Nuit tombante
Je ne rentre pas chez moi après les cours. Parce que je ne veux pas. Je ne le veux jamais. Je savoure cette presque obscurité qui m'envahit, qui envahit doucement mon corps et laisse mes rêves éveillés prendre le dessus sur ma réalité.
Le crépuscule réveille les étoiles, nous fait voir ce qu'il nous est impossible de voir de jour, nous fait nous sentir minuscule dans cette Voie Lactée. Elle fait apparaître sous notre nez, le passé des mondes sacrés.
Je goutte au vent doux et monotone sur ma peau, comme une caresse timide. Le froid, lentement, vient effleurer le bout de mes doigts et mes joues. Je ferme les yeux et m'imagine un instant parmi les constellations, dans la Lune creusée et parfaite dans ses imperfections. Peut-être pourrais-je me perdre à tous jamais dans le néant de la galaxie pour vivre dans mes imaginations si débordées ? Je partirais si loin, que peut-être ne me retrouverait-on jamais ? J'inspire autant que je peux l'air glacé qui me fait l'effet d'eau dans un désert, de chaleur en hiver, d'un retour chez soi après une dure et longue journée. J'accueille cet air comme un vieil ami retrouvé.
Je décide alors, pour aucune raison apparente, de me mettre à courir. Courir à en perdre mon haleine, à en perdre ma raison déjà partie...
Mon sac rebondit contre mon dos en faisant du bruit, un bruit qui suit à la trace mes petits pas. Je regrette de ne pas savoir courir comme dans ces livres où le personnage principal est capable d'aller tellement loin qu'il ne sait même plus où il est, d'avoir de très longues jambes s'étendant jusqu'à ma Voie Lactée, et non de petits bouts de pieds empotés.
J'ai chaud au bout de quelques minutes, ma respiration devient de moins en moins régulière et je commence à ralentir l'allure sans m'en rendre véritablement compte. Où vais-je ? Je n'en sais rien, je ne l'ai jamais sus je crois.
Le souffle me manque dans ma course du temps, je décide d'accélérer autant qu'il m'est encore possible, malgré la brûlure aux poumons et ma douleur au ventre, le point de côté qui oblige mon corps à souffrir. Les passants me regardent et, dans leur yeux, je vois qu'ils ne comprennent pas pourquoi je cours. Ils ne comprennent pas que je ne cours pour rien, que j'échappe simplement à la vie, essaie de me séparer du temps qui me colle à la peau. La sueur coule sur mon front et me pique les yeux, mais ça n'est pas grave, rien n'est grave. Bientôt, mes jambes voudront que ma course cesse, peut être même tomberais-je à la renverse, le souffle perdu dans des aspirations de détresse ?
A peine une seconde plus tard, je m'arrête, mon corps réclamant une pose, me suppliant de ne plus jamais lui faire subir un traumatisme pareil.
Je récupère un instant mon souffle et ouvrant la bouche au coucher du soleil. Mon souffle laisse échapper des longues buées grisées. Tout prend des couleurs orangés autour de moi, le bleu du ciel disparaît nonchalamment. Le soleil se cache à demi sous notre terre et semble se noyer dans ce crépuscule orangé. Le monde est beau, plongé dans cette couleur de clémentine, on pourrait oublier qu'à tout moment, cela sera remplacé par une obscurité aimante, puis une aube nouvelle, un jour pluvieux, venteux, nuageux ou bien ensoleillé, pour recommencer un tour complet. Jusqu'à quand ? Seul le futur le sait, gardant cette réponse pour lui seul, à l'abri des curieux.
Je suis devant le grillage d'un parc. J'entre à l'intérieur sans que la raison ne m'en empêche. Les arbres bloquent ma vue, rendent cet endroit mystérieux et intrépide. J'avance lentement, le cœur battant encore mon reste de course. Je parcoure l'intérieur de ces chemins, pleins de verdures fleurissantes dans la mince opacité grandissante. Je souris à ce moment de liberté volé, à cet endroit regorgeant de surprise et de souvenir, pour certains oublié comme étant sans importance particulière.
Et c'est là que je le vis.
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