Chapitre 15
Chapitre Quinzième
Laura n'avait pris des nouvelles de personne durant tout le week-end. De toute façon, elle ne l'avait passé qu'avec Harry. Mais lorsqu'il était reparti, le dimanche, juste après le déjeuner, et qu'elle s'était retrouvée seule dans son appartement elle n'avait pas fait un pas de plus. Elle avait ignoré les appels d'Erda, rejeté sans culpabilité ceux de Rika, à peine avait-elle daigné écouter les messages de Magda ou même ouvrir les SMS de Louis. Zéro signe de vie pendant toute la semaine. Elle avait tenu le coup au fil des jours, jusqu'à ce qu'elle retrouve dans sa boîte aux lettres un petit bout de papier couvert de l'écriture si scolaire de Magdalena :
Hallo ma Laulau,
Écoute... Lundi, je suis libre toute l'après-midi alors si t'es un peu moins fâchée que la dernière fois qu'on s'est vues, je te propose un petit resto' et une petite après-midi à Fortune Flea. J'ai une envie de refaire la déco du salon en ce moment... Tu m'appelles ?
Franchement, c'était pas cool. Parce que là, elle la prenait vraiment par les sentiments. C'était son magasin de déco préféré... Bon elle n'avait pas rappelé du week-end, question d'orgueil mal placé peut-être, mais Magda n'avait pas insisté. Laura était un peu près sûre qu'elle devait ce silence radio à Martijn. Il l'imaginait très facilement interdire à sa femme de s'en mêler plus qu'elle ne le faisait déjà.
Ce n'est que le lundi en sortant de son rendez-vous, non loin du musée Rembrandt, qu'elle avait enfin consenti à envoyer un message à son amie.
De LAURA:
Tu m'as pas dit où on mangeait ce midi ?
De MAGDA:
<3
Box Sociaal
C'est sur Plantage Middenlaan, en face le zoo.
De LAURA:
T'y es ?
De MAGDA:
Je t'attends !! :*
Laura en avait eu pour dix minutes à pieds. Elle avait aperçu Magda déjà attablée à la planche de bois qui longeait la vitrine. L'intérieur était bourré d'étudiants et si Magda, avec son pull gris un peu cintré, son jean et ses fidèles Converses blanches, ne détonnait pas trop dans le paysage, Laura savait d'avance qu'elle n'aurait pas cet honneur. Elle entra dans la boutique et fila tout de suite rejoindre son amie à la table. Elle posa son sac à main sur le tabouret haut qu'elle lui avait réservé. Magda passa amicalement un bras autour des épaules de Laura pour la rapprocher d'elle et lui colla un joli bisou sur la joue.
« Tu m'as manquée.
— Je suis pas partie des années non plus.
— Une semaine. Et une semaine, en sachant que tu faisais la tête et que t'étais toute seule, c'était très long.
— Je suis désolée.
— Je ne t'en veux pas. Pas à toi. »
Laura avait super faim. Vraiment faim, mais sa curiosité l'emporta et elle s'assit sur le tabouret qui lui avait été réservé.
« Vous vous êtes brouillées à cause de moi ?
— Non. Non ! Du tout. Et même si on s'était un peu pris la tête à cause de cette histoire... Ça n'aurait pas été à cause de toi. Mais à cause d'Erda. Elle n'avait pas... Elle n'avait pas à te dire ça. Point. Mais ce que je voulais surtout te dire c'est que... ... Je... Je crois surtout qu'Erda n'a pas réussi à... À s'expliquer correctement. Elle ne voulait pas te dire ça. Elle ne voulait pas te blesser.
— Ah bon ? s'étonna faussement Laura. J'en suis pas sûre... »
Magda fit une petite moue et se leva.
« Je vais nous chercher à manger. Je reviens. »
Et sans que Laura ne puisse rien ajouter de plus, Magdalena avait déjà disparu dans la petite foule du restaurant. Elle était revenue quelques minutes plus tard avec deux plats identiques.
« Ça te va ? demanda-t-elle en posant un petit gratin devant elle. Courgette et saumon.
— Parfait, assura Laura bien plus curieuse de ce Magda voulait lui dire que de ce qu'elle allait manger ce midi. »
Elle attrapa les couverts ramenés aussi par Magda et commença son plat, attendant non sans une certaine impatience que son interlocutrice trouve les bons mots pour formuler ce qu'elle avait à dire.
« Ok... Alors... Euh... Écoute Laura, ce qu'Erda voulait te dire ce soir-là, c'est... Elle a peur pour toi.
— Peur de quoi ? demanda-t-elle avec une réelle incompréhension.
— Que tu passes à côté de ton histoire avec tes certitudes un peu figées sur tes relations de couples.
— C'est pas des certitudes figées, Magda. Je... Je ne suis pas faite pour ce genre de relation. Je ne suis pas faite pour vivre avec quelqu'un, pour avoir des enfants, pour gérer tout le monde et toute la maison. Je ne suis pas ce genre de femme.
— Tu ne penses pas que tu penses cela parce que tu n'as juste pas encore rencontré le bon ?
