Ce clochard au coin d'la rue
Je suis ce clochard au coin d'la rue,
Au dos voûté,
Aux mains charnues,
Celui que vous ignorez chaque matin,
Vous snobez chaque midi,
Et assassinez chaque soir,
Avec vos regards noirs qui me font regretter,
D'être malade et sous alimenté.
Vous ne me regardez pas en face,
Alors que je connais chacune des vôtres,
Alors que j'ai appris sur le bout des doigts vos routines malsaines !
Tiens, voilà le banquier,
Qui ouvre une fois de plus ses volets.
Un père et sa fille en route pour l'école,
Le cartable rose sur les épaules,
La p'tite, elle s'appelle Alizée.
Je l'sais, j'l'ai entendu l'appeler.
Méli, la jolie caissière de l'épicerie.
Elle, c'est la plus empathique du coin,
Il y a deux mois, elle m'a offert un plat d'œufs brouillés,
Mais ses patrons lui ont rapidement gueulé,
Quelle était là pour bosser.
Un jour, un petit de cinq ans est venu me demander
Pourquoi je dormais dehors, hiver comme été
Et ses parents se sont écriés
« Écarte-toi, Pierre ! Il est sale comme son chien ! »
Le petit s'est éloigné, dégoûté.
Aujourd'hui, il en a vingt,
Et il m'évite chaque jour,
Comme si un simple regard sur ma face crasseuse,
Pouvait nuire à son ego précieux.
Je ne suis que ce clochard qui,
Comme vous dites,
Monopolise votre trottoir.
En plus de ça, vous me crachez à la gueule,
En me disant de me bouger le cul.
Mais bande de petits cons,
Si vous saviez ce que j'ai vécu !
Vous feriez moins les malins !
Moi je suis là, à me les geler,
Chaque semaine, chaque journée.
Femmes !
J'ai crié avec vous pour que vous obteniez votre égalité !
Homosexuels !
J'ai voté pour vous permettre de vous marier !
France !
J'ai donné mon œil droit,
Pour tes libertés et tes droits !
Hommes...
Je me suis battu pour tant de causes...
Pourtant, vous refusez que vos yeux ne se posent,
Sur mon corps maigre et si fatigué
Comme si ma vue suffirait à vous faire craquer,
Et vous faire déposer quelques pièces entre mes doigts abîmés.
Ce que vous ne savez pas,
Petits êtres futiles et futés,
C'est que je l'attends, la faucheuse.
Et si je le veux, je pourrais même aller la chercher,
Vous comprenez ?
Si je disparaissais ?
Comment vous réagiriez ?
Je ne serais plus qu'un élément du décor,
Qu'on aurait tout bonnement retiré,
Un mur qu'on aurait nettoyé
Et oui, je ne serais rien de plus. Juste une fleur fanée, retirée du vase,
Juste un fou perdu, extirpé de sa phase.
Au moins, noyé dans ce fleuve glacé,
Je pourrais y laver la crasse que vous m'avez toujours reprochée.
@_Polymnie
Recueil : Rien qu'une larme, juste un sourire
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