Chapitre 17
Chapitre Dix-Septième
Martijn avait fini super tôt ce vendredi-là. Du coup, il était passé chercher à manger chez le traiteur. Beignets d'aubergine, pomme de terre rôties à la Suédoise et cheese-cake. Ça lui semblait un bon dîner pour un vendredi soir. Il se voyait très bien, faire dîner les filles pas trop tard, les coucher pas trop tard non plus et puis profiter d'un dîner en amoureux suivi par un film dans le canapé sans réelle obligation de regarder le dit film, évidemment.
En toute honnêteté, tout s'était bien passé. Au départ. Parce qu'en fait, c'était le principal problème de Martijn : il avait toujours de supers plans de soirée avec sa femme, mais il y avait toujours quelque chose ou surtout quelqu'un qui se mettait en travers de sa route au bout d'un moment.
Alors au départ, Martijn avait fermé la porte de son bureau pour le week-end. Il était descendu sans être interrompu, ce qui était déjà louche. Premier étage rien. Rez-de-chaussé rien non plus. À part deux « bon week-end, monsieur. ». Il avait juste souri et leur avait répondu, beaucoup trop content d'être libre avant six heures trente. Il était passé au traiteur puis était allé chercher ses filles à la garderie. Tout ce petit monde était rentré calmement à la maison, ce qui était tout aussi louche que le fait que personne ne l'arrête en sortant du bureau.
Quand Magda était rentrée du lycée, elle les avait trouvés tous les trois à jouer avec les vieilles petites voitures de Martijn qu'Anouk avait sorti du grenier il y a plusieurs années maintenant. Elle les avait rejoint quelques minutes, puis les deux seuls adultes étaient partis vers la cuisine pour préparer le repas.
« Ne fais que pour les filles, expliqua Martijn en désignant d'un mouvement de tête les sacs en papier posés à côté de la plaque de cuisson.
— Tu nous as pris quoi ?
— Surprise. Mais sache que c'est de quoi passer une bonne soirée une fois les filles couchées, assura l'homme en se hissant sur le plan de travail pour s'asseoir. »
Magda avait souri et puis leur petit rituel du soir avait commencé. Elle préparait à manger alors que Martijn lui parlait de sa journée surveillant du coin de l'œil les enfants dans le parc à enfant. Puis Magda lui avait parlé de ses élèves, de ses collègues, des derniers ragots parce qu'elle adorait ça. Ils avaient fait dîner les filles. Ils les avaient couchés. Et pendant que Martijn s'occupait des derniers bisous avec Esmée, Magda était redescendue préparer leur dîner. Les derniers bisous d'Esmée duraient tellement longtemps ces derniers jours, que Magda avait eut le temps de sortir les assiettes bleues turquoises que Martijn adorait, du placard de la salle à manger. Elle avait dressé rapidement - mais joliment - la table sur l'îlot de la cuisine. Les pas de Martijn dans l'escalier s'étaient fait entendre alors qu'elle allumait les bougies.
Ils avaient mangé. Ils avaient parlé et avec les filles qui dormaient calmement à l'étage, Magda était à ça de se croire de nouveau dans leur ancien appartement. Elle aimait ses soirées qui la ramenaient dix ans en arrière, presqu'autant que ce que sa vie était devenue. Pour le cheesecake, Martijn l'avait servi sur les assiettes à dessert et avait emmené les deux parts dans le salon. Magda avait choisi le film : Bleu Valentine.
Okay. Les parts de cheesecake avaient été laissées un moment sur la table basse. Martijn s'était rapidement allongé sur le canapé. Magda s'était rapidement allongée sur Martijn. Ils n'avaient pas beaucoup regardé le début du film. Ils s'étaient beaucoup embrassés. Ils avaient aussi enlevé leurs hauts réciproques.
Et puis on avait frappé à la porte. Et c'est à ce moment précis que le plan de Martijn était parti en cacahouètes.
« Non... Magda... Reviens...
— Ça va réveiller les filles.
— Magda !
— Chut ! Là, c'est toi qui vas les réveiller, rit Magda en collant un coussin sur le visage de Martijn.
— Non mais Magda. Il est vingt-et-une heures trente. On est vendredi soir. On a le droit de prendre notre soirée.
— Mais Marty...
— Ne me dis pas que c'est peut-être grave. Parce que je trouve que les jours, que dis-je les semaines ! Qui se sont écoulées depuis la dernière fois où on a fait l'amour est tout aussi grave... »
Magda se mit à rire devant l'air d'ado en crise de Martijn. Il s'appliquait à garder une petite moue boudeuse en serrant bien fort son coussin contre son torse dénudé.
« On part dans deux semaines en Sicile, rappela Magda. Sans les enfants.
— Parce que t'as cru que j'allais attendre deux semaines ?
— Comme tu l'as fait remarquer, t'es plus à une semaine près... répondit Magdalena en se levant.
— Mais tu vas où là ? Magdalena Gelderman-Valencourt, faites demi-tour. Tout de suite. Je suis super sérieux.
