Chapitre Seizième

De DIANA:
Bonjour Laura !
Je voulais simplement confirmer avec vous le rendez-vous de ce soir chez nous. La famille de Chris dîne avec nous, donc son frère (son témoin) et ses filles arriveront peut-être avant la fin. Cela ne vous dérange pas ?

De LAURA:
Bonjour Diana.
Aucun souci pour moi ! De toute façon, je ne pense pas que cela durera aussi longtemps, mais dans tous les cas, je vous libérerai pour le dîner. 
À ce soir.

« C'est encore Harry ? demanda Louis en posant devant Laura un tiramisu aux fraises.

— Non. Ce n'est pas encore Harry.

— C'est qui alors ?

— Je te demande qui t'as au téléphone toi ?! fit Laura faussement vexée en arrachant des mains la cuillère que lui tendait Louis.

— Non. Mais tu pourrais.

— Parce que tu me répondrais peut-être ?

— Alors ? continua Louis après avoir haussé les épaules. C'est qui ? Si c'est pas Harry...

— C'est une de mes clientes. Elle me confirme le rendez-vous que j'ai ce soir. Content ?

— Quelle cliente ?

— La danoise. D'autres questions ? T'es vraiment insupportable ! Et ça s'arrange pas avec l'âge...

— Non, je ne suis pas insupportable. Et non... Ça va aller. Je n'ai pas d'autres questions, dit Louis en attaquant son tiramisu. Il est vraiment trop bon. Je suis dégoûtée que Rika en n'ait fait que huit... C'est les derniers.

— T'as qu'à te lancer.

— J'ai essayé. Dimanche matin. Enfin midi plutôt parce que je me suis levé vers... Midi moins dix... Quelque chose du genre...

— T'es le seul père au monde à te lever à cette heure-ci avec une fille de trois ans à la maison. Tu le sais ça ?

— C'est parce que je suis le seul père au monde à avoir un enfant avec Rika. Elle a emmené Barbara se balader sur les canaux. Je crois que Marja les y a retrouvées. Donc moi, j'ai pu traîner au lit. Longtemps. Très longtemps. Et c'était cool. Très cool. Parce que moi, la balade sur les canaux un dimanche matin de bonne heure... Voilà, quoi.

— Et donc tu as fait la cuisine ?

— J'ai essayé.

— Et c'était dégueulasse ?

— Non mais ça va oui ?! Je m'appelle pas Martijn moi ! Non, c'était pas dégueulasse. Enfin... On ne le saura jamais. Parce qu'en vrai, j'ai pas réussi à m'y retrouver pour faire de la cuisine dans ma propre cuisine. Du coup, je suis allé direct à la pâtisserie avant qu'elles rentrent.

— Et elles ont dit quoi ?

— Rika a trouvé les gâteaux super bons. Et ma fille a ri quand elle a su pourquoi les gâteaux ne sortaient pas de notre four, mais bon... »

Laura reprit une bouchée de tiramisu et sourit devant la tête un peu dépitée de Louis.

« Et toi le week-end ?

— Rien de spécial. Une rétrospective d'Ocean's Eleven au ciné samedi soir et un dimanche Netflix. ... Ne fait aucun commentaire.

— J'ai rien dit !

— Je l'ai vu passer dans tes yeux !

— J'ai rien dit et je ne dirais rien. Maintenant que je sais que t'as un mec, je vais te laisser le droit à... Un week-end Netflix par mois.

— Un seul ?! Je devrais être à trois minimum ! Il habite au Danemark ! C'est super loin le Danemark...

— Okay... Deux. Mais ne négocie pas trop Worlding.

— Merci, sourit Laura en prenant une bouchée de son tiramisu.

— Par contre, je vois que tu ne nies pas le fait que tu sois en couple... »

Laura se contenta de hausser les épaules et riant.

« C'est vrai ça... »

X+X+X+X+X

Laura était arrivée avec dix petites minutes d'avance à son rendez-vous chez les futurs mariés dont elle s'occupait. Problème de tramway. Elle s'était excusée en arrivant un peu essoufflée. Chris l'avait accueillie en souriant.

