Chapitre 2
Chapitre Deuxième
La péniche de Louis et Rika. Une grande histoire. Une très grande histoire. Quand Rika avait appris qu'elle était enceinte, il lui était apparu comme une évidence qu'ils allaient devoir déménager. Elle, de son petit appartement cosy, mais avec une unique chambre et Louis, de sa garçonnière qu'il aimait plus que tout au monde. Ça lui paraissait d'une logique implacable et à tous ses amis aussi d'ailleurs. Mais pas à Louis. Louis voulait bien entendre qu'ils allaient s'installer ensemble, mais ne il comprenait pas bien le principe de quitter son appartement. « Non mais vous rigolez ! C'est hors de question ! Mes parents m'ont acheté cet appart' quand j'avais seize ans. J'ai toute ma vie là-dedans. Vous vous rendez pas compte ! Je pars pas. ». Voilà. C'est ce qu'il répétait inlassablement dès qu'une personne avait l'ingrate idée de lui parler de déménagement. Rika avait laissé tomber les discussions qui ne menaient nulle part et s'était plutôt lancée à la recherche du bien qui ferait changer d'avis le père de son enfant. Elle avait dû lui proposer une vingtaine de biens. Tous avec le même défaut pour Louis : ils n'étaient pas son appartement. Alors, dans une tentative quelque peu désespérée, et enceinte de six mois, Rika avait quémandé à Louis de lui accorder une dernière visite. Une ultime visite. Tout le monde s'était dit qu'elle devait être bien certaine de son coup pour lui promettre ça, parce que ce n'était pas le genre de promesse que Louis risquait d'oublier... Et bien elle avait eu raison. Elle s'était décidée à lui faire visiter une péniche. Sur un des canaux du centre d'Amsterdam, celui qui longe la mairie. Rien que ça. Et Louis avait adoré l'endroit. Tout de suite. C'était ce qu'il leur avait raconté. Il avait aimé avant même de descendre l'escalier de l'entrée. Et c'est comme ça que toute la bande d'amis s'était retrouvée à déménager deux appartements dans une péniche et que Rika avec son petit ventre de femme enceinte avait supervisé le Tétris qui s'annonçait pour tout faire rentrer dans le bateau. Ils avaient tous les deux dû se rendre à l'évidence et avait envoyé plusieurs meubles à la vente, mais le rendu était sublime : le parquet en bois clair, les murs en blanc ou bleu, la belle luminosité avec les fenêtres qui donnaient directement sur le canal. C'était un truc qui leur allait. Un chez eux qui ne pouvait aller qu'à eux. Et Laura aimait toujours autant se rendre à la Péniche, comme ils aimaient l'appeler.
D'ailleurs, ce mardi midi là, Laura se dirigeait d'un pas décidé vers la Péniche. Elle avait dans les mains le petit cadeau qu'elle avait acheté pour Barbara un peu plus tôt. C'était un truc pour le développement sensoriel de l'enfant. C'était ce qui était marqué sur la boîte. Rika avait vu ça dans une boutique des 9 Straatjes et elle avait trouvé ça fantastique. Laura y était passée rapidement en sortant de son bureau.
Quand elle était arrivée, Louis finissait de mettre la table. Barbara avait mangé avec eux, le filet mignon qu'il restait de la veille avec des tagliatelles. C'était plutôt très bon. À la fin du plat, Louis avait donné des morceaux de pommes à sa fille avant de l'autoriser à quitter la table et jouer dans le salon.
« Pourquoi c'est autant le bazar ici ? demanda Laura qui connaissait très bien la bonne organisation de Rika.
— Parce qu'on avait Mémé à garder ce week-end, et j'ai pas eu le temps de ranger.
— C'était bien le week-end ?
— Ouais ! On a récupéré Esmée jeudi soir et Martijn et Magda sont venus la rechercher lundi midi. Ils allaient déjeuner chez Anouk et Gregor après. On s'est éclaté tout le week-end. On est allé au zoo, on a fait des gâteaux pour le goûter et Magda a dit qu'ils étaient bons, on a dansé et on a regardé Cendrillon dimanche soir à la télé. C'était fantastique !
— J'arrive pas à savoir si t'es ironique ou pas...
— Je suis pas si ironique que je pourrais l'être, sourit Louis. C'était cool.
— Et lundi vous avez fait quoi pour tout laisser comme ça ?
— Mes parents ont débarqué lundi midi, en rentrant de Grèce. Ça leur a pris comme ça. Ils sont restés tout l'après-midi et au dîner aussi. Ma mère a couché Barbara et j'avoue que j'ai mis mes parents à la porte. Sans rire. On n'a pas bossé pendant quatre jours, on n'a pas eu dix minutes à nous. Donc j'ai dit à mes parents que Groningen, c'était loin, ils étaient fatigués, fallait pas trop traîner, tout ça tout ça. Et pour finir, j'ai convaincu Rika de laisser tout en bordel pour aller se coucher. J'ai promis que je rangerais aujourd'hui.
— Et tu vas tout ranger avant ce soir, bien entendu... fit Laura en souriant.
— Plus ou moins... Ouais... »
Cette fois-ci, Laura rit franchement en porta son verre de Lambrusco à sa bouche. C'était l'un de ses vins préférés - comme pour Magda. Alors Louis leur réservait toujours ses bouteilles et les filles appréciaient l'attention.
