La Mort et la Beauté



Le vieil homme était là, assis en solitaire

Effrayé par son sort, la face contre terre

Le cœur anéanti par le poids des années

On le put voir longtemps, ce regard égaré.

Par une nuit d'hiver, un songe le surprit

Une petite fille sans un mot lui sourit

Il sut qu'elle était sage. Elle lui intima

De toujours l'écouter, alors, il l'écouta.

« Je te connais, sais-tu ? Je connais ton visage

Ne prends peur, homme noble, éconduis ces mirages

Qui de leurs illusions ont pu t'ensorceler

Ne semant en ton cœur qu'âpres futilités.

Ose enfin délaisser ces pensées hasardeuses

Renonce tout à fait à cette quête hideuse

Abandonne fierté et orgueil mortifère

Tant d'années de questions, ô combien de misère.

Ne te perds en détours sur une route instable

Abîme complaisant, tourmente insoutenable

Demande-toi plutôt, le soir où vient la nuit

Qu'as-tu donc amassé, à la fin de ta vie ?

Peux-tu partir en paix, libre de toute crainte ?

Ne redoute pas l'Heure, ni la cloche qui tinte

Mais tremble à la pensée d'être trop vite parti

Avant d'avoir vécu, avant d'avoir compris. »

Il poussa un soupir, il plissa ses yeux las

« Qui es-tu, fillette, pour me trouver ainsi ?

Dis-moi ce qu'est cela, ce que tu traversas ?

Fais-moi voir une chose, égaie ma triste vie ! »

Elle posa sur lui son regard sombre et grave

Apparition divine au chevet d'une épave

Puis il sentit sa main, et ses yeux violacés

Lorsque l'ange parla, tout s'était arrêté.

« Toujours les plus beaux mots naissent du désespoir

Chacune de nos vies n'est qu'une simple histoire.

Je l'ai connue, la Mort, au cours d'une épopée

Et croisant mon chemin, c'est là qu'elle m'a changée.

Imprévisible et pure, source de plénitude

Magistrale invention, fantastique prélude

Passage inéluctable, paradoxe incompris...

En bénissant la mort, j'ai découvert la vie. »

« Ainsi dis-moi, de grâce... dis-moi, ô, qu'ai-je à faire

Pour enfin m'échapper, et quitter cet enfer ?

Enchante-moi encore, dévoile ton secret

Comment est-il possible de ne craindre jamais ? »

« Les mots sont les gardiens de terres enchantées

Apprécie le silence, ose enfin l'écouter

Puise conseil auprès de poètes amis

Car ceux-ci ont tout vu, tout su et tout conquis.

Accepte ton déclin, sans frayeur ni tristesse

Les forces surgiront au cœur de ta faiblesse

Aime ce que tu vois, et tout ce que tu as

En confiante impatience, attends, l'Aube viendra.

Étreins les brunes heures, lève les yeux au ciel

Embrasse d'une larme ces scènes idéelles

La Lune, souriant en son manteau céleste,

Chaque soir en secret à toi se manifeste

Tu sentiras le calme où le monde est plongé

Tu entendras les odes à jamais inchangées

Orion te couvrira d'une parure d'or

Un zéphyr changera les étoiles en trésor

Ce n'est pas que les astres, dans la nuit sidérale,

Se mettront à danser sous des lueurs spectrales

Mais ton cœur volera vers des cieux mystiques

Épousant purement l'Au-delà séraphique.

Les nuées argentées te feront voir le signe

Puisses-tu humblement d'elles te montrer digne.

Mes pas se sont perdus dans cette immensité

À l'ultime page, j'ai trouvé la Beauté.

Contemple tous les soirs ces myriades de perles

Qu'elles hantent tes jours, que leur charme y déferle

Chéris ces lois, Chercheur, et souris aux mystères

Admire-les vraiment et jamais ne les perds. »

Alors l'enfant les vit, ces tourments s'envoler

Et les yeux du vieillard de mille feux briller

Nullement accablé par la fraîcheur du soir

Et l'âme illuminée par le plus pur espoir.

Il y eut un murmure, et la fée s'envola

Un cri de perfection dans l'infini dansa

Un rire fugitif, et un homme franchit

La porte des plus grands,

Plus beaux jours de sa vie.




@Parallel137

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