Nehfir se mit alors à rire, satisfait, et ordonna aux soldats de laisser Meng. Ces derniers la libérèrent et elle se plaça face à Kohad, les dents serrées. La Gwltinc la regarda quelques instants avant de dire :

« Meng, je te laisse une chance de revenir du bon côté. On t'expliquera tout.

- Je ne veux pas de vos explications. Je vous faisais confiance et vous me mentiez depuis le début. Je vous hais.»

Kohad soupira et baissa légèrement la tête avant de dire doucement à Noktan :

« Afeloail.»

L'Etchoki la regarda un instant avant de fixer à nouveau son regard sur Nehfir. Le Modsai fronça les sourcils. Parlant l'Etchoki, il avait compris que Kohad venait de dire "Prépare toi", mais ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Alors qu'il allait ordonner à d'autres soldats d'intervenir, Kohad, malgré ses mains attachées, donna un violent coup de coude au soldat qui la tenait et lui reprit son arme. Comprenant l'indication, Noktan fit de même, et sa force d'Etchoki envoya le soldat qui le maintenait voler contre un mur, inconscient. Nehfir recula alors, tout en donnant des ordres à ses soldats, mais avant qu'ils n'aient pu s'organiser, Kohad avait libéré Noktan, qui lui retira ses liens à son tour, et elle jeta en l'air un petit disque métallique qu'elle gardait dans sa veste. Le petit appareil se stabilisa avant de pulvériser une épaisse fumée qui aveugla tout le monde, empêchant toute visibilité.

Meng, sans arme, fut plaquée contre un mur par surprise par Kohad, qui l'avertit :

« Tu me le payera, crois-moi.»

La Gwltinc lâcha alors la jeune femme pour disparaître à nouveau dans l'épaisse fumée, et malgré les ordres criés et quelques tirs de lasers, la confusion régna de longues secondes, suffisantes pour que, lorsque les ventilations et les dispositifs anti incendie furent déclenchés, Kohad et Noktan n'aient disparus. Nehfir pesta dans sa langue, voyant que plusieurs de ses soldats étaient inconscient et désarmés et que les autres ne comprenaient pas ce qui venait d'arriver. Il donna alors des ordres à ceux présents, ainsi que dans les circuits de communication généraux de la base. Il se tourna ensuite vers Meng et demanda :

« Wot' dopfos, où est amarré votre vaisseau ?

- Au dessus de la porte, à un sas, je ne saurais pas donner la position précise.  »

Le Modsai se remit immédiatement à parler à l'ensemble des soldats via un petit appareil pour leur indiquer où se diriger. Malgré sa compréhension quelque peu lacunaire du Modsai, Meng comprit qu'il avertissait son armée qu'elle était avec eux, et n'était pas à cibler. Sans vraiment savoir quoi faire, la jeune femme resta aux côtés du chef de guerre tandis qu'il distribuait les ordres, enragé et débarrassé de son air sûr de lui qui l'avait accompagné à chaque occasion où Meng l'avait croisé jusqu'à lors. Quand il eut fini de donner des ordres, il lui dit de l'accompagner, et ils se mirent à courir dans les corridors, accompagnés de quelques soldats, dans la direction générale de Ylys. Le Modsai ralentissait quelques fois, sa grande taille le faisant aller bien plus vite que Meng malgré ses foulées efficaces et son endurance.

Après quelques minutes cependant, une communication arriva de son appareil qui l'avertit du départ de la Ylys et de la fuite des intrus, ainsi que de la mort d'une dizaine de soldats. Il poussa un profond soupir, se retenant de crier, et ordonna en désespoir de cause qu'une poursuite soit lancée, même s'il savait bien que Ylys aurait probablement engagé la vitesse subluminique d'ici quelques secondes. Meng, de son côté, sentit l'excitation et l'appréhension grandir. Ylys était partit, il n'y avait plus de retour possible. Son camp était choisi, et ce n'était pas celui qu'elle avait prévu en arrivant ici. Après quelques secondes, elle demanda alors :

« Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

- Tout d'abord, il en va de se présenter de façon correcte. Nous n'en avons pas eu l'occasion. Je suis Nehfir, chef de guerre indépendant du Fléau, vétéran de la seconde guerre de sécession.

- Lin Meng. Je n'ai pas vraiment d'autres choses à mon actif à vrai dire.

- Bien, Meng, maintenant, tu sais la vérité : tes parents travaillaient pour moi. Leur grande expertise dans la civilisation Etchoki m'a permis de faire de grandes avancées dans mes projets, et les installations dans lesquelles nous nous trouvons ne seraient pas dans cet état, probablement pas même découvertes, sans eux. Mais la petite équipe de Nemesis et Daenide les a tué, me privant de leur aide et toi de tes parents, en te laissant seule sur Neva Kar.

- Vous saviez que j'y étais toujours ?

- Je le soupçonnais, mais comment retrouver une petite fille orpheline sur cette planète ? Si j'en avais su davantage, tu serais à mes côtés et tu saurais la vérité depuis bien longtemps. Je m'en excuse.

- Ce n'est pas grave. Tout ce que je veux maintenant, c'est les venger. Et j'ai l'impression que vous pouvez m'y aider.

- Meng, j'aimerais te proposer un accord. Quand bien-même tu n'as pas l'immense connaissance de tes parents, tu as hérité de leur courage et de leur détermination. Que dirais-tu de prendre leur place à mes côtés ? Tu effectuera des missions pour moi, et en échange de tes services, tu seras logée, payée, et je m'assurerais que tu obtienne ta vengeance et que tu sois celle qui règle leur compte aux assassins de tes parents. Tu as le droit de refuser, et dans ce cas, nous t'enverrons sur la planète de ton choix, tant que tu nous promet de ne jamais parler de ce que tu sais sur nous à quiconque.»

Meng réfléchit un instant. Deux façons de commencer une nouvelle vie s'offrait à elle, toutes aussi alléchantes l'une que l'autre. Cependant, l'envie de se venger et d'apprendre à connaître ses parents l'emporta dans son cœur, et, sûre d'elle, la jeune femme répondit :

« Je vais prendre la place de mes parents.»

Nehfir se mit à rire et tendit sa main à Meng, qui la serra en souriant également. Enfin, sa vie trouvait un sens.