Chapitre 20

Chapitre Vingtième

Laura s'était dit que c'était un chouette anniversaire. Ils avaient mangé sur la terrasse. Magda avait fait des cannellonis et c'était super bon. Les enfants avaient été sages, aucun bisou magique n'avait été nécessaire pour soigner le moindre petit bobo. Et elle qui avait opté pour un joli débardeur à volant couleur saumon n'y avait pas fait une seule tâche.

Ce n'est que vers dix-sept heures que la table avait commencé à être débarrassée. Laura avait choisi de rester avec Magdalena avec un torchon dans les mains pour essuyer la vaisselle fraîchement lavée. Romy avait décidé de les accompagner, elle s'était assise sur un tabouret de l'îlot central et caressait distraitement son ventre bien rond maintenant.

« Et toi alors, Laura ? Ça a été ta semaine ? demanda Magda.

— Ouais... Pas mal. Ça sent la fin de l'année quoi... J'ai eu mon dernier cours de yoga jeudi.

— Oh..., fit Romy en se redressant sur sa chaise. Et alors ?

— Bah rien de spécial.

— Vous êtes allés chez lui ou chez toi ? préféra demander Magdalena.

— Chez lui. Me jugez pas...

— On te juge pas ! Laura ! C'est juste que...

— Que quoi ?! Que je gâche ma vie avec un homme marié ! C'est ça ?

— Pourquoi tout de suite, tu te braques ? On a rien dit...

— Mais je me braque pas ! C'est vous là avec vos questions ! »

Laura qui s'agitait avec de grand gestes, toujours le torchon dans les mains n'entendit pas Louis arriver derrière elle. Il posa ses mains sur ses épaules et commença ce qui semblait être une tentative de massage des épaules.

« Faut que tu te détendes Laura...

— Arrête. Tu me fais mal.

— T'es toute tendue.

— Putain ! Louis. Arrête.

— Okay... De quoi ça parlait ici ?

— De Nathan, résuma Magda.

— Non mais laisse le tomber lui. Il est nul.

— Mais t'as quel âge pour dire ça ?

— Je ne répondrais qu'en présence de mon avocat... Plus sérieusement Laura... Pourquoi tu ne préfères pas enfin répondre à un des messages que t'as laissé le danois ?

— Marié aussi je te rappelle.

— Il est pas marié ! répondirent d'une même voix Romy, Magda et Louis.

— Et ne discute pas, repris ce dernier. Il l'est pas. Et tu le sais aussi bien que nous. T'es juste beaucoup trop flippée de tomber amoureuse de lui pour le rappeler. T'as trouvé la première excuse qui passait par là pour le sortir de ta vie.

— Non.

— Si. Et tu le sais parce que si c'était pas le cas, t'aurais au minimum ouvert une des lettres qu'il t'a envoyées.

— Il t'a envoyé des lettres ? s'exclama Romy. Pourquoi tu les as pas lues ?

— Mais parce que.

— Le gars, il a tout essayé pour s'expliquer avec toi. S'il avait pu t'envoyer des signaux de fumée depuis Copenhague, il l'aurait fait. Et toi, t'es là avec ta peur débile de l'amour à lui fermer la porte au nez.

— Tu me saoules.

— C'est normal, c'est parce que j'ai raison, résuma Louis en haussant les épaules. D'ailleurs, j'ai toujours raison. »

En toute réponse, Laura se dégagea de l'étreinte de Louis et entreprit de reprendre son essuyage de la vaisselle. Magda, elle, se tourna vers Louis avec un regard quelque peu fatigué.

« Quoi ? demanda-t-il silencieusement. »

Elle secoua la tête et replongea ses mains dans l'eau bouillante de l'évier. Romy, toujours sur son tabouret se risqua d'une petite voix :

« De toute façon avec les répétitions du mariage, tu vas le revoir la semaine prochaine, non ? »

X+X+X+X+X

Harry avait débarqué de Copenhague le vendredi midi. Il avait déposé lui-même ses filles à l'école le matin pour des aurevoirs qu'il avait trouvé déchirants, mais qu'elles avaient eu l'air de bien vivre. Elles étaient parties en courant vers leurs copains d'école, après un bref « Bon week-end papa ! À mardi ! ». Quand il avait raconté ça à Roy, son beau-père, alors que la voiture le ramenait de Schiphol vers la maison où il avait grandi, le grand-père avait ri.

« T'as quelque chose de prévu cet après-midi, Harry ? Je vais à la pêche avec des amis, tu nous accompagnes ?

— J'ai eu une commande d'Ina. Je dois absolument lui ramener des hagelslag. Elle n'en a plus pour mettre sur ses tartines le matin. Ça a été le drame de la matinée. Et elle est persuadée que celles du supermarché de Copenhague n'ont pas le même goût que celles d'ici.

— Objectif courses donc.

— Ouais. Et puis je vais en profiter pour faire un tour en ville.

— Ta mère a prévu un dîner avec Chris et Diana ce soir.

