3. Question

- Pardon, je... je dois manger quelque chose, là. Je reviens dans cinq minutes ! Dis-je en me dirigeant vers la cuisine.

Je me coupe des nectarines. Je n'ai même pas faim, mais je ressens le besoin de manger. Oui, moi, ce n'est pas les fraises.

Et je m'interroges. Pas forcément sur ma condition de femme enceinte. Enfin... quelque part, si. J'en parlerai à Kaz quand ils seront partis. Je n'ai pas envie qu'ils me voient une nouvelle fois en détresse émotionnelle. Même si ils m'ont partagé leur souffrance, et que je leur ai partagé la mienne, je n'ai pas envie de leur montrer ça. Il y a des choses à garder pour soi. Je me lève.

Ça me fait de la peine, au fond.

Je ne peux pas leur dire ça, si ?

J'ai un temps de latence. Mais je dois le dire. Et il faut qu'ils ne soient plus là.

- Je suis désolée, mais... il faut que-

- Il en est hors de question ! Je ne peux pas partir ! S'exclama Amé

- Mais je-

- Je ne peux pas ! Tu es dans un état si... je ne veux pas que...

De derrière ses lunettes, je vois ses yeux bleus briller.

- Je suis désolé, mais il faut apprendre à être raisonnable, tout meilleur ami que tu soies.

C'était Kaz qui venait de parler.

- Mais elle... mais elle... tu ne vois pas ? T'es aveugle ou t'es con ?

- J'ai très bien vu. Mais toi ? L'insulte sur ton physique est facile.

- Non, Kaz, Amé, vous ne devez pas...

Russie serrait les poings et les lèvres. Il semblait bouillonner de l'intérieur.

Je décidais de reprendre.

- Kaz, tu arrêtes de faire sous-entendre des trucs, et Amé, tu dois partir !

- Je vois... au revoir (t/p).

Je sentis un remord me remonter à la gorge.

Ils partirent, et je me retrouvais seule avec Kaz.

- Je pense qu'il y avait une bonne raison pour que tu les fasse partir, non ?

- Oui, mais avant... promets-moi d'être plus aimable avec Amé, la prochaine fois. Je sais que maintenant, il est déçu.

- Je te le promets. C'est juste que j'ai l'impression qu'il est trop proche de toi...

- Ne deviens pas possessif ! Il est gay, et depuis longtemps ! Tu n'as pas vu ton frère ?

- Hein ? Mais... ce n'est pas une raison ! Il pourrait très bien-

- Il aurait eu tout le temps de le faire avant.

Il eut une sorte de petite moue de dépit.

- Alors... que voulais-tu me dire ?

- C'est que... j'ai quelque part, un doute. Comment pourrais-je donner la vie en l'ayant retiré à quelqu'un d'autre ?! Et puis, avec le cristal... je mourrais de l'avoir fait vivre, comme je mourrais d'avoir tué U.E !! Je ne sais plus quoi faire, quoi décider, quoi penser... qu'importe le choix que je fasse, il y a une faille un défaut quelque part. Dois-je, oui ou non, donner la vie et la mienne, et donner de l'amour à quelqu'un de plus, et assez pour qu'il se souvienne de moi et qu'il m'aime autant que je l'ai aimé ?!

Kaz soupira. J'eus un petit tremblement. Est-ce qu'il ne supportait pas mes questions ? Est-ce que je l'ennuyais pour un problème qui finalement n'en était pas un ? Il prit une profonde inspiration.

- Eh bien... honnêtement, je pense que tu n'as pas à te torturer l'esprit avec ça. Et surtout pas seule. Je suis avec toi. Il est à nous. Dans un sens positif, évidemment. Ne t'inquiète pas. Si tu peines à traverser un obstacle, je serais là pour t'aider !

Il avait fini sa phrase avec un grand sourire. Je me sentais rassurée. Quelque part, au fond de moi, avec une once de culpabilité, je me disais que j'avais bien fait de le "choisir". Est-ce que ça aurait été la même chose si j'étais tombée amoureuse d'un autre ? Sûrement que oui.

Quelque part, au fond de mon esprit, je me sens coupable de beaucoup de choses. Certaines ressortent plus que d'autres.

Mais quand je vois son grand sourire, quand je m'endors entre ses douces ailes dorées, quand je m'enivre de son parfum, il me semble que tous mes crimes, tous mes défauts disparaissent. Ou tout du moins s'amenuisent.

Car sous ma couverture d'ange, je suis la pire des criminelles.

Si les gens savaient... ils m'aimeraient beaucoup moins.

Non, j'abuse. Ce n'est pas une couverture d'ange que j'ai. Juste celle d'une personne gentille. Et ça, c'est déjà trop loin de la réalité, quelque part.

Je dois aider les gens, pour expier ce que j'ai fait. Je le ferais même après ma mort, si il le faut.

Soudain, une pensée me traverse l'esprit.

Je fais exactement comme Atlantide. L'histoire est-elle condamnée à se répéter éternellement ? Rien qu'à cette pensée, je me sens mal. Je dirais même pire. Je me sens inutile. Je me sens rien. Je suis juste un autre corps obligée de vivre les mêmes choses que le corps d'avant. Je suis une marionnette du destin. Et ça me fait peur. Ça me fait horriblement peur.

Mais je me retourne. Kaz continue de me sourire. Alors je me sens mieux. Je pense qu'il voit que je ne vais pas bien. Et c'est peut-être horrible à dire, mais quelque part, je ne vais jamais bien.

Depuis ce jour-là, je ne vais jamais bien. Si seulement j'avais plus confiance en moi, et que ce n'était pas les autres qui me la donnaient.

- Kaz...

- Oui, mon cœur ?

- Nous ne sommes pas mariés, si je ne m'abuse ?

- Oui...

- Est-ce que tu penses à ce que je pense ?

- Oui !

Pense à autre chose. Ne te concentre que sur le futur et sur ta petite dose de bonheur.

Mais je sais que cette nuit, comme toutes les nuits, je ne dormirais pas.


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