Plume

-Si j'étais toi, je la garderais.

La plume si belle et si noire, dans ma main est au dessus du vide. Je m'apprêtait à la laisser tomber pour l'aider à voler, elle qui en a été privée, quand cette voix me parvint dans mon dos, bloquant mon geste dans la délivrance des airs.

C'est une voix masculine. Je sursaute, me retourne et me trouve face à un garçon de mon âge, les cheveux blond, bien plaqué sur son front, me faisant secrètement penser à Hitler, des yeux verts et timides, des joues aussi rouges que deux fraises oubliées aux soleil, il porte des lunettes noires qui lui donne ce côté parfait que je n'aime pas chez les gens. Ce genre de personne qui font fausse, qui cachent toujours un piège pour mieux vous dévorer. Je fronce le nez.

-Pourquoi ? La priver de sa liberté ? Espèce d'escroc.

Il tressaille quand je prononce le dernier mot, comme s'il n'avait pas l'habitude de se faire traiter ainsi. Pourquoi veut-il tant être parfait ? Montrer l'exemple au monde ? Il n'a pas besoin d'avoir cette allure et ce comportement parfait, il ne ressemble qu'à un hypocrite ! Pourquoi veut-il s'adapter au monde ? N'est ce donc pas le monde qui doit s'adapter à nous ? Pour ma part, le monde m'a renié, et j'en suis heureuse ainsi. Je me promène dans mes rêveries, partant si loin que la Terre n'a plus d'emprise sur moi. Il n'existe plus que mon esprit, ma vision des choses, mon imagination. Ça a toujours été comme cela, je ne connais rien d'autre, et je ne veux  connaître rien d'autre. Les gens autour de moi sont si ennuyeux, si tristes, comme vidés de leur essence humaine...

-N... Non. Parce qu'elle finira par retomber quoi qu'il arrive... chuchote-t-il, la voix comme enrouée.

Je le fixe, soudain intriguée par cette personne à l'allure du monde.

-Oui. Mais elle restera à l'air libre, je lui réponds, une moue d'enfant sur les lèvres.

-Elle sera piétinée par les gens !

-Non, mon regard s'assombrit​.

Je lance alors la plume haut au dessus de ma tête et la regarde avec lenteur tomber en tourbillonnant, comme une feuille folle. Elle est merveilleuse, ses nuances de noires dansent dans le ciel et changent de position au rythme du vent. Je n'ose plus bouger, regardant cette magnifique chose tomber vers le sol, se faisant entrainer par l'attraction de la planète, vers son centre même. Le garçon derrière moi n'ose plus bouger. Il pensait m'avoir fait changer d'avis, la vérité, c'est qu'il n'a pas d'emprise sur moi et que cette pensée le déstabilise. Je penche la tête sur le côté pour mieux l'observer. Je me demande si je suis son premier échec. Non. Certainement pas, mais certainement pas loin non plus.

Je lui sourit gentiment, comme pour lui montrer sa faute, et décide de quitter les lieux sous le regard interloqué de cette personne qui souhaite être accepté parmi l'humanité.

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