— J'ouvre. Je rembarre. Je reviens, expliqua Magdalena en enfilant le sweat de Martijn qui reposait sur le rebord du parc à enfants. Simple.
— Basique.
— T'es grave...
— C'est toi qui as ressorti cet album des placards. »
Magda trottina en riant jusqu'à la porte et ouvrit. De l'autre côté, il y avait Laura les joues colorées par des larmes noires de mascara.
« Laura ?
— Il a une famille. »
C'est tout ce qu'elle avait réussi à dire avant de se remettre à pleurer et Magda n'avait qu'à se débrouiller avec ça. Cette dernière jeta un regard à Martijn qui s'était redressé dans le canapé et avait mis le film en pause. D'un simple regard de sa femme, il avait compris : il n'avait plus qu'à attendre encore un peu. Au pire jusqu'à la Sicile.
X+X+X+X+X
Magda avait fait rentrer Laura. Martijn s'était rhabillé. Ils s'étaient installés dans le canapé. Magda avait proposé son cheesecake à Laura. Elle pleurait tellement qu'elle n'avait même pas réussi à articuler ce qu'il fallait pour leur faire comprendre qu'elle n'en voulait pas. Elle n'avait réussi qu'à hocher la tête avec des yeux implorant quand Martijn lui avait proposé des M&M's fondus avec des chamallow. Il y en avait toujours dans leur cuisine, au cas où. Comme quoi, ça pouvait vraiment toujours servir. Martijn lui avait préparé son médicament spécial cœur brisé et puis ils avaient attendu que toutes les larmes de Laura aient fini de couler ou tout du moins qu'elle se soit suffisamment calmée pour pouvoir être audible et compréhensible.
« Je suis désolée d'avoir débarqué comme ça... Je... Je pouvais pas aller chez moi, j'avais peur qu'il vienne.
— On peut reprendre depuis le départ ? demanda Martijn tentant de comprendre un bout de cette histoire.
— Ouais... Ouais... Pardon... »
Alors, toujours en tentant de ne pas trop en faire. Elle avait raconté son arrivée chez ses clients, la fin de leur rendez-vous, les coups à la porte, les pas puis les cris d'enfants, et la vision d'Harry au beau milieu de l'entrée de l'appartement avec une petite fille collée à sa jambe.
« Donc il a deux filles, récapitula Magda en évitant le regard désapprobateur de Martijn. Pas toute une famille, avec monospace et labrador. Juste deux filles.
— Non, non, non ! assura Laura. Il a une famille, je vous dis. Chris et Diana se sont rencontrés grâce à sa femme. Il est marié et il a deux enfants. ... Je me sens tellement... Tellement conne. Comment j'ai pu rien voir.
— Ils sont peut-être séparés, proposa Martijn.
— Non ! commença à s'énerver Laura en se levant du canapé.
— Comment tu peux en être aussi certaine ? rétorqua le seul garçon de la pièce en restant d'un calme olympien qu'on lui connaissait. Tu ne sais même pas qui c'est.
— Bah quand ils parlaient de leur rencontre, Chris ne parlait pas de l'ex de son frère. Il parlait de la femme de son frère.
— Mais je croyais que quand tu lui avais posé la question, il t'avait assuré qu'il n'était pas en couple.
— Ouais. Ça s'appelle un mensonge, Magda. Et surprise : les gens mentent. Tout le temps. À tout le monde. Particulièrement à moi.
— Arrête Laulau...
— Non ! Non ! J'arrête pas ! Je m'étais promis plus de sentiments et plus de cœur brisé et là... Là, je me suis laissée aller, j'ai commencé à tomber amoureuse, à croire que j'avais peut-être une chance avec lui, et qu'il attendait peut-être la même chose pour moi. Qu'on pourrait s'entendre sur le long terme. Mais non. Non ! Et je me retrouve comme une conne à pleurer sur le canapé de mes amis et à me lamenter encore une fois sur une putain d'histoire à sens unique ! »
Laura avait fini de crier d'un coup et un cri de bébé avait fini par se faire entendre à travers le babyphone.
« Merde... Pardon... Pardon... Je suis désolée... Je... Je voulais pas les réveiller... Pardon... Je suis vraiment, vraiment trop conne ! Pardon... »
Et elle s'était remise à pleurer dans ses mains. Magda avait regardé Martijn. Martijn avait regardé Magda. Il avait soupiré et s'était levé de son pouf pour monter dans la chambre de Max qui s'était réveillée avec les cris.
Magda s'était aussi levée, mais plutôt pour aller vers Laura et la prendre dans ses bras.
« Je voulais pas la réveiller, je te jure...
— Je sais Laura. C'est pas grave. Elle va se rendormir. T'en fais pas.
— Je me sens tellement nulle Magda... Tellement, tellement nulle...
— Ça va aller Laura. Ça va aller.
— Je veux pas rentrer chez moi.
— On va te préparer le canapé du haut, tu vas être bien pour dormir. Ça va aller. »
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