« Je suis vraiment désolée. D'autant qu'avec votre repas de ce soir, on va être un peu pressé. C'était vraiment pas le jour...

— Aucun souci ! De toute façon Diana a un peu plus de monde que prévu sur la route en rentrant d'Utrecht. Elle ne devrait plus trop tarder. Je t'offre quelque chose à boire ? Jus de fruit ? Quelque chose d'un peu plus fort ? Ou même un café ?

— Jus de fruit sera parfait, assura Laura en avançant vers le salon.

— Je te laisse t'installer dans le salon. Je t'apporte ça tout de suite. »

Laura l'avait remercié et s'était assise sur le canapé. Elle avait ouvert son sac et en avait extrait les dossiers dont elle allait avoir besoin.

Comme l'avait dit Chris, sa fiancée n'avait pas beaucoup tardé et rapidement, ils avaient pu aborder tout ce qui devait être vu ce soir. Ils avaient même trouvé le temps de discuter un peu avant que Laura n'ait à partir. D'ailleurs, elle rassemblait ses affaires quand la sonnette de l'appartement retentit. La porte avait fait apparaître une enfant blonde d'une dizaine d'année avant même que qui que ce soit n'ait été ouvrir la porte. Laura avait souri en entendant les cris de joie et en la voyant courir vers son oncle. Puis elle avait relevé la tête pour voir le fameux frère, le témoin de son client ; juste histoire de voir s'il ressemblait vraiment à l'image qu'elle s'était faite de lui. Alors Laura avait regardé.

Et Laura avait vu Harry. Le Harry de ses rêves. Le Harry avec lequel elle avait fait l'amour dans la neige. Le Harry qu'elle avait présenté à ses amis. Le Harry dont elle avait vaguement parlé à sa mère. Le Harry dont elle était en train de tomber amoureuse. Son Harry. Son Harry était là, debout dans l'entrée, une seconde petite fille qui restait collée à sa jambe. Harry n'avait pas fait un pas de plus et Laura non plus. En fait, Laura n'avait plus bougé du tout : sa main était même toujours dans son sac.

La surprise avait dû durer deux secondes. Pas plus. Peut-être même moins. En tous cas, ça n'avait pas été assez pour que Chris et Diana ne remarquent quoi que ce soit. Laura en avait profité : elle avait fermé son sac à main rapidement et s'était dirigée vers la sortie.

« Je... Je vous rappellerai pour... Pour ce... Ce qu'on a dit. ... ... Je... Bonne soirée. »

Laura avait souri - avec un air un peu faux, elle le savait - à ses deux clients et puis elle avait filé sans attendre de réponse. Elle était passée à côté d'Harry en évitant son regard. Pas un mot de plus pour lui. Elle était partie.

Les larmes de sa colère avaient commencé à couler à peine le pas de la porte franchi. Elle était descendue dans la rue le plus rapidement possible. Elle voulait partir le plus loin d'ici, le plus vite possible. Mais son bras avait finit par être retenu. Évidemment que son bras avait fini par être retenu.

« Laura... Laura, je t'en supplie attends. Attends.

— Lâche moi.

— Laura...

— Harry. Lâche mon bras. J'ai rien à te dire. J'ai plus rien à te dire. Fini.

— Non, s'il te plaît Laura. Je... Il faut qu'on s'explique.

— Pour l'instant, il faut juste que tu me lâches. C'est beaucoup mieux ainsi. Je... Je veux plus entendre parler de toi. Laisse-moi, Harry. Laisse-moi.

— Je suis désolé, Laura. Je suis vraiment, vraiment désolé. »

La voix d'Harry n'avait été qu'un murmure, mais Laura avait eu la désagréable sensation qu'il lui avait crié dessus. Elle se sentait tout aussi vidée que si Harry lui avait hurlé dessus. En moins de cinq minutes, tout ce qu'elle avait imaginé ces derniers mois s'effritait juste devant ses yeux. Et elle ne pouvait absolument plus rien y faire.