Sous silence

Je rentre la clef dans la serrure, attend un instant en écoutant les bruit de la nature indomptable. 

J'inspire un coup et tourne la jeune clef dans sa serrure. La porte se déverrouille. J'appuie ma petite main sur la poignée et celle-ci cède pour me laisser entrer. Un long grincement se fait entendre, comme le cri déchirant d'un humain sous torture. 

Je m'engouffre rapidement dans la chaleur familiale et referme la porte sur le monde extérieur.

Tous les sons de l'extérieur se sont éteints, comme retenant leur souffle tous en même temps.

Il fait noir. Un noir d'encre, mais malgré cette noirceur, cet endroit m'est on ne peut plus familier, pour y habiter. Je sais parfaitement que pour rejoindre l'entre de mon abri ultime, je dois traverser un maigre salon, grimper de longs et étroits escalier en bois, et sillonner un couloir gris cadavérique.   

Tout cela, sans réveiller la personne vivant dans cette maison. J'inspire un coup, expire, inspire et finit par expirer à nouveau.

J'enlève tout d'abord mon manteau et mes chaussures, avec une lenteur stupéfiante, pour faire le moins de bruit possible. Puis, j'avance à pas feutré vers ce petit salon. Mes pas résonnent dans mes oreilles et ma respiration me stresse. Je contourne lentement le canapé que je sais brun sablé et fait deux pas quand, une lumière blanche m'éclaire avec toute la violence du monde à la figure.

Je ferme les yeux pour ne pas être de trop aveuglée et me cogne l'orteil droit dans la petite table basse en fer. Je gémis et rouvre d'un seul coup mes pauvres yeux.

Il me faut un certain temps avant de distinguer, sur un fauteuil du salon, prêt d'une grosse et hideuse lampe blanche, l'homme que je dois nommer père, pour lui devoir ma création.

Ses sourcils sont froncés, ses yeux si bleu me transpercent et ses larges bras sont croisés contre sa poitrine, qui remonte avec lenteur.

-T'as pas vu l'heure, gamine ? crache l'homme portant le nom de père, qui se lève brusquement, comme si un ressort l'y avait fait sortir.

Il est grand comme jamais il ne m'a été donné de voir quelqu'un de grand. Ses yeux brulent mes rétines et paralysent instinctivement mon esprit, me privant de mes doux rêves, parce qu'ici, il n'y a que réalité. Douloureuse ou non, c'est une réalité.

-Non, je réponds, presque en murmure, baissant la tête face à mon erreur, celle s'être rentrée tard.

-Alors quoi ? Tu veux jouer les p'tite conne avec moi ?

Je tressaille face à son vocabulaire déjà annonciateur d'un orage imminent. Sa voix est aussi dure que de la pierre, râpeuse et grave comme le crissement d'une craie contre un tableau.

-Non, je réponds à nouveau.

Il s'avance et se retrouve à seulement quelques centimètres de moi, me dépassant de très loin. Mon cœur, pauvre cœur soit-il, se réfugie loin derrière ma cage thoracique. 

-Tu veux jouer les dures, gamine ?

Je recule, d'un pas, parce que ce rapprochement me pèse. D'un autre, par peur. Et enfin, d'un troisième, par espoir de m'en sortir indemne. 

Mais la chance n'est jamais là ou elle doit être, se mettant toujours au coté d'un plus fort, d'un plus robuste personnage que soi-même pour ne pas risquer d'être réduit en miette.  

Père enlève sa ceinture, un sourire de plaisir au lèvre, ou est-ce une grimace emplis d'arômes d'alcool ?

Il lève lentement son bras, si haut qu'il risque de toucher le plafond. Le boucle métallique de la ceinture résonne dans mes oreilles, habituées depuis le temps par ce son. J'attends le coup qui finira par arriver, qu'importe le mal qu'il me fera, il tombera sur moi, avec toute la force dont cela sera possible. Moi, qui tenterais de protéger mon corps par mes maigres bras. Encore et encore et peut-être, encore. J'anticipe la blessure, pour mieux la supporter, je pense à un instant joyeux, qui me tiens loin de cette maison.

Je repense à ce jeune chat au poils caramel et hérissé. Je me dit que j'ai bien fait de le pourchasser, de traquer cette beauté si rare que cet animal, contre toute attente, possède. J'ai bien fait, malgré ce moment que je vais, quoi qu'il m'arrive, devoir subir. Je me rappelle également de cette plume, qui en ce moment est cachée dans mon sac, les yeux verts du chat... ou est-ce les yeux verts du garçon ?

Le coup s'abat enfin sur mon corps démuni de toute force.

Je pense à autre chose qu'à l'instant douloureux, pour supporter. Pour ne pas crier, pour ne pas pleurer, pour ne pas lui en donner ce plaisir qu'il porte à se voir plus fort, à me voir comme l'être faible. 

La vérité, c'est que je ne le suis pas.

Je pense à la vraie Saturne, cette splendide planète du système solaire, brillant comme personne n'ose briller, se tenant fièrement en orbite avec toute sa puissance et sa majesté  avec son merveilleux anneau planétaires, je voudrais tellement la rejoindre, me confondre avec elle !  Mais c'est impossible, je reste encore coincée avec père, en cet instant que l'on n'oublie jamais vraiment, même en faisant en sorte de ne plus y penser.

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