— Oui. J'ai entendu parler de ça. Je serais à dix-huit heures à la maison, pas de soucis. »

En arrivant, Linda avait préparé un déjeuner pour son fils. Il avait mangé rapidement puis avait pris la direction du centre-ville en laissant à la maison le vélo de sa mère qui ne lui inspirait pas vraiment confiance. Il avait emprunté Lijnbaansgracht pour longer les canaux. Il avait ses habitudes à la patisserie Holtkamp quand il vivait encore ici. Il avait ensuite remonté Vijzelstraat sur presque toute sa hauteur et avait fini par arriver dans le vieux centre-ville. Il était passé de boutiques en boutiques, se promettant de ramener quelque chose aux filles. Il avait terminé sa course au marché aux fleurs. Il avait déambulé sans réel but entre tulipes, jonquilles et plantes vertes. Et entre tout ces pots remplis de terreau et d'eau, Harry n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à Laura. À chaque tournant, il repensait à cette conversation qu'ils avaient eu un soir de printemps.

Il se souvenait très bien de cette soirée. C'était le 1 mars dernier, un samedi soir. Maya dormait chez une copine et Ina, pour faire comme sa sœur, avait décrété qu'elle non plus elle ne dormirait pas à la maison. Elle avait demandé à Klaus, si elle pouvait dormir chez lui. Du coup, Harry s'était retrouvé seul avec son labrador qui l'avait abandonné pour aller dormir près du radiateur. Il avait fini par appeler Laura, parce qu'il s'ennuyait ferme et qu'il n'y avait rien à la télé. Elle lui avait répondu dès la première sonnerie. Quand elle était apparue sur son écran, il se souvenait surtout que ses cheveux étaient d'un joli rouge ce soir-là, elle avait dû refaire faire sa couleur peu de temps avant. Elle les avait relevés en queue-de-cheval lâche et il y avait plein de petites mèches qui déstructuraient cette tentative de coiffure. Il se souvenait aussi qu'elle avait un sweat-shirt rose pâle. C'était la première fois qu'il la voyait porter un sweat et il lui allait drôlement bien.

« Je te dérange pas ? lui avait-il demandé.

— Du tout. Je travaille sur un dossier, j'arrive pas à me décider sur les centres de tables que je vais proposer à mes clients, avait-elle soupiré. Ils me plaisent tous... »

Il lui avait proposé de l'aider et son visage s'était illuminé, il pouvait le jurer. C'est là qu'il avait aussi remarqué que pour une fois, Laura n'était pas maquillée. Elle avait dit que c'était une très bonne idée. Il avait dû attendre quelques minutes, qu'elle aille chercher ce qu'il fallait pour caler son téléphone. Une fois fait, Harry avait eu le droit à un défilé de tous les centres de tables possibles et inimaginables. Il n'avait même pas idée qu'il était possible d'avoir autant de choix. Lors de son mariage, ce n'était pas lui qui avait eu à gérer ce genre de détail. Mais ça... Ça, il ne l'avait pas dit à Laura ce soir-là. Il l'avait juste aidé à faire une sélection des quatre plus beaux. Ça leur avait pris deux bonnes heures ; et au bout de ces deux heures, Harry n'avait qu'un unique regret. Ou peut-être deux uniques regrets. Ne pas être avec Laura à Amsterdam parce qu'il aurait aimé s'endormir dans ses bras cette nuit-là. Et le deuxième, était de ne pas avoir trouvé le courage, ce soir-là de lui dire qu'il l'aimait. Il le savait depuis qu'ils avaient passé cette soirée avec ses amis. Elle avait eu l'air un peu fâchée en sortant et elle n'avait rien voulu lui dire sur le pourquoi de cette mine contrariée et il n'avait pas voulu la brusquer plus qu'elle ne l'était déjà. Ils avaient passé le week-end enfermé dans son appartement et Harry avait eu l'impression d'avoir de nouveau la vingtaine et de jouer à l'ado rebelle qui ne répond pas à sa mère quand elle lui envoie un message. Il avait aimé ce week-end et il avait aimé Laura.

Alors en déambulant dans les allées du marché aux fleurs, Harry ne pensait qu'à Laura et à ses deux regrets. S'il était trop tard pour le premier, il avait toujours la possibilité de ne plus avoir le second. Harry avait pris la direction de la sortie. Sur le chemin du retour, le long du canal, il avait trouvé un petit vendeur de carte postale et autres babioles pour touriste. Il avait acheté une carte postale. Il n'avait pas encore essayé la carte postale.

X+X+X+X+X

Le dîner d'Harry avec toute sa famille s'était bien passé. Chris et Diana avaient réussi l'exploit de parler de leur mariage et de la répétition qui aurait lieu le lendemain, sans prononcer une seule fois le prénom de Laura. Harry n'avait pas encore décidé s'il en était reconnaissant ou s'il trouvait cette situation extraordinairement gênante.

Chris et Diana étaient rentrés chez eux aux alentours de neuf heures. Ils s'étaient tous donné rendez-vous à dix heures le lendemain matin. Harry avait aidé à ranger la maison et était parti dans sa chambre. Il avait prétexté qu'il devait appeler ses filles avant qu'elles n'aillent au lit, ses parents n'avaient fait aucune réflexion. Mais Harry n'avait pas appelé ses filles, il les avait déjà eues au téléphone avant le dîner. Elle lui avait répondu avec du Nutella tout autour de la bouche en lui assurant que tout allait parfaitement bien, et il voulait bien les croire. Ce qui terminait de réduire à néant les espoirs qu'il avait qu'il allait atrocement manquer à ses filles. Harry ne s'était pas couché non plus. Non. Harry avait sorti la carte postale qu'il avait achetée à Laura et s'était installé derrière le petit bureau que sa mère avait mis dans la pièce. Et devant ce bout de carton, Harry tentait de trouver l'inspiration. Et clairement elle ne venait pas. Carton blanc.

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