18- Pinocchio et compagnie



La Passeuse souleva les paupières au son de sa porte qui s'ouvre. La voix de César s'éleva :

« Nokomis, ton père est rentré il y a une heure. J'ai préparé à manger pour que nous puissions tous nous retrouver autour d'un repas avant de partir. »

La jeune fille répondit par un grognement et sortit de son lit comme une limace. Comme elle ne savait pas s'il faisait froid chez le magicien Herrera, elle opta pour une tenue confortable, en plusieurs couches.

Lorsqu'elle entra dans la cuisine, elle croisa brièvement le regard de son père qui se focalisa sur son assiette. Nokomis pinça les lèvres, elle se disputait très rarement avec son père et aucun des deux ne savait comment désamorcer la gênante situation. Mais comme elle était toujours énervée, elle n'avait pas envie de lui parler plus que ça.

Elle se contenta de sourire à Néfertari qui observait la scène comme un chat épie sa proie.

La jeune fille prit place à table, à côté de César et marmonna un bon appétit.

Malgré l'heure très tardive, elle dégusta chaque bouchée des boulettes épicées et du son sauté de légumes. Quand les périodes de missions de maître Khin et d'Edgar battaient leur plein, César et elle, n'hésitaient pas à manger à des heures indues pour écouter leurs récits.

« Bon, commença Néfertari en poussant son assiette vide, d'abord, merci, César, pour ce délicieux repas. Mais il serait temps que vous vous mettiez en quête du miroir. Je vous rappelle les troubles de notre rencontre ! J'ignore si le voleur n'en avait uniquement qu'après la coiffe, mais sait-on jamais.

— C'est vrai, enchaîna Edgar, les vols de collections entre magiciens et sorciers sont assez fréquents. S'il en a envers les objets des dieux aztèques, la collection d'Herrera sera un arrêt obligatoire. Le temps joue peut-être contre nous.

— Il habite où ? questionna Nokomis.

— Pais Vasco.

— Vu l'heure, commenta Nokomis, la matinée doit commencer là-bas. Comment savoir s'il se trouve chez lui ? Nous ne sommes pas équipés pour lutter contre un sorcier.

— Je suppose que nous allons devoir demander un service à Elizabeth... »

Nokomis souleva un sourcil en voyant Néfertari lever les yeux au ciel. L'Égyptienne n'avait pas tiqué à la première mention de leur amie, mais demander son aide ne semblait pas la ravir. Ce qui était compréhensible, Elizabeth était crainte par tous.

« Je vais l'appeler, dit Edgar en sortant de la pièce.

— Vous connaissez bien Elizabeth ? questionna Nokomis avec innocence. »

Néfertari posa un regard amusé sur la Passeuse

« Tout le monde connait Elizabeth. »

Nokomis fit la moue, ça ne l'avançait pas plus que ça pour percer le mystère Néfertari.

Quelques instants plus tard, Edgar refit apparition.

« Problème réglé, la maison devrait être inoccupée d'ici une heure !

— Et on fait comment pour la sécurité ? s'alarma la Passeuse. Il ne va pas laisser sa maison sans protection !

— La montre te fera passer, rassura César. Elle est alimentée de magie divine, aucune magie humaine n'est assez forte pour la contrecarrer. »

Elle hocha la tête, il était vrai que la magie provenant des dieux, des esprits et créatures était bien plus puissante que celle venant des humains. L'une des raisons pour laquelle le Manoir se trouvait presque inviolable. Elle ne savait d'ailleurs pas exactement d'où venait la magie qui tenait le Manoir en place, mais elle était puissante.

« Espérons jusque qu'il n'y ait que les entrées qui soient sécurisées, et pas chaque pièce, marmonna l'ojibwée.

— Ne t'inquiète pas, j'ai quelques sorts de protection en réserve pour vous, rassura César. »

Elle grimaça tout de même, cambrioler la maison d'un sorcier ne l'inspirait guère.

« Prête Nokomis ? demanda Edgar d'un ton distant. »

L'ojibwée se contenta d'hocher la tête et de rentrer les coordonnées que César lui montrait.

« Vous devriez arriver dans l'entrée si mes informations sont correctes. »

Nokomis se mordit la joue, elle craignait toujours que la montre ne l'envoie paître dans un mur. Maître Khin la rassurait toujours quant à son sort et celui d'Edgar, la montre n'envoyait jamais les Passeurs vers une mort certaine, mais malgré tout, la jeune fille craignait toujours un dysfonctionnement.

Elle appuya sur le bouton.

