Chapitre Dix-Neuvième
On était jeudi. C'était début juin sur la capitale néerlandaise et il faisait incroyablement beau ou tout du moins beaucoup trop beau pour un mois de juin aux Pays-Bas. Laura n'allait pas se plaindre, elle avait commencé à sortir les jupes depuis trois semaines. Ce matin n'avait pas échappé à cette nouvelle règle des derniers jours : jupe crayon noir, haut avec des manches mi-longues à motif géométrique, et ses talons aiguilles noires avec le bout doré.
C'est avec un pas assuré, malgré l'équilibre précaire que lui offraient ses chaussures, que Laura se dirigeait vers son dernier cours de yoga de l'année. Elle y était allée directement en sortant du bureau. Le cours s'était bien passé, comme tous les autres de l'année en fait. Leur prof avait fait un petit discours à la fin en leur souhaitant un bel été, en leur rappelant les dates des stages qu'il donnait au cours de deux prochains moins et en rappelant les dates de réinscription. Une fois toutes les informations transmises, chacune alla récupérer son sac, se changer, s'échanger encore quelques banalités ; elles s'étaient promis de se voir pendant l'été. Laura avait fait traîner. Elle voulait être la dernière à partir. Elle avait fini par obtenir ce qu'elle voulait et au bout d'une bonne demi-heure, elle s'était enfin retrouvée seule dans la salle avec Nathan. Elle s'était collée dans son dos en embrassant son cou.
« On peut aller chez toi ?
— Ma femme rentre demain matin...
— Okay. Pas de problème. Je serais partie avant le lever du soleil.
— On se dépêche alors ?
— Mmmh... »
Ils avaient filé sans se soucier du rangement de la salle. L'appartement n'était pas très loin et ils en avaient eu pour à peine quelques minutes. En arrivant ici, Laura déchaussa immédiatement ses talons aiguilles alors que Nathan s'était dirigé vers la cuisine pour sortir une bouteille de vin. Il avait pioché parmi les quelques bouteilles qui sommeillaient dans la pièce. Laura savait que le vin de cette bouteille allait être très loin des bouteilles qu'elle aimait, des bouteilles que Louis leur ramenait lors de soirées, ou que Magda s'appliquait à leur ramener de France. Mais ça irait pour cette soirée.
Pendant que son amant de la nuit sortait des verres et ouvrait la bouteille, Laura avait filé discrètement vers la salle de bain. Elle avait ouvert l'eau et avait rajouté du gel douche pour recouvrir la totalité de la surface avec une belle mousse blanche. Elle s'était déshabillée en laissant ses habits traîner sur le sol puis s'était glissée dans l'eau. En attendant que Nathan arrive, elle avait attrapé son téléphone et avait lancé une playlist. I don't want you to go yet, disait la chanson.
Quand il la rejoignit, il portait deux verres des plus simples et une bouteille dont Laura ne voulait pas connaître l'origine. Cela risquait de gâcher le moment. Elle lui avait fait signe de la rejoindre. Il avait posé ce qu'il avait dans les mains sur le rebord du lavabo puis s'était déshabillé pour la rejoindre dans la baignoire. Pour une fois, ils n'avaient rien pressé. Ils avaient passé ce qui semblait être des heures à se caresser, s'arrêter, recommencer, s'embrasser, boire. Rapidement, Laura avait sorti un préservatif. Elle avait l'impression que c'était sa seule chance. Sa seule chance pour enfin oublier celui qui ne faisait qu'occuper toute ses pensées, jour et nuit, depuis des semaines. Nathan n'était là que pour ça. Pour lui faire oublier. C'était sa seule chance. Laura remonta son regard vers Nathan. Il avait les yeux fermés, la tête en arrière. Il avait l'air au paradis.
Laura sentit les mains de Nathan venir attraper ses fesses pour lui permettre de le chevaucher. Il commença de lents va-et-vient, mais ça n'allait pas. Ça n'allait plus. Ça ne collait plus.
« Tu veux pas qu'on sorte ? demanda Laura. C'est pas super pratique...
— On aurait dû aller chez toi.
— Pourquoi ?
— Parce que j'adore ta douche à l'italienne. »
Laura avait souri, l'avait embrassé.
« Viens. »
Elle était sortie de la baignoire la première et s'était enroulée dans une serviette. Elle ne voulait pas savoir à qui elle appartenait, ça ne la regardait pas et puis ça risquait de faire remonter tous les remords qu'elle enfouissait au plus profond d'elle-même. Ceux qui lui faisaient coucou quand elle apercevait du coin de l'œil la photo de mariage de Nathan dans l'entrée. Et puis elle s'inventait une histoire où le mariage de Nathan était au creux de la vague, que si ce n'était pas elle, ça serait une autre. L'une était potentiellement vraie alors que l'autre beaucoup moins.
Ils étaient allés dans le canapé sans la bouteille : ils l'avaient déjà vidée. D'ailleurs, Laura était un peu trop alcoolisée pour avoir un orgasme, ou peut-être qu'il ne savait juste pas s'y prendre... Mais Nathan avait fini par tomber dans ses bras au terme d'un orgasme long et tremblant. Il s'était endormi là. Laura n'avait pas réussi à dormir.
