Les secrets

-C'est quoi le journal que tu as tout le temps sur toi ?

Lucien se crispe à mes paroles. Son précieux secret est découvert, je soupçonne ce cahier d'être son journal intime...

Je me demande ce qu'il y met dedans, s'il l'a déjà montré à quelqu'un, s'il parle de moi...

-Je... C'est... Tu. il secoue la tête et regarde le haut de l'arbre, perdu dans ses pensées, voulant certainement s'échapper par le ciel.

Moi aussi j'aimerais m'échapper, mais j'ai compris depuis longtemps que ça n'est pas possible.

Je plisse les yeux, regardant attentivement son visage se colorer, ses yeux se voiler et se protéger du monde réel.

Je bouge légèrement pour le faire revenir à cet instant présent, sans jugement ni méchanceté. Juste avec des vérités de la vie.

Ses yeux brillant de son vert émeraude se posent doucement sur moi, comme au ralenti.

-Si tu me montres ce journal... Je te montre quelque chose de similaire aussi.

-N... Non ! il secoue à nouveau la tête et remonte ses lunettes, le regard prit de panique et gêné.

-D'accord. je hausse les épaules et fait venir mon sac fuchsia vers moi. Quand tu seras prêt alors.

J'ouvre mon sac et ma main y disparait, comme dans un mauvais tour de magie.

-Qu'est ce... Qu'est ce que tu fais ?

Je lève un instant la tête vers lui et lui réponds :

-Je cherche mon secret.

-Pourquoi ?

-Parce que tu es mon ami.

Cette phrase semble le chambouler et déclencher d'incroyables réflexions dans sa tête. Je pourrais presque entendre les rouages de son cerveau s'agiter au rythme effréné de son cœur.

Je sors enfin un cahier blanc. Blanc crème comme les glaces à la vanille, peut-être plus proche de la couleur de la peau.

Blanc, beige. C'est le blanc de la neige, c'est le beige de l'humanité.

Sans un mot, je le tends à mon ami. Il ne le voit certainement pas mais mon coeur bat comme une course de cheveux lancée à vive allure. Je livre mon secret aux mains de mon seul ami...

Lucien le prend délicatement comme s'il s'agissait de la chose la plus fragile du monde.

-C'est juste... Un cahier. je dis tout bat comme ne voulant pas déranger cet instant.

-C'est ce qu'il restera de toi quand toi tu ne resteras plus.

Il l'ouvre et par la même occasion, découvre mon passé et ma vie.

Il me regarde, les yeux écarquillés comme un enfant ébahit par son nouveau jouet.

-C'est... commence-t-il.

-Il n'y a que des photos. je tiens à l'informer.

Je m'assois à côté de lui, pour essayer de voir ce qu'il voit. Mais qui sait ce que sa tête, ou même la mienne, pense vraiment ?

Il pose sa main sur une photo de famille prise avant que tout chavire.

-Tu as l'air... il ne finit pas sa phrase. Et ton père...

-Oui, il a meilleure allure que maintenant. Sur cette photo, c'était mon père, maintenant, c'est un étranger.

Il tourne sa tête vers moi, de près ses yeux sont plus vert que le vert lui même et plus pure et triste qu'un ciel gris. Je cligne des yeux un instant, éblouie par son regard qui me plonge dans des jardins sans fin qui ne connaissent pas de limite à la profondeur. 

Puis il tourne la page et son regard avec. Il y a un gros plan de ma mère, souriante, puis des plus petits.

-Je connais ces photos par cœur, je les ai regardé tant de fois ! je souffle, le coeur embaumé et anesthésié.

Le silence s'empare de moi et me replonge dans mes souvenirs, dans mes douleurs mais surtout dans mes moments de joie. Cette joie qui fait encore battre mon coeur et me fait rêver d'une paix sans concession.

-Ta mère. Elle te ressemble.

Il tourne la page et, se fige comme un oiseau prit en chasse.

-Elle est là... C'est...

Il la prend dans sa main, ne cherchant plus de mot.

La plume contraste avec sa pâleur.

-Je voulais l'avoir le plus souvent possible sur moi. je l'informe en gigotant un peu.

-Mais...

-Pourquoi ? je l'interroge, il hoche la tête. Je ne sais pas, tu étais la première personne à essayer vraiment d'attirer mon attention.

-Ça a marché ? ose-t-il demander en reposant la plume a l'exact endroit où elle se trouvait.

-Je crois que...

Soudain, Rêve, le jeune chaton espiègle saute sur la plume et renverse des mains de Lucien le cahier.

Je pousse un petit cri de surprise et bascule en arrière. J'ai le temps d'apercevoir un sourire apparaître sur le visage de Lucien avant que ma tête ne touche l'herbe.

Il attrape la plume pleine de nuit et fait jouer le chaton. Je me redresse et m'époussette en ne quittant pas des yeux Rêve et Lucien.

Le jeune chat orangé saute sur la plume ébène et avec ses pattes tente de la capturer pour la mâchouiller, mais cette plume est douée de vie. Rêve a beau essayer de l'attraper, elle lui échappe toujours et ne lui laisse aucun répit !

C'est un des moments les plus doux et rassurants qu'il m'est arrivé d'avoir. Le poids que mon ventre retenait depuis des années se relâche légèrement, mais même cette petite légèreté me fait retrouver le sourire. Le poids était si grand que même les sourires se transformaient en grimaces. Plus maintenant.

C'est un vrai sourire, pas celui inventé de toute pièce que l'on se peint à la va vite sur son visage pour cacher ses blessure, un vrai sourire. Celui que l'on utilise quand le monde devient à nouveau beau. Il m'est encore étrange de l'utiliser...

Je ferme les yeux et laisse le petit soleil brûler ma peau. J'inspire par la bouche parceque mon nez est bouché et devenu inutile. Il me rappelle le magnifique moment d'hier soir.

Et je souris.

Un vrai sourire.

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