Tout était noir autour d'elle.

« Papa ?

— Je suis là, murmura Edgar en fouillant dans son sac. Je cherche la lampe. »

Le faisceau de lumière fit grimacer la brune qui balaya de son regard le mur à la recherche du bouton pour la lumière. Elle actionna l'interrupteur et la lumière fut.

« Eh bah ça alors ! s'exclama Nokomis. »

Dans le long couloir carrelé de blanc, cerné de mur de marqueterie clair et fantaisie, une longue série de vitrines s'étalait comme sans fin.

« Sacrée collection, concéda Edgar, et encore, ce n'est que le couloir d'entrée... »

Le père et la fille commencèrent leur inspection avec attention.

« Eh ! Mais c'est la lampe d'El Harba, s'extasia Edgar.

— Pas le moment pa', on se concentre sur le miroir ! le gronda Nokomis. Si on vole toute sa collection, il ne va pas mettre beaucoup de temps à comprendre que c'est nous, et on va se prendre un sorcier en colère. Je n'ai pas envie de finir en crapaud. »

Pour toute réponse Edgar marmonna. Mais sa mauvaise humeur s'envola vite en posant ses yeux sur les autres merveilles.

« On pourra revenir faire un petit tour plus tard... »

Nokomis le toisa et croisa les bras.

« Pas marrante, Noko. »

Elle leva un sourcil et esquissa un sourire. La tension entre eux venait de redescendre ! Elle se garda de souffler de soulagement.

« On va devoir se séparer, je pense. Il y a deux portes là, et j'en vois deux autres plus loin. On fait quoi ?

— Prends celles de gauche, je prends celles de droite. Tiens, prends ma deuxième lampe, si jamais tu tombes sur la cave... »

Nokomis pinça les lèvres, elle ne voulait pas du tout tomber sur sa cave. Elle saisit la lampe, poussa la porte et alluma la lumière.

« Cuisine, conclut-elle.

— Salle à manger, fit la voix étouffée d'Edgar. »

Ils se dirigèrent vers les suivantes et se séparèrent.

« Ah ! J'ai trouvé sa bibliothèque, il y a des objets et des vitrines, je vais voir. »

Elle ferma la porte derrière elle et constata une autre porte à sa droite. La spacieuse pièce s'organisait autour d'un long canapé et de fauteuils capitonnés de rouge, disposés autour d'une table basse en verre surmontée d'un lustre de cristal. Une fenêtre aux volets fermés aérait l'espace des murs, entièrement recouverts de bibliothèque et de vitrines. À la gauche s'encastrait une cheminée surmontée d'un miroir.

Elle s'avança doucement vers la cheminée, tout en regardant autour d'elle.

« Tiens, il a oublié de te ranger toi. »

Elle fixa un instant le mannequin nu qui se tenait devant une bibliothèque.

« Et il a oublié de te donner des vêtements. »

Elle laissa le mannequin derrière elle, et s'avança jusqu'au miroir.

« Nan, pas fumé, marmonna-t-elle. Pas celui de Tez... »

Nokomis se figea, son cœur semblait glacé à l'instant présent, et un long frisson la parcourut. Elle inspira profondément, et expira. Elle se retourna très lentement.

Une goutte de sueur perla sur son front, le mannequin n'était plus là.

« Calme, calme, clame. »

Elle serra nerveusement la lampe entre ses doigts et ses articulations craquèrent.

La Passeuse balaya la pièce du regard, la porte du couloir était ouverte. Elle se dirigea vers elle. Les lumières s'éteignirent.

Nokomis poussa un cri de surprise et de peur quand elle sentit quelque chose de froid et de rigide lui agripper le poignet et l'envoyer valdinguer contre une vitrine dans le couloir.

Elle grinça des dents à la douleur de l'impact, mais se ressaisit rapidement. Elle alluma sa lampe de torche et se précipita dans la bibliothèque. La porte de droite était entrouverte.

Elle pénétra dans la pièce et la balaya de sa lampe. Un bureau, des tapis, des fauteuils. Pas de traces du mannequin. Elle avança puis se stoppa. La Passeuse se crispa, elle avait un mauvais pressentiment. Rien devant elle, mais...

L'ojibwée se retourna soudainement. Le regard vide du mannequin à quelques centimètres de son visage. Elle fit un bond en arrière et trébucha. Alors qu'elle perdait l'équilibre, le mannequin piqua un sprint d'une démarche raide vers le fond de la pièce. Une porte s'ouvrit brutalement. Nokomis retrouva son équilibre et prit sa suite le cœur battant et les yeux exorbités.

