Chapitre Huitième

Comme tous les ans, Laura avait fêté Noël à La Haye. Chez sa mère. Sans son père. Cette année, le 25 tombait un mercredi. Elle avait réussi à avoir son vendredi pour avoir toute sa semaine de libre. Alors, elle avait profité de ces quelques jours à se faire chouchouter par sa mère, à passer du temps avec elle. Et puis elle avait fini par rentrer, parce qu'il fallait bien rentrer un jour et parce que même si Laura aimait sa mère, elle ne pouvait pas la supporter pendant trop longtemps en partageant autant d'espace commun.

Mais qui dit 25 décembre, dit, indéniablement 31 décembre quelques jours plus tard. Et pour Laura, ce 31 approchait beaucoup trop vite. Elle avait été invitée à le fêter à la Péniche. Mais elle avait refusé presque tout aussitôt parce que franchement, elle était persuadée qu'elle trouverait mieux à faire que de fêter le 31 avec des bébés. Parce que clairement, ce qu'on lui proposait, c'était un 31 pour parents de jeunes enfants. Et sauf erreur de sa part, Laura n'était pas parent de jeunes enfants. À la Péniche, il y aurait Jan et Alice avec Thalia, dix mois. Il y aurait Marja et Tomas avec Jacob, un an à peine. Il y aurait Erda et Peter avec Stanislas, deux ans et demi. Et puis bien sûr, il y aurait Rika et Louis avec Barbara, trois ans et demi. Formidable. Elle pouvait trouver mieux. Elle en était sûre.

Alors elle avait appelé Romy. Parce que Romy et Oscar étaient sans enfant. Ils étaient donc un parfait plan de repli pour Laura. Et elle avait eu raison, car effectivement, Romy lui avait proposé de les accompagner chez des amis avec eux. C'était une soirée où ils seraient une cinquantaine, une de plus ou une de moins, la différence ne serait pas grandement visible... Romy s'était tout de même assurée auprès des hôtes si cela ne posait aucun problème, mais ça n'avait été qu'une formalité.

Voilà comment Laura se retrouva assise sur le canapé à regarder tout le monde parler avec tout le monde, sans que personne ne vienne vraiment lui parler. C'est vers minuit deux, à peu près, que quelqu'un était venu s'asseoir à côté d'elle. Laura l'avait déjà remarqué celui-là. C'était celui dont Romy lui avait parlé sur le chemin aller. Enfin, plus précisément, elle lui avait parlé d'un petit anglais célibataire qui était parfaitement dans ses goûts. Quand elle lui avait raconté ça, Laura avait vu Oscar sourire dans le rétroviseur.

En tout cas, le petit Anglais n'était pas vraiment le genre de mec sur lequel elle aurait pu se retourner dans la rue. Mais ce mec dégageait un truc assez intriguant. Ce petit truc qui la faisait dire qu'il était à ranger dans la catégorie des mecs séduisants.

« Hi ! »

Super. Il commençait en anglais...

« Hi ! Tu vas bien ?

— Ouais... Enfin... Toutes les conversations me fatiguent un peu. Je crois que ça ne fait pas assez longtemps que je maîtrise le hollandais. »

Laura acquiesça de la tête en portant son verre d'alcool à sa bouche.

« Et comme t'avais l'air toute seule, je me suis dit que j'allais te tenir compagnie. Ça te dérange ?

— Pas du tout.

— Super ! Je... Je m'appelle Sebastian.

— Laura.

— Nice to meet you. Laura. »

L'accent se rajoutait à son petit « truc en plus. ». Elle prenait plaisir à l'entendre parler ; quand il lui racontait sa vie à Londres, son boulot de traducteur, ses amis, sa passion pour le football et le club de Chelsea et plein d'autres sujets. ... Okay. Elle avait un peu décroché après l'historique des entraîneurs du club de Chelsea, elle n'écoutait pas réellement. Elle était arrivée au stade où tout ce qu'elle arrivait à se dire, c'était que ce mec pourrait très facilement être son premier coup de cette nouvelle année.

« Tu veux bien m'excuser, deux minutes ? Je reviens tout de suite.

