1 - À l'aventure


L'adolescente sauta d'un pied agile sur le bitume, agrippant de ses fines mains ses rouleaux de tissu. Elle fit rapidement un pas en avant, laissant le courant d'air chaud du tramway s'engouffrer sous l'étoffe azurée de sa jupe lorsqu'il accéléra.

La jeune femme ne s'attarda pas et s'empressa de rejoindre le trottoir et les quelques badauds qui déambulaient. Elle regarda avec désespoir la montée qui l'attendait et maugréa contre le tramway qui n'allait pas jusque dans sa rue. En même temps, elle vivait dans une impasse.

Sifflotant des notes nébuleuses, la jeune femme balançait la tête, faisant défiler les devantures colorées et abîmées des maisons qui la cernaient. Elle pouvait distinguer ici et là, l'intérieur des habitations au travers des fenêtres brumeuses.

Son pas la mena devant une haute bâtisse à la façade jaune canari. Elle était élevée sur trois étages dont le dernier encastré dans un fronton, se laissait distinguer uniquement par une lucarne solitaire. Perché en hauteur d'un escalier raide bordé par une main courante en bois, le premier niveau se composait d'une devanture faite de trois arcatures en plein cintre, abritant sous un porche la porte d'entrée et une fenêtre saillante. Le deuxième niveau comportait lui trois fenêtres dont les vitres fumées étaient bordées de volets sobres et jaunes.

Elle monta à toute vitesse les degrés gris, craignant la chute de ses affaires.

La jeune femme fouilla dans son sac tissé main qui lui battait habituellement le flanc droit. Elle saisit enfin ses clefs et les porta à la serrure. Elle grommela lorsque la clef ripa contre la fente, et essaya une seconde fois et réussi à ouvrir la porte, puis pénétra dans sa demeure.

Elle tâtonna un instant pour trouver l'interrupteur sans faire s'écrouler les tissus. Une fois la lumière venue elle referma la porte derrière elle tout en pestant contre l'étroitesse de l'endroit, ses cylindres d'étoffe s'entrechoquaient et lui heurtaient le visage. Elle ôta ses chaussures et les poussa de la pointe du pied vers leur rangement.

Elle fit les quelques pas qui la séparaient de la seconde porte devant elle et la franchit.

Arrivée dans la large pièce peu éclairée qui servait de véritable entrée à la maison, une sensation douce lui prit le mollet. Elle baissa son regard pour fixer la boule de poils noirs qui se frottait à elle.

« Et coucou toi ! Comment il va mon Platon ? Comment il va ? »

La jeune femme se pencha pour effleurer le poil soyeux du dénommé Platon, mais emportés par le mouvement de son corps, les tissus lui échappèrent, percutant le sol et effrayant le chat noir qui hérissa son poil.

« Saperlipopette ! Les chats me perdront ! »

La jeune femme se baissa pour ramasser ses tissus. Lorsque sans crier gare, deux pieds entrèrent dans son champ de vision. Elle se releva brusquement le cœur battant devant cette apparition soudaine.

Deux yeux blancs et vitreux lui faisaient face.

« César ! Tu m'as fait peur ! s'écria la jeune femme. »

Elle détailla le visage de César qui ne montrait absolument aucun signe d'excuse ou d'inquiétude, mais qui abordait toujours la mine sévère que lui conféraient ses traits durs et acérés. Ses yeux blancs détonnaient sur sa peau ébène, et ils restaient immobiles, fixés sur la jeune femme.

Il rompit enfin son silence.

« Edgar t'attend dans le salon. Laisse-moi tes tissus, je vais les porter dans ton bureau. Il doit te dire une chose importante. »

Elle écarquilla les yeux, intriguée. César lui saisit brusquement des mains ses affaires, et disparut dans l'escalier en colimaçon à la gauche du vestibule. La lumière s'alluma d'un coup, éblouissant la jeune femme et elle entendit la voix de César au loin.

« Si cela peut t'être utile ! »

La jeune femme secoua la tête et décida de se bouger un peu. Elle éteignit la lumière du vestibule et ferma l'entrée avant de s'élancer dans le large et long couloir qui se cachait derrière la porte, de l'autre côté de la pièce.

Elle arriva vite à une porte assez large pour laisser passer cinq personnes. Elle l'entrebâilla et distingua une faible lueur. Elle entra complètement.

Dans la vaste pièce plongée dans la pénombre, elle discerna une silhouette sur le canapé, lui faisant face.

Seul un pantalon était parfaitement visible, et une chemise blanche marquait le tronc de la personne assise, à demi cachée dans l'obscurité. Étalée de tout son long sur les jambes, la silhouette d'un chat blanc se faisait agréablement caresser. Une voix forte retentit alors.

« Entre Nokomis, je dois te parler. »

Elle plissa les yeux. Mais qu'est-ce qu'il faisait ? Elle actionna d'un air blasé l'interrupteur et éclaira de ce fait toute la pièce.

« He, mes yeux ! Ça fait mal poussin ! »

La silhouette, clairement identifiable comme étant un homme, gesticulait un peu, se frottant les paupières d'un air agacé.

« Ça t'apprendra à vouloir te la jouer méchant de film d'espionnage, répliqua Nokomis avec un sourire narquois au coin des lèvres.