X+X+X+X+X
À Amsterdam, le soleil se levait toujours très tôt le matin en été. Il fallait compter aux alentours de six heures du matin. Laura était partie à cinq heures trente de chez son amant. Elle n'avait pas voulu réveiller Nathan, mais il avait tout de même réussi à ouvrir un œil.
« Tu t'en vas déjà ?
— Ta femme ne va pas tarder. Et je veux repasser chez moi avant d'aller au bureau.
— D'accord... Tu crois qu'on pourrait se revoir genre... Samedi ?
— Impossible. On fête l'anniversaire de Magdalena.
— Oh... Je pourrais peut-être ve...
— Non.
— Laura !
— Écoute Nathan, t'es marié. Tu vas bientôt être papa. Et moi, je ne veux pas de ce genre de relation. Donc on reste comme on est : on couche ensemble après les cours, si t'es dispo et basta ! On était au clair dès le départ.
— Donc on se voit pas de l'été ?
— On verra. Je t'appelle.
— Lau... »
Trop tard, la porte avait déjà claqué derrière la jeune femme. Pas d'attache, pas de sentiment, pas de cœur brisé. La règle était simple. Pas de sentiments, son cœur était déjà brisé.
X+X+X+X+X
À Copenhague, le soleil se levait toujours très tôt les matins estivaux. Il fallait compter aux alentours de quatre heures trente du matin. Klaus avait dû frapper aux alentours de six heures chez Harry. Il n'avait pas attendu que quelqu'un vienne lui ouvrir : il était entré et avait commencé par enlever ses chaussures. Doris, le labrador de la famille Andersen avait été le premier à venir le saluer. Il y avait des cris et des rires qui venaient de la cuisine et cela finit de rassurer Klaus. Les choses n'avaient pas l'air d'aller aussi mal que Chris avait voulu lui faire croire. Ina et Maya étaient toutes les deux assises à la table de la cuisine alors qu'Harry semblait finir de cuisiner des pancakes.
« Klaus ! Est-ce que tu veux des supers pancakes de papa ? Ils sont trop bons.
— Ça m'a l'air pas mal oui.
— Papa fait des pancakes pour Klaus s'il te plaît. »
Harry hocha la tête alors que son ami venait le saluer, puis dire bonjour aux filles.
« Je te laisse te prendre une assiette. Il doit y en avoir dans le lave-vaisselle.
— Vous êtes prête pour votre journée à l'école ?
— Oui ! On a plein de trucs de super de prévus en plus. J'ai trop envie... Mais Maya, elle traîne des pieds.
— Je veux pas y aller...
— Maya. S'il te plaît. Ne recommence pas. Finis ton pancakes et filez enfiler vos chaussures. Vous allez louper le bus tout à l'heure. »
Maya leva les yeux au ciel, mais finit son pancake en une dernière bouchée comme lui avait demandé son père. Elle était descendue de la chaise et avait emmené sa petite sœur vers le meuble à chaussures de l'entrée.
« À ce soir !
— Bonne journée les filles !
— Ça va toi ? finit par demander Klaus alors qu'un pancake pas trop cuit faisait irruption dans son assiette.
— Pourquoi ça n'irait pas ?
— Bah... Le mariage tout ça... C'est dans deux semaines quand même.
— C'est pas moi qui me marie, fit remarquer Harry avec un certain pragmatisme. Je suis pas le plus stressé des deux.
— Donc tu t'en fous de revoir Laury.
— Laura, corrigea immédiatement Harry.
— Ah oui. Pardon. Laura... Donc tu t'en fous.
— Je vais pas louper le mariage de mon frère parce que ça n'a pas marché avec une fille. Ça va aller.
— Si tu le dis.
— Arrête.
— Quoi ?!
— Mais arrête de douter de tout ce que je dis. Je te dis que ça va, c'est que ça va. De toute façon, depuis le départ, je savais que c'était pas une bonne idée. J'ai suffisamment à faire avec deux enfants à la maison pour m'encombrer d'une histoire de cœur en plus. Mon inscription à Tinder fut la plus magnifique de tes idées pourries.
— Non.
— Bah si.
— Non, assura Klaus de nouveau. Non, parce que t'étais amoureux de cette fille. Et je pense même que t'es encore amoureux de cette fille.
— Klaus.
— Prends pas ta voix de papa avec moi. Je suis ni Maya, ni Ina.
— Elle ne veut pas de moi et de mon histoire ! Je vais pas me battre pour briser tout ce que j'ai. Je lui ai écrit des messages, des mails, des lettres. Elle n'a répondu à rien de tout ça. Je n'ai plus aucun signe de vie. Alors tant pis. Mes filles me suffisent.
— Et quand elles seront toutes les deux à l'université, et que Doris sera trop vieille pour de longues balades dans les champs, tu vas rester là, devant ta cheminé, à relire Kant pour la quarante seizième fois et à te faire draguer par des étudiantes alors que tu penseras toujours à cette fille d'Amsterdam ? C'est ça ton plan de vie ? Magnifique.
— T'as mieux à proposer ?
— Va la voir.
— Non.
— Va la voir ! T'es à Amsterdam, sans les filles, la semaine prochaine. Profites-en.
— C'est pas une bonne idée.
— C'est une très bonne idée. »
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