— Ouais, pas de soucis. Tu veux que j'aille te prendre un truc à boire en t'attendant ?

— Une bière ?

— Je vais te chercher ça. »

Laura le remercia d'un sourire et partie vers la chambre où avait été stocké tous les sacs et manteaux des convives. Elle localisa facilement sa pochette et s'éclipsa dans la salle de bain. Elle ajusta son maquillage en deux coups de pinceau. Puis elle sortit de la salle de bain, Sebastian était juste derrière la porte.

« Je t'ai pris une bière.

— Merci.

— J'ai pas vraiment envie de boire, avoua-t-il en lui tendant tout de même une bouteille en verre.

— Ah ouais ?

— Ouais.

— Qu'est-ce que tu as de mieux à me proposer ?

— J'ai une chambre dans un hôtel à cinq minutes d'ici, sous-entendit-il. »

Laura sourit face à la proposition. C'était pas trop direct, il y avait un petit côté de charme à l'anglaise. Elle ne dit pas non. À la place, elle posa la bouteille sur la console qui était dans le couloir et embrassa Sebastian.

« Je prends mon manteau et je préviens mes amis qu'ils ne m'attendent pas.

— I'll wait for you. »

Laura attrapa son manteau sur la pile montée sur le lit puis partit à la recherche de Romy ou Oscar dans la pièce. Elle trouva son amie assise sur un tabouret haut sur la terrasse, où régnait l'odeur de fumée de cigarette.

« Romy ?

— Oui ?

— Je... J'y vais.

— T'es fatiguée ? On peut rentrer si tu veux...

— Non, non. C'est bon. Euh... Seb... Me ramène.

— Ah oui. Je vois.

— J'y vais du coup. Merci ma Romy, dit-elle en collant un baiser sur la joue de son amie. Et... Tu veux une clope ? T'en as plus ?

— Si, si. C'est juste que... J'essaye de ralentir un peu là-dessus. T'inquiètes pas.

— D'acc.

— Bisous ma Laura. T'appelles si besoin. »

Laura lui fit oui de la tête avant de partir rejoindre Sebastian qui l'attendait près de la porte d'entrée.

X+X+X+X+X

Laura était réveillée depuis vingt minutes, nue, dans le lit de la chambre d'hôtel de Sebastian. Le temps passait à une vitesse si lente qu'elle aurait facilement dit qu'on était déjà en octobre. Lui, il dormait toujours juste à côté d'elle. Il dormait bien. Très bien même.

Laura avait laissé son téléphone traîner sur la moquette de la chambre. Elle vit son écran s'illuminer de loin, et cela lui donna une bonne raison pour soulever la couette et aller voir de qui il s'agissait. En sortant du lit, il ne se réveilla même pas.

Il était neuf heures du matin, et elle avait des dizaines de messages toujours avec le classique « bonne année » des personnes dont les numéros n'étaient même pas associés à un nom ou un prénom. Il y avait aussi un message de chacun de ses amis. Et puis il y avait un message de Harry. Celui qui venait d'illuminer son écran.

De HARRY:
Je te souhaite une bonne année Laura. Je te souhaite 365 jours remplis de surprise, de rêves à réaliser et de bonheur.

De LAURA:
Bonne année Harry, même si j'espère qu'on pourra se revoir pour pouvoir se dire ça en face à face. ;)

De HARRY:
Déjà réveillée ?

De LAURA:
Pas une très bonne nuit...

De HARRY:
Je suis à Amsterdam chez mes parents en ce moment, est-ce que tu veux que je t'aide à décuver autour d'un café bien corsé en ville ?

Laura jeta un regard à Sebastian qui dormait toujours dans son lit, puis relu le message de Harry. Peut-être qu'elle pourrait recommencer l'année du bon pied.

De LAURA:

Café Winkel au croisement de Westerstraat et Boomstraat dans vingt minutes ?

De HARRY:
A tout de suite :)

Elle se mit à chercher sa robe noire, ses chaussures et sa pochette dans la chambre. Elle s'était habillée rapidement et, sans un bruit, elle était partie sans demander son reste. Cette nuit, il avait été le plus égoïste des deux, ce matin, c'était à elle d'être égoïste. Tant pis pour lui.