— Méchante !

— Boude de pas, pa' ! »

Nokomis s'approcha de la figure rousse et débonnaire de son père et lui claqua un gros baiser sur la joue et en profita pour faire de même sur Sappho, le chat blanc. Appuyée sur son père, et ne masquant ni sa curiosité, ni son anxiété elle demanda :

« Alors ? Tu voulais me dire quoi ?

— César m'a trouvé un cas, et j'aimerais que tu viennes avec moi. C'est un test bien sûr... »

Le visage de Nokomis s'éclaira d'un grand sourire, elle leva haut les bras en signe de victoire et retint un cri d'entrain devant la mine inquiète de son père.

« On part quand ? On part où ? C'est quoi ?

— Maintenant. En Angleterre. Récupérer un livre magique.

Sa fille poussa un grand cri de joie et se leva précipitamment.

« Je dois aller mettre un pantalon ! Je reviens !

— D'accord. On se retrouve à l'Atel... Et elle est partie... Bon. »

La jeune fille avait déguerpi à toute vitesse avant que son père ne puisse achever sa phrase. Elle fila dans le couloir en direction de l'escalier qu'elle gravit à grandes enjambées.

Elle entra avec fracas dans sa chambre réveillant Newton et Olympe les deux autres chats qui dormaient sur son lit. Elle se précipita vers son armoire et en sortit rapidement une salopette bleue et un tee-shirt épais blanc.

Une fois vêtue elle détala dans le sens inverse, serrant avec anxiété son sac. De nouveau dans le couloir, un peu avant le salon, elle toqua à une porte. La voix rauque de César lui répondit :

« Entre Nokomis. »

La jeune femme actionna la poignée et pénétra dans l'Atelier.

Toutes ses supplications et ses pulls tricotés avec marqués dessus -S'il te plait, emmène-moi papa ! - avaient fini par marcher. Elle jubilait de sa victoire tricotée sur son père, et remerciait les monceaux de pelotes qu'elle avait usés. Pour leur sacrifice de laine, et se jura d'embrasser le premier mouton croisé.

Piétinant de bonheur le parquet, elle ne prêtait même pas attention à son environnement pourtant étonnant. Laissant de côté les innombrables écrits, objets étranges et étagères remplies de cartes, elle essayait de se concentrer sur la map-monde qui trônait au centre de la pièce et sur la carte détaillée de l'Angleterre à côté.

Sur le plan principal, il était posé un pion sur l'Angleterre avec un post-it marqué de coordonnées. Sur la carte détaillée, un autre pion était posé à un endroit précis, avec un post-it marqué d'une adresse.

Edgar la regardait d'un œil attendri et anxieux à la fois. Il espérait que les informations recueillies par César étaient correctes... Le raclement de gorge de ce dernier le ramena à la réalité. Edgar s'avança vers une commode ancienne et en sortit une large montre qu'il tendit à sa fille.

Nokomis réprima un cri de joie en voyant la montre, semblable à celle que portait son père à son poignet droit.

Cherchant à cacher un maximum les tremblements qui la tenaillaient, elle saisit l'objet, et hésita à quel poignet le mettre. Finalement, elle opta pour le gauche et frissonna au contact étrange de l'objet. Une fois accrochée, elle regarda avec délectation son nouvel appareil. Le cadran d'acier ceint de cinq boutons était porté par un bracelet de cuir.

« Laisse-moi t'expliquer comment elle fonctionne, déclara son père. »

Edgar se plaça près d'elle.

« Là, et bien... tu as l'heure. Ça peut toujours être utile... Et là, si tu tournes ça, voilà, comme ça, tu as les longitudes et les latitudes. Ensuite, tu tournes ces deux poussoirs et hop ! Tu choisis les coordonnées spatiales. Ce bouton-là est pour saisir les coordonnées directes du Manoir. Et celui-là, c'est le bouton du top ! »

Nokomis regarda avec émerveillement le bouton s'actionner, et faire glisser l'image dans le cadran pour laisser place aux lignes de longitude et de latitude. Des chiffres apparurent sur le cadran en acier, c'était leurs coordonnées actuelles. Nokomis tourna doucement l'un des boutons et le chiffre changea.

« Génial ! »

Elle braqua les yeux sur le post-it et entra le référentiel indiqué. La jeune fille regarda avec impatience son père qui enfila un sac à dos, puis rentra à son tour les coordonnées.

Dans un grand sourire, il décompta :

« Un, deux, trois. »

Et, dans un double clic synchronisé, tous deux disparurent.

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Hey !!

J'espère que ce premier chapitre vous a plu ! Et que la différence de ton avec le prologue ne vous a pas trop dérangé.

Vous venez donc d'apercevoir Nokomis, son papa Edgar et le très mutin César. Et les quatre chats... Dites-moi celui, ou celle qui vous a fait la meilleure impression !

Perso, j'adore Noko ! Et aussi Edgar, et aussi César (car je sais des choses que vous ignorez....). En somme je les aime tous...

N'hésitez pas à laisser un petit commentaire et/ou une petite étoile, si le chapitre vous a plu, c'est toujours encourageant !

Merci de votre lecture !! :D

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