L'atelier

En entrant dans l'atmosphère, le vaisseau de transport Modsai trembla légèrement. Assise au milieu de soldats de Nehfir, Meng patientait, légèrement tendue. Après quelques jours de familiarisation avec la base de la porte de croisade et les coutumes de l'armée du chef de guerre, Nehfir avait décidé d'envoyer la jeune femme pour sa première mission :

« Tes parents se sont plus d'une fois chargés de cette tâche. C'est un bon début, si tu souhaite prendre la relève.»

Meng souhaitait bien faire, être digne de ses parents. Elle se remémora les instructions simples qui lui avaient été données : atterrir sur Ackvales, sécuriser les environs, récupérer la cargaison auprès des fournisseurs habituels, et repartir. Si tout cela était simple, dans les faits, Meng était tout de même anxieuse. Elle avait reçu la direction d'une escouade, alors qu'elle n'avait jamais dirigé quiconque dans sa vie. Aurait-elle une autorité suffisante ? Prendrait-elle les bonnes décisions en cas de problème ? Sa courte formation ne l'aidait pas à se rassurer. Finalement, un Modsai sortit du cockpit et annonça leur arrivée immédiate sur la planète. Quelques minutes plus tard, le vaisseau se posa et sa rampe se déclencha.

Meng se leva, vérifiant une dernière fois que ses armes étaient prêtes, que sa combinaison était bien ajustée. Durant un court instant, elle appréhenda l'idée que l'équipage de Ylys ait prévu un piège, mais repoussa rapidement cette idée. Ils étaient perdus et désorganisés, ils n'avaient pas le temps de prévoir un piège en quelques jours seulement. Après quelques secondes, elle ordonna à la vingtaine de soldats qui l'accompagnaient de descendre, avant de les suivre. À l'extérieur se trouvaient de grandes falaises, occupées pour beaucoup par des usines en suspension. La fumée sortant de leur cheminée créait un smog gris cachant le soleil. Deux soldats se postèrent à l'entrée du vaisseau, et le reste accompagna Meng en direction d'un atelier en particulier. La jeune femme fit en sorte d'ignorer du mieux qu'elle put les visages hostiles de la population locale, principalement composée d'ouvriers qui subissaient les venues régulières des Modsai davantage qu'ils ne les acceptaient. Quelques insultes fusèrent, mais après un tir en l'air préventif de la part d'un soldat, la situation ne se dégrada pas davantage, et les travailleurs reprirent leur chemin sans chercher plus de problèmes.

Ils arrivèrent finalement devant l'atelier et une dizaines de Modsai se postèrent devant la porte afin d'empêcher un attroupement. Les huit soldats restants et Meng entrèrent alors, pénétrant dans une salle où des travailleurs actionnaient des machines et travaillaient à la chaîne, fabriquant des appareils technologiques d'une qualité variable qui se revendaient ensuite dans les systèmes environnants. Cependant, cette salle n'était pas celle qui intéressait Meng. Elle la traversa pour atteindre la pièce suivante, où une caisse était posée au centre, devant une petite dizaine d'ouvriers aussi dépenaillés que les autres. Deux soldats se postèrent à leur tour à l'entrée de cette salle, et les six restants se mirent en ligne derrière Meng, qui s'avança vers les travailleurs. Sans un mot, elle ouvrit le couvercle de la caisse, révélant plusieurs petits caissons sécurisés contenant des sources d'énergie Etchoki. Elle ferma ensuite le couvercle et fit signe aux soldats, qui s'avancèrent pour venir fixer de petits générateurs anti gravité sur les côtés afin de l'emporter.

Cependant, avant qu'ils n'aient fait plus de quelques pas, un ouvrier, l'air tendu mais visiblement mandaté par les autres, s'avança et demanda à Meng :

« Et le payement ?

- L'administration de l'usine le recevra bientôt, et vous aurez la prime, comme prévue.

- La dernière fois, on n'a pas vu la couleur de cette prime. On veut une une assurance qu'on sera payés pour ce travail.

- Ce n'est pas moi qui gère les finances. Voyez avec vos employeurs.»

Quelques travailleurs, derrière le délégué, chuchotaient entre eux, et une vieille femme au visage crasseux s'avança alors et demanda :

«Vous êtes la fille des Lin. N'est-ce pas ? »

Meng se figea une demi-seconde. Elle aurait dû s'attendre à cette question, après tout, ses parents avaient l'habitude de se charger de cette tâche auparavant, et il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'on la reconnaisse à sa ressemblance avec eux. Elle hocha la tête avant de rétorquer :

« Oui. En quoi ça vous concerne ? »

La vieille femme eut un petit rire amer avant de déclarer, en la pointant du doigt, de sa main décharnée et marquée par des années d'un travail pénible qui aurait dû s'arrêter il y a bien longtemps :

« Vos parents avaient le même respect pour nous que vous. Vous devriez avoir honte.

- Faites très attention à ce que vous dites.

- Je n'ai plus rien à perdre. Mon dos est ruiné, et je ne pourrais bientôt plus travailler du tout, après des années à fabriquer ces saloperies pour Nehfir. Vous êtes la même brute que vos parents.»

Les autres ouvriers eurent un murmure désaprobateur, non pas envers les propos de la vieille femme, mais par crainte que des ennuis ne leur arrivent. Meng garda un visage inexpressif, mais au fond, sa déception montait. Ses parents étaient censés être des archéologues, pourquoi se chargeaient-ils de ce genre de tâches ? Et manquaient-ils à ce point de respect pour ces pauvres gens pour qu'ils ne s'en rappellent une décennie plus tard ? Sans y croire, elle répondit :

« Ce à quoi vous participez changera la galaxie à jamais. Il n'y a pas le temps de faire dans le sentimental.»

La vieille femme rétorqua :

« Quel changement ? Vous pensez que Nehfir changera quoi que ce soit à ce qui se passe ici ? »

Le délégué renchérit :

« On crève dans la misère. Union Galactique ou Fléau, tout ça ne change rien pour nous. Si vous croyez réellement en un changement, interférez pour que nous recevions notre prime. Notre vie ne sera qu'infimement meilleure, mais cela reste toujours plus qu'un soi-disant changement galactique qui n'aura jamais d'impact ici.»

Meng ne répondit pas durant plusieurs secondes. Elle avait conscience que ces ouvriers avaient raison. Mais elle ne pouvait pas se permettre de perdre la face alors que les soldats ne Nehfir l'entouraient. Elle finit par soupirer :

« Je verrais ce que je peux faire pour votre prime.»

La vieille femme, sans sourire, affirma alors :

« Peut-être bien qu'il reste quelque-chose à sauver dans votre famille alors.»

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