8. La pivoine attaque la rose

Finalement, j'avais l'impression qu'il y avait un peu de vérité dans ce sarcasme.

J'eus quelques autres plaintes pour cette quasi-tueuse, et j'envisageais de faire une réunion à la fin de la semaine. Au moment même où je terminais de noter cette information dans mon agenda, Amé et Russie entrèrent. J'avais l'habitude qu'ils viennent dans mon bureau pour me prêter compagnie, et ça ne me dérangeait pas du tout.

- Salut, (t/p) ! s'écria Amé.

- Bonjour ! Dit - très humblement, à mon avis – Russie.

- Salut, salut ! Dis-je tout en reposant mon agenda et en fouillant dans divers papiers.

Amé sautillait, tout heureux. Il avait réussi à se remettre assez facilement de l'incident. Russie se tenait à ses côtés, silencieux mais souriant.

Enfin, jusqu'à ce que quelqu'un arrive.

- Bonjour !

Chine. Que faisait-il ici ? Amé, il y a longtemps, m'a dit de m'en méfier.

- Bonjour, que puis-je faire pour vous ?

- Il me semble que ces derniers temps, certains d'entre nous on eut affaire à une tueuse sensible aux larmes...

- Laissez-moi deviner, vous êtes une victime ?

- Bravo, quelle perspicacité !

Je commençais clairement à comprendre pourquoi Amé m'avait dit de m'en méfier. Il n'avait de respect pour personne. J'étais quasiment sûre que son témoignage était faux et qu'il venait pour autre chose. Amé essayait de se faire le plus discret possible, et Russie regardait Chine d'un regard assassin.

- Eh bien, j'étais chez moi et je-

- Attendez, il y a quelque chose qui ne va pas.

- Pourtant, je n'ai même pas encore commencé à parler.

- Ne me prenez pas pour plus bête que je ne suis. Tout est faux. Vous venez pour Amé, n'est-ce pas ?

Ses yeux se plissèrent. Son expression était entre la satisfaction et la colère.

- Vous êtes vraiment intelligente, dis donc...

- Des mots, rien que des mots !

Il se dirigea d'un pas assuré vers Amé, qui se colla encore plus contre le mur. Chine leva lentement la main. Amé protégea son visage avec la sienne. Chine lui prit le poignet. Il approcha son visage de celui d'Amé.

- Je suis tellement triste sans toi... pourquoi tu ne reviens pas ? C'était si bien au...

- Collège ! J'étais au collège, Chine ! Je... je... non, ne me... s'il te plaît. Fais comme si je n'avais rien dit.

Chine avait lâché le poignet d'Amé mais sa main était beaucoup trop proche de son visage.

- Je trouve que tu prends beaucoup trop tes aises, pour une petite merde androgyne.

Les yeux d'Amé s'écarquillèrent. Il serra les lèvres. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.

- J'étais pourtant si gentil avec toi... pourquoi m'as tu abandonné ?

- P... personne ne marche dans ta combine, Chine...

Chine releva le menton d'Amé avec son index. Russie se mit à courir. Il prit le poignet de Chine.

- Vous vous faites tous manipuler par cette petite salope.

- Ta gueule ! Si tu oses encore une fois le toucher, je te brise les os du crâne !

Je me levais.

- America, ce n'est pas bien ce que tu m'as fait... lui susurra Chine.

- Mais... mais ! Pourquoi tu... tu t'acharnes ? Je...

- Fais moi envie, America... fais une tête plus mignonne que ça...

- You... ghh...

Amé ferma à moitié les paupières et fit une bouche en cœur.

- C'est bien mieux comme ça... sortons de cette pièce lugubre...

- Ah, mon bureau est lugubre ? Vous avez un drôle de sens de l'esthétisme.

Je venais de parler. Chine se retourna et s'avança vers moi.

- Toi aussi, tu t'es fait avoir ?

Je ris d'un rire acerbe.

- C'est plutôt vous qui vous vous êtes fait avoir !

- Comment ça ?

- Vous juste un pauvre type qui harcèle la même personne depuis le collège ! Vous ne devez pas vous sentir exister, mon pauvre, pour faire ça...

Il me toisa d'un regard méprisant. Je ne me laissais pas désarçonner par un regard méchant. Après tout, j'avais vu pire. Il croyait avoir tout vu et fait, pour se comporter comme ça.

- Tu as de la répartie...

- Vouvoie-moi. Je suis ta supérieure hiérarchique.

Il essaya de me tuer du regard.

- Je ne m'abaisserais pas à ça.

- Ah bon ? Vous savez, je n'ai jamais pu comprendre les gens qui avaient un comportement comme le vôtre. C'est sans doute parce que vous êtes seul. Vous n'avez personne avec qui partager votre vie, et la seule personne qui a daigné le faire pendant un instant, vous l'harcelez. N'est-ce pas un comportement ridicule, maintenant que vous y pensez tête froide ?

- Je-

- Mais si vous décidiez d'avoir quelqu'un, en tant qu'ami -ou plus-, vous seriez extrêmement possessif. Me tromperais-je ? Bref, votre comportement est absolument risible, et surtout nuisible.

Il se mit à rire. Mais j'entendais que son rire n'était pas sûr.

- Peut-être bien que tu as raison... mais finalement, j'avais raison, tu t'es fait manipuler !

Je le regardais d'un air interrogateur.

- Mais c'est simple, voyons ! Tu es intervenue à la place d'America, il n'a rien eu à faire. Il n'ose pas m'affronter...