« Bon... Qu'est-ce que t'avais à me dire ?
— Rien. Je voulais voir ma filleule.
— Laura... Si t'avais juste voulu voir Barbara, tu m'aurais demandé si tu pouvais la garder un après-midi ce week-end.
— Pas possible. C'est la fête du Roi ce week-end. J'ai des trucs de prévus.
— Comme voir Nathan ?
— Non. Il est resté avec sa fiancée. Je fais pas le poids. Game over.
— De toute façon, il était nul.
— Non. Il n'était pas nul. Il aimait lire, il aimait la bonne musique, il était grand et beau. Et bronzé aussi. Tu as idée à quel point, c'est galère de trouver des mecs bronzés à Amsterdam ? Je suis sûre que non.
— Mais c'est le genre de mec à tromper sa copine, donc il était nul.
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Il l'a pas trompée avec toi ?
— Si...
— Donc c'est ce que je disais, il était nul. Je te ressers ?
— Vas-y, répondit-elle en tendant son verre avant d'en boire une nouvelle gorgée. Bon, ce que je voulais te dire...
— Ah ! Je savais qu'il y avait quelque chose.
— T'en parle à personne par contre.
— Pourquoi ?
— Parce que j'ai pas encore pris de décision et que si t'en parles à trop de gens ça va finir par remonter aux oreilles d'Alex. Et ça, c'est hors de question. Compris.
— On t'as proposé un meilleur poste dans une autre boîte ?
— Non. Non, c'est dans celle-ci.
— Une promotion ?
— Non plus. Louis ! Je peux m'expliquer ?
— Pardon. Vas-y.
— C'est ma boss qui m'a proposé de m'occuper d'un mariage bi-national.
— Cool... Où le mariage ?
— À Copenhague.
— Et il est où le problème ?
— Je sais pas si c'est une bonne idée...
— Laura, y a une semaine, tu me parlais de tout quitter, on te propose d'aller bosser au Danemark pendant quelques semaines, voire quelques mois, au cours de la prochaine année et t'hésites vraiment ?
— Un peu ouais... Y a une petite marge entre l'envie de tout envoyer promener un vendredi soir après s'être fait larguer et le fait de tout envoyer promener une semaine après s'être fait larguer. Tu vois ?
— Pas vraiment. Surtout que c'est juste pour un mariage. Ça veut dire que tu vas revenir et repartir, et revenir. Enfin le principe des aller-retours. Vois ça comme une pause. Non ?
— Peut-être ouais... Je... Je sais pas...
— T'en as parlé à ta mère ?
— Mmmh.
— Et ?
— Et bah... Elle m'a dit de vous en parler avant de prendre une décision.
— Tu vas en parler aux filles aussi, j'imagine.
— Ouais. Mais avec la fête du roi, samedi. On ne va pas réussir à se voir toutes ensemble avant mardi prochain. Fallait que je t'en parle avant. De toute façon, j'ai jusqu'à début mai pour prendre un décision.
— Okay...
— T'en parles pas à Rika, hein !
— Non !
— Promets.
— Promis.
— Bien.
— Et... Juste pour savoir... T'as envie d'y aller ?
— Je crois... Oui. Je pense que le changement d'air va me faire du bien. »
Louis acquiesça de la tête avant de commencer à rassembler assiettes et couverts pour débarrasser la table. Il ne dit pas un mot de plus, de toute façon Laura n'en n'avait pas besoin. Elle avait juste eu besoin d'en parler à quelqu'un pour rendre réel tout ça. Ce n'était pas un projet pourri comme tout ce qu'on pouvait lui proposer depuis quelques mois. Non, c'était un vrai projet. Un truc qu'elle allait devoir mener seule, comme avant. Avant que l'autre suricate sournois ne débarque. On lui faisait confiance.
« Il reste des pancakes que Rika a fait ce matin, proposa Louis en mettant la vaisselle sale sur le plan de travail. T'en veux ?
— Ouais ! Parfait. »
Alors Louis attrapa la petite assiette qui était à côté du micro-onde et saisit en même temps le pot de miel dans le placard, celui que les parents de Louis leur avaient ramené d'un petit producteur bio qui était, selon leurs dires, le meilleur miel de toute l'Europe. Rien que ça. Il apporta le tout sur la table et en moins de temps qu'il n'en fallait pour le remarquer, Barbara avait fait son apparition à côté de Laura. Elle avait bien compris qu'elle avait beaucoup plus de chance d'avoir un bout de pancake en demandant à sa marraine plutôt qu'à son père.
« Peux en avoir ?
— T'as pas fini de manger, toi ? demanda Louis, plus pour l'embêter qu'autre chose.
— J'ai encore faim...
— Mmmh... Il reste des épinards si tu veux, proposa innocemment Louis. »
Sa fille lui adressa un petit regard de défi avant de reporter un regard plein de douceur pour amadouer son interlocutrice. Elle avait les mêmes yeux que Louis. De belles pupilles marron remplies de malice.
« Laura ? Je peux ? »
En riant, Laura s'écarta de la table et attrapa la petite fille pour la monter sur ses genoux.
« Tu crois qu'il va bien vouloir papa ?
— Je crois, répondit Barbara en haussant les épaules face à son père. »
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