Nuages

Je me demande comment l'herbe peut-elle bien vouloir rester accrocher au sol. Ne veut-elle pas découvrir le monde ? Rester planter ici, dans ce sol, dans cette école aux odeurs de sueur et de terreur. Mais ont-elles seulement le choix ? Moi, je l'ai et pourtant me voilà ! Ici, là, dans cette école aux odeurs de sueur et de terreur. 

Sa couleur, pourtant est resplendissante, brille de mille feu d'un vert aux teintes oubliés.

Je m'allonge dans cette herbe si molle et si délicate pour fixer les cieux, les nuages, le soleil, l'air. J'essai de regarder le soleil le plus longtemps qu'il m'est possible, mais seulement une minute après, mes yeux me brûlent et un point lumineux barre le centre de ma vision, je décide donc de compter les nuages. Il sont blanc et forment des touffes mouvantes, indistinctes et amusantes, comme de la barbe à papa opaline. Ces petits êtres nuageux, qui pleurent quand l'envie leur en vient, qui deviennent gris sombre quand la colère les prend, avancent lentement comme hésitants de leur chemin. Je leurs imagine alors des formes qui ne signifient rien, leur imagine des histoires qui ne signifient rien.

Puis je ferme les yeux. La solitude réveille chaque cellule de ma peau, de mon être. Elle me fait voir ce que les autres ne veulent plus voir. La beauté. Je ne leurs en veut pas, après tout, ce qui m'est magnifique peut leur paraître hideux...

L'herbe par exemple, elle est seulement verte. Mais pour moi, elle est le vert des temps anciens, des mondes qui se confondent, le vert sombre qui s'illumine à la caresse du soleil, ni vert sapin, ni vert émeraude. Elle n'est pas le vert moyen, elle est le vert de la naissance, du renouveau mais aussi de la fin. L'herbe est le recommencement des choses ! La vie qui revie !

Je finis par me lasser du ciel et me lève pour aller à mon casier, déposer des cahiers. Je soupire et ramasse mon sac rose fuchsia en embrassant des yeux l'herbe grasse de la cours de cet endroit si monotone. 

Quand j'arrive devant un casier légèrement tordu, de couleur gris terne, et que je l'ouvre, je me fige sur place, aux aguets. Un éclair noir s'extrait de la porte cendrée et glisse lentement vers le sol. Je l'attrape d'une main, avant qu'elle ne touche terre. Une plume. La plume, celle qui transforme ses couleurs noires au rythme du soleil.

Sa texture est toujours aussi douce, elle est toujours d'un noir nuitée. C'est LA plume, j'en suis certaine. Je jette un coup d'œil autour de moi, mais il n'y a pas celui que je recherche. Je fronce les sourcils, essayant de comprendre, même si je le sais déjà.

Ce que je ne comprends pas, c'est le pourquoi. L'humain n'est pas la chose que j'arrive à comprendre, c'est la seule chose qui m'échappe totalement en ce monde. Je ne sais pas, ne saurais jamais. Je regarde la douce et minuscule plume et la caresse du pouce. Je ferme mon cercueil grisé et range ce précieux petit bout d'être entre deux pages d'un manuel de chimie.

Je me demande alors si c'est l'humain qui est incompris ou bien qui se veut incompris...

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