Elle déboucha de nouveau dans le couloir. Dans le faisceau de la lampe, elle repéra la forme humanoïde rentrer dans le sol. Elle précipita et constata la présence d'une trappe. Elle se glissa dedans et dévala les marches à toute vitesse.

« Saperlipopette ! ragea-t-elle. »

Elle n'était pas seulement dans la cave du mage, mais dans son entrepôt. À la lumière de sa lampe se dessinaient les dédales sans fin de multiples rangées d'objets entrecoupés de poutres.

Elle ferma la trappe au-dessus d'elle et s'aventura entre les rangées.

Il n'y avait pas un bruit. La lueur de sa lampe ne semblait pouvoir percer les étagères d'objets qui l'encerclaient.

Soudain, elle sursauta. Un bruit précipité se faisait entendre à sa gauche. Elle courut vers le bout de la rangée, mais elle trébucha sur quelque chose.

Les avant-bras douloureux, elle chercha de sa lueur l'objet de sa chute.

Elle retint un cri de peur en voyant la forme de deux marionnettes ranger les fils qui l'avaient fait tombe. Elle se leva, mais les petites créatures de bois disparurent sous les rangées.

Nokomis capta le bruit des pas précipités et décida de le suivre. La respiration haletante et l'esprit dans la brume, elle ne comprenait rien à ce qui se passait.

Les bruits de pas s'éloignèrent. Elle continua d'avancer, et les réentendit, cette fois plus lents et qui se rapprochaient.

Elle étouffa la lumière dans sa main et calma sa respiration. Ils provenaient de la rangée de droite. Elle avança à pas de loup et éteignit sa lampe. Elle suivit la rangée de sa main, et se mit à couvert au bout, prête à assommer l'intrus.

Elle sauta dans l'allée en brandissant sa torche comme une arme.

« Nokomis ? Mais qu'est-ce que tu fais ? »

Les yeux exorbités et la mine figée de sa fille ne lui inspiraient guère confiance.

« Nous ne sommes pas seuls, papa. »

Edgar racla sa gorge et remit ses lunettes.

« Soit, mais encore.

— Il y a quelque chose d'autre. »

Le Passeure se raidit.

« Quelque chose ? »

Edgar déglutit en tendant sa torche au-dessus de l'épaule de Nokomis.

« Par quelque chose, commença-t-il d'une voix rigide, tu veux dire un mannequin ?

— Oui ! »

Edgar donna un petit coup de menton à l'intention de sa fille.

Elle se retourna et distingua la forme qui les fixait sans bouger.

« Il a le miroir ! hurla-t-elle. »

D'un seul mouvement, le père et la fille s'élancèrent. Le mannequin ne se fit pas prier, il décampa dans les allées à son tour.

Nokomis alluma nerveusement sa lampe tout en prenant garde où elle mettait les pieds. Tandis qu'elle distançait son père, elle lui hurla :

« Fais attention, il n'est pas seul ! Il y a des marionnettes avec lui !

— Des quoi ? fit Edgar le souffle court.

— Des marionnettes !

— Des mario.... Aah ! »

Le pied d'Edgar lui fit soudainement faut bond. Surpris par sa chute, il laisse choir sa lampe devant lui, et prit le sol de plein fouet. Il porta la main à sa cheville et remarqua qu'elle était emmêlée dans des fils.

Des petits bruits se firent entendre autour de lui, et dans la lueur de la lampe tombée, il distingua sous les étagères les formes articulées des marionnettes.

Nokomis se focalisait sur la figure du mannequin. Alors qu'il arrivait au croisement des allées, une forme se jeta sur ses jambes et le faucha. Le miroir fut propulsé en l'air, et la Passeuse le voyait déjà se briser sur le sol. Mais une brume turquoise l'engloba.

Les lumières se rallumèrent. L'ojibwée continua d'avancer en grimaçant devant l'intensité lumineuse. Lorsqu'elle put rouvrir les yeux, elle lâcha et sa lampe et un cri de stupéfaction.

« Moira ?! »

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Hey !

J'espère que le chapitre vous a plu. :) Est-ce que vous aimez l'idée des marionnettes et du mannequin qui bougent ? Moi j'adore ! ^_^'

Surpris de voir Moira ici ? Attendez de lire l'explication ;)

N'hésitez pas à laisser un petit commentaire et/ou une petite étoile, si le chapitre vous a plu, c'est toujours encourageant !

Merci de votre lecture jusqu'ici !!! :D


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