Pardons

Je ferme doucement la porte, mais elle claque tout de même. Je me fige sur place en entendant du bruit dans le salon et en voyant une lumière blanche, comme la lampe du salon allumée.

Mon coeur s'arrête. Mon père est là. Il avance vers moi.

Je me rappelle les paroles que je lui ai dites l'autre soir, quand Lucien s'est interposé. J'essais de rassembler le courage, aussi mince soit-il qu'il me reste. Le coup sera certainement plus fort à cause de mon insolence mais je me dois de m'exprimer, d'exprimer ce que je ressens. Si ce que je dis me vaux d'être frappée à coup de poings ou de ceinture ou de poêle ou je ne sais quoi d'autre, soit. Mais s'il le fait, c'est que mes paroles l'on plus atteint que je ne le pense. 

-J'étais...

-Pardonne moi, Saturne, me coupe-t-il, les larmes ruisselant sur son visage.

Dans la pénombre, ses cheveux sont en bataille et luttent entre eux pour former des épis, ses yeux bleus ne sont que douleur, regret, honte, terreur, abandon, tristesse. Ses bras se balancent le long de son corps avec mélancolie, son dos est vouté, comme cabossé par les années et la barbe qu'il portait depuis trop longtemps a disparue.

-Quoi ? je demande, tremblotante. 

-Pardonne moi ! Pardon, pardon, pardon ! Je ne sais pas, je ne sais plus... Je...

Il s'approche de moi, mon corps tressaille, mais il me serre entre ses bras et respire l'odeur de mes cheveux en pleurant. Il pleure un long moment et ses gouttes touche mon âme.

Ses bras encerclent mon corps et me berce comme une enfant, ses bras me protègent du mal et viennent réchauffer mon être gelé depuis trop d'années.

Dans cette maison où j'ai connu la joie d'avoir deux parents et le deuil d'en perdre un, le bonheur d'être une fillette comblée et la calamité d'être une fillette battue, mon père me presse contre son cœur et m'implore son pardon.

C'est alors comme si mon corps se réchauffait de l'intérieur, comme si la cicatrise qui brisait l'entre de mon âme en deux s'était refermée d'un claquement de doit. Moi qui pensait la guérison impossible, pas même imaginable... Me voilà là. 

Je caresse ses cheveux devenus trop long. Il répète en boucle les mêmes paroles en faisant couler ses larmes sur mon épaule.

-Je ne lèverais plus la main sur toi... ne toucherais plus à l'alcool. Je fairais tout pour ne pas te perdre ! Même si c'est impossible qu'un jour tu le sois entièrement pardonne moi ! Pardon parce que tu ne le méritais pas !

Sa voix est étouffé avec mes cheveux coupés courts mais j'entends ses paroles. Je suis juste capable, sous l'émotion de lui chuchoter :

-Merci.

Et le monde brisé dans lequel je vivais se dégrade et me laisse pour la première fois depuis la mort de ma mère, entrevoir un avenir heureux, un monde où la vie sourit malgré ses blessure.

Un monde courageux ! Car le courage n'est pas que pour les supers héros. Le courage... c'est lutter sans faillir, c'est tomber mais se redresser malgré tout et contre tout !

Le courage, c'est avouer ses blessures pour les combattre, c'est vivre avec et ne jamais abandonner. Le courage c'est se faire frapper mais savoir pardonner. C'est vivre, malgré l'envie de mourir, car tout fini par s'arrêter, on finit tous par s'en sortir.

Lucien s'en sortira, comme mon père s'en est sorti... Grace à lui.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top