cette robe est loufoque, mais ce n'est qu'un vêtement. Tu le retires et hop ! tu deviens la femme la plus sexy de la soirée.

Elle leva les yeux au ciel, peu convaincue.

—Et puis, comparée à celle-là, tu es loin d'être ridicule, dit-il en désignant un point coloré parmi la foule. C'est quoi ce orange, une citrouille ?

Alya suivit son regard sur une femme brune habillée d'une combinaison flashy. Elle fut soudain prise d'un énorme éclat de rire qui apaisa temporairement ses tourments. Raphaël se surprit à sourire d'un air attendri. C'était la première fois qu'il la voyait rire. Il n'avait rien vu de plus joli que cette étincelle de joie qui brillait au fond de son regard azur.

—Raphaël, enfin vous voilà ! s'exclama une voix d'homme tout près d'eux.

Le chasseur se retint de lever les yeux au ciel en reconnaissant la silhouette du maire. Cet homme était un véritable pot de colle, doublé d'un lèche-cul. Depuis leur arrivée dans cette ville, à lui et ses camarades, il ne les avait pas lâchés une seconde. Toujours à parler de publicité et d'évènements importants. Ne comprenait-il pas qu'ils avaient bien mieux à faire que de poser pour des foutus cameramen ?

—Oh, M. le maire, comme je suis ravi de vous revoir, dit-il d'un ton faussement joyeux. Quel bon vent vous amène ?

—La photo, enfin ! lui rappela t-il alors. Tout le monde vous attend.

Comme il était tentant de rembarrer ce vieux schnock !

Mais cela ne lui était pas permis. Le conseil des chasseurs planait au-dessus de sa tête, cette organisation si soucieuse de son image. Il fallait qu'ils soient bien vus auprès du peuple s'ils voulaient subsister. Ainsi, si le maire voulait une photo pour le journal local, il aurait sa photo.

Il se tourna vers sa cavalière, déçu de devoir la quitter maintenant. Il aurait voulu tenter de la faire rire à nouveau. Tant pis, ce serait pour une prochaine fois.

—Tu m'attends là ?

Alya allait lui répondre lorsque deux hommes débarquèrent brusquement. Evan passa son bras sur ses épaules, s'y appuyant de tout son poids.

—Et pourquoi ne viendrait-elle pas poser avec nous ? proposa Tony d'un ton bourru. Elle est plutôt jolie, ta gazelle.

Dans un premier temps, Raphaël fut tenté de retirer le bras du chasseur sur ses épaules puis de les envoyer paitre. Mais l'idée lancée par son camarade de chasse germa dans son esprit.

—T'as raison. Viens avec nous ! Le photographe nous attend.

Il agrippa la main d'Alya et la traina jusqu'au devant de la scène où le maire et d'autres personnes les attendaient.

—Euh, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée... s'opposa Alya.

Mais le chasseur resta sourd à ses protestations. Il se plaça aux côtés du maire suivi d'Evan et de Tony. Il ramena la jolie blonde contre lui, un bras enroulé autour de sa taille.

—Fais-moi ton plus beau sourire, murmura t-il à l'oreille de sa cavalière.

—Raphaël, je ne veux pas...

Mais c'était trop tard. On entendit un clic. Une lumière blanche les éblouit en même temps que le photographe les immortalisait. Demain, lui et sa ravissante princesse apparaitrait en première de couverture sur le journal du matin.

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