Amé courut vers Chine et essaya de le prendre par le col. Mais il n'y arriva pas, il n'avait pas assez de force. Il se mit à pleurer à chaudes larmes.

- ESPÈCE DE MERDE ! Tu mets tout sur mon dos ! Tu prétends que je les manipule tous ! Mais c'est pas vrai ! C'est pas vrai, tu comprends ? C'est toujours toi qui m'emmerdes, de toute façon...

- Oh, comme c'est mignon... tu essayes de m'attaquer, de te défendre, pour me contredire ? Mais tu sais pertinemment que je te suis supérieur... si tu recommences encore une fois ce genre de choses, je t'encule.

La voix de cet homme était comme du miel empoisonné. Il se donnait des airs doux, mais on sentait bien qu'il ne nous voulait pas du bien.

Amé se mit à rougir, des larmes roulant sur son visage. Il serra les poings. Il leva la tête, regarda Chine dans les yeux, et fit une chose que je n'aurais jamais crue possible dans cette situation.

Il lui mit une claque.

Elle ne fit pas beaucoup d'effet, mais il l'avait fait. Amé regarda sa main, les yeux brillants. Lui-même n'arrivait pas à croire ce qu'il avait fait.

- Ooh, mais quel courage ~

- Ta gueule. Juste, ta gueule.

Chine se tut, sourire au lèvres. Amé le regarda.

- J'ai juste une question à te poser... reprit Amé.

- Tu m'as dit de me taire, pourtant.

- Je t'autorise à reprendre la parole.

- Monsieur est trop bon ...

Chine se dirigea vers mon bureau et prit une chaise au hasard. Il s'assit.

- Hé ! C'est m- commençais-je.

Amé me fit signe de me taire. J'obéissais. Après tout, il était le seul à pouvoir véritablement reprendre contrôle sur sa propre situation.

- Pourquoi ? Demanda Amé.

Chine ouvrit les yeux en grand et inclina légèrement sa tête, intrigué. Il ne comprenait sincèrement pas la question posée. Moi non plus, je ne la comprenais pas. Amé était le seul à en saisir le sens profond.

- Pourquoi quoi ? L'interrogea Chine.

- Pourquoi tu t'es acharné ? Pourquoi tu voulais me récupérer ? De quel sentiment ça partait ? Et... est-ce que tu m'as vraiment aimé, ne serait-ce qu'un instant ? Est-ce que ce n'était pour ton petit plaisir malsain ?

Chine ferma les yeux et soupira en souriant. Il les rouvrit, et regarda Amé.

- Tu avait dit une question, America. Il y en cinq, là.

- Qu'importe. Réponds-y quand même.

- Si tu y tiens tant...

Il me sembla que le ton de Chine s'était radouci. Il ne semblait plus méprisant, mais calme et compréhensif.

- Pourquoi je me suis acharné ? Honnêtement, je n'en sais rien. Rien du tout. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai fait tout ça. Si je t'ai aimé ? Oui, sans doute, à un moment ou à un autre, mais le désir a vite pris le dessus. Je ne sais plus... si je t'ai vraiment aimé.

Il y eu un moment de silence. Chine semblait être très mélancolique. Il se releva, remit la chaise là où elle était, puis nous fit un salut de la main.

- Au revoir...

- À bientôt, il y a une réunion, ce samedi. J'espère que vous serez là, lui dis-je.

Il me regarda, puis me sourit.

- Je n'y manquerais pas !

Il sortit. Il y avait une impression de vide, de manque. Tout le monde était silencieux, encore sous le choc de ce qui venait de se passer. D'un seul coup, sans prévenir, Amé s'effondra par terre. Il tenait sur ses genoux, les bras ballants. Nous nous rapprochâmes de lui, inquiets.

- Ne vous inquiétez pas ! Je vais bien ! C'est juste le poids des émotions, tout ça...

Il se releva, puis alla s'adosser contre un mur.

- Quand même, je suis déçu qu'il ne m'ait pas dit pardon. Mais au moins, j'ai compris sa manière d'agir. Je suis mi-déçu, mi-rassuré, en somme !

- Peut-être n'en avait il pas encore la force. Il ne comprenait pas vraiment ce qu'il ressentait en lui, finalement, lui répondis-je.

Russie et Amé décidèrent de partir.

Je soupirais. J'espère que je n'aurais plus à gérer d'autres cas comme ça dans la journée ! Je fis signe à mon fils de sortir. Je comptais le suivre. Dès qu'il se mit à marcher, je me levais pour le suivre. Je fermais la porte de mon bureau derrière moi. Je marchais dans le grand hall au sol rouge grenat. Je poussais la grande porte en verre, puis je sortis à l'extérieur, dans une grande plaine verte qui brillait au soleil. Il n'est pas tard, les brins d'herbe sont encore couvert de rosée.

- Pourquoi voulais-tu sortir ?

- Je ne veux pas à avoir d'autres cas comme Chine. C'est chronophage et énergivore.

- Je comprends.

Je tournais à gauche dans la grande plaine, jusqu'à arriver dans une petite allée pavée. Je prenais plusieurs rue tortueuses et un peu ternes, jusqu'à arriver devant ma maison. J'ouvris la porte.

- Tu es déjà rentrée ? S'écria Kaz en me voyant arriver.

- Oui, j'ai traité un cas très fatiguant, alors...

Je me dirigeais vers le canapé crème pour m'installer dessus.

- C'était une matinée... éprouvante.


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