— Non. Sincèrement, non. Je pense que c'est une simple histoire de priorités dans nos vies. On n'a juste pas les mêmes. Et je vous admire vraiment. Tous. Toi avec Martijn et trois bébés à la maison tout en trouvant le temps de rester un couple. C'est pas humain. J'admire aussi Louis et Rika qui n'avaient rien à faire ensemble et qu'aujourd'hui, on n'imagine plus l'un sans l'autre. Romy et Oscar qui font leur petit bout de chemin tranquillement avec tellement de simplicité et de naturel. Erda et Peter qui ont su chacun faire les sacrifices qu'il fallait pour avancer ensemble. Mais ce n'est pas ma vie. C'est pas ce dont je rêve.
— Et la relation longue distance, c'est ce que tu veux ? »
Laura laissa échapper un long soupire en regardant les passants passer juste devant elles.
« Ça ne me dérange pas autant que cela pourrait.
— Mais ça te dérange un peu quand même...
— Tu sais... Quand je pense à lui, quand je pense à Harry, je me dis que... Que cette histoire est sûrement ce qui nous convient à tous les deux. On a nos vies. Lui à Copenhague. Moi, ici. On se retrouve quand on peut. On passe du super bon temps ensemble et c'est génial de n'avoir aucune obligation entre nous. Quand je pense à ce qu'on a, je me dis que c'est presque une relation parfaite parce que... C'est comme être en couple sans les côtés pas très cool. Voir pas cool du tout.
— Du genre ? sourit Magda.
— Du genre... Tu te souviens quand Rika et Louis se sont installés ensemble ? Quelques semaines plus tard, Rika s'était plainte de toutes les habitudes de célibataire qui ne le quittaient pas. Sa manie de tout faire traîner partout, de regarder les matchs de foot en caleçon claquette-chaussettes vautré dans le canapé. C'étaient des tue-l'amour à la chaîne. »
Magda sourit au souvenir de la soirée qu'elles avaient passé à cinq dans leur bar de Costakade, à écouter une Rika enceinte qui sirotait son Virgin Mojito en se plaignant de toutes les habitudes de Louis qui l'exaspéraient au plus haut point. Le tout toujours ponctué de « Mais je l'aime hein... » et de ses amies qui assuraient « Mais oui... On sait que tu l'aimes. ».
« Bon bah avec Harry, reprit Laura. Y'a pas de tout ça. Et c'est génial. On sait qu'on va se voir à telle date et je sais qu'il aura fait l'effort de bien s'habiller, d'être... D'être le plus parfait possible. Et moi aussi d'ailleurs. Et il n'y a rien qui déraille comme ça. Tu comprends ce que je veux dire ?
— Oui.
— Ok... Super...
— Donc tout te va parfaitement comme ça ? »
Laura se mit à tordre sa bouche comme si elle réfléchissait vraiment à la question de Magdalena.
« C'est-à-dire que tout ça, c'est la théorie et une bonne partie de la pratique. Le petit hic, si tu veux... C'est que quand je vois Harry, quand il est juste en face de moi, je... Je n'arrive pas à me sortir de la tête qu'il pourrait tout à fait être le genre d'homme que je finirai par aimer.
— Et ça te fait peur à ce point ?
— ... Ce qui me fait peur, c'est qu'un jour, je ne me satisfasse plus du tout de ce qu'on a et que je finisse par souffrir encore une fois, car il n'en sera pas à la même étape. Ou que ce soit l'inverse. Et je t'assure que c'est super fatiguant d'avoir toujours le cœur brisé à chaque histoire d'amour, même quand on la vit en sens unique.
— Je sais. Mais... Laura, t'as bien conscience que le fait que vous viviez dans deux pays différents, ne va pas vous empêcher de tomber amoureux. Si ça s'arrêtait aux kilomètres, je pense que ça se saurait.
— Je fais quoi alors ?
— Tu te laisses aller ? proposa Magda. Et si tu dois tomber amoureuse de lui, et bah... C'est cool. »
Laura tangua de la tête pas totalement convaincue et continua d'avaler son petit gratin qui était vraiment délicieux. Rapidement, les conversations avaient évolués, les paris étaient montés sur le fait de savoir si oui ou non Romy était enceinte, puis il s'était agi de savoir laquelle des deux jumelles arriverait à se tenir à table correctement la première. Magda avait aussi parlé de la petite réunion sur Skype qu'ils avaient fait la semaine dernière avec sa famille pour l'anniversaire de son neveu Alexandre.
À la fin du repas, elles étaient parties à pieds vers le magasin de décoration où Magda voulait aller. Il n'était vraiment pas loin. Elles allaient y trouver toute sorte de meubles un peu vintage et des babioles que Magda voyait bien dans leur maison. Et puis... Laura trouvait toujours quelque chose à mettre sur la commode de sa salle à manger. Le plus difficile restait de s'arrêter à un unique objet. Elle, elle aurait volontiers tout acheté.
Ce n'est qu'au rayon des miroirs pour la chambre que Laura se décida à ré-aborder le sujet « Harry ». Elle était là, devant un grand miroir bordé de plusieurs plantes vertes qui offraient un cadre naturel au reflet qu'elle avait devant les yeux.
« Magda ?
— Mmmh ?
— Tu crois qu'Harry pourrait tomber amoureux de moi ? »
Magda vient de se poster juste derrière Laura. Dans le reflet, son visage se trouvait juste au-dessus de l'épaule de son amie.
« Au vu de la soirée qu'il a passée avec nous et cette façon que vous avez de toujours vous chercher, je pense que la vraie question, c'est : depuis quand est-il amoureux de toi ? »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top