Chapitre 11
Chapitre Onzième
Ce soir, Laura gardait Barbara. Louis et Rika allaient à un concert au Concertgebouw et entendre des symphonies au violon pendant deux heures état déjà compliqué pour Louis, alors pour sa fille... Donc Laura s'était gentiment proposée de la garder pour la soirée. On était vendredi, ils n'auraient qu'à venir la chercher samedi midi après leur boulot.
Elles avaient passé une super soirée. Laura était allée la chercher à la garderie après son travail. Elles avaient été acheter des chocolats pour pouvoir en manger devant le dessin animé que Barbara pourrait choisir. Elle avait choisi Mulan. Elle s'était endormie avant la fin, alors Laura l'avait couchée dans le lit - enfin le matelas - qu'elle lui laissait toujours dans son dressing quand elle restait dormir. Elle le calait bien contre les murs pour être sûre qu'elle ne tombe pas. Elle n'avait pas l'habitude de dormir dans un lit sans barreau, et même si elle avait soudainement l'impression d'être enfin grande, ça faisait un peu peur. Pour l'occasion, Laura avait même rangé la pièce exprès.
Après le coucher, Laura avait regardé la fin du dessin animé, parce que Mulan, c'était quand même très cool. Puis, elle avait été se changer pour s'installer dans son lit. Là, elle avait enchaîné sa soirée télé sur la saison 5 de Black Mirror. Elle en était au milieu de l'épisode 3 quand son téléphone avait vibré sur le canapé. Elle avait décroché sans regarder qui appelait.
« Ta fille est couchée, t'inquiète, avait-elle assuré persuadé qu'il s'agissait de Louis. Et oui, on a mangé plein de chocolats. Vraiment beaucoup.
— Euh... Okay.
— Oh ! Harry.
— Je te dérange ?
— Pas du tout. Je... Je garde ma filleule ce soir. Je pensais que c'était son père.
— Et donc elle dort.
— À poings fermés.
— Dans ta chambre ?
— Dans mon dressing. Que j'ai rangé depuis la fois où t'es venu. Pourquoi tu m'appelles ? »
Harry avait laissé du temps avant de répondre. Beaucoup trop de temps au goût de Laura.
« Harry ?
— Pourquoi pas ?
— C'est vrai ça... Pourquoi pas... T'es à Dam en ce moment ?
— Non. ... Et toi ? T'es à Copenhague ?
— Non. Non plus. Là, je suis juste au fond de mon lit devant Netflix.
— Sans chocolat ?
— On les a finis y a un moment, rit Laura.
— Tu m'as donné faim... J'ai envie de manger du chocolat maintenant...
— Va en prendre alors...
— Tout a été mangé, ici aussi.
— Par les elfes qui vivent dans ta maison bien sûr.
— Évidemment ! Par qui d'autre ? T'as vu mon corps d'athlète.
— J'ai vu... Ouais...
— Dis Laura... Tu reviens quand au Danemark ?
— Je serai de passage la semaine prochaine, répondit-elle immédiatement comme si elle attendait la question depuis qu'elle l'avait reconnu à l'autre bout du fil.
— Vraiment ?
— Mmmhmmmh.
— Tu crois qu'on pourrait se voir ?
— Je pense que ça sera dans le domaine du possible. Oui. Tu veux que je te ramène du chocolat ?
— Ça serait génial...
— Je t'en ramènerai.
— Harry ?
— Mmmh ?
— En vrai, pourquoi tu m'as appelée ?
— Tu veux une vérité ?
— Ouais.
— Tu sais combien d'heure je passe sur le principe de vérité avec mes élèves ?
— Non.
— Vraiment beaucoup d'heures. C'est super subjectif la vérité, tu comprends ? Parce que dans la vérité, tout dépend du discours. La vérité n'est pas la réalité. Elle tente toujours de se rapprocher du réel, évidemment. Mais elle ne l'atteint pas. Parce que la vérité va toujours dépendre du discours humain. Elle ne peut être qu'un objectif recherché qui va toujours se confronter aux problèmes d'acquisition de la donnée et au critère de jugement. Ce qui peut être vrai pour quelqu'un ne l'est pas forcément pour un autre. Donc ce que je pourrais te dire parce que je considérerais être ma vérité, peut-être ne le jugeras-tu pas comme vrai. Cela ne sera donc jamais ta vérité.
— T'essaye de m'embrouiller là ?
— J'avoue.
— Tu sais quoi ? Je pense que je pourrais me contenter de ta vérité. Alors ta vérité à toi, c'est quoi ?
— Sur le fait de t'appeler ce vendredi soir ? Je dirais principalement que j'avais très envie de t'entendre.
— Juste de m'entendre ?
— C'est déjà pas mal, je trouve.
— Je suis aussi contente de t'entendre, Harry. Même t'entendre respirer, c'est bien.
— Ça m'arrange parce que je commençais à ne plus savoir quoi te dire. Tu me troubles, Laura.
— Oh ? Vraiment ? Un grand bonhomme comme toi, ça se laisse troubler par une fille comme moi ?
— Une femme comme toi. Je préfère. Mais oui. ... Tu trouves pas ça bizarre comme mot « bonhomme » ?
— Euh... Non... rit Laura. Pourquoi ? Tu le trouves bizarre toi ?
— Ouais ! Enfin... Ce qui est bizarre, c'est ce qu'il est devenu. Tu vois, aujourd'hui, quand tu parles de « bonhomme » tu sous-entends forcément un mec très viril, un mec qu'a peur de rien, un mec qui correspond forcément à l'image qu'on se fait de mecs comme... Comme Apollon. Apollon, très bel exemple de l'icône parfait de la virilité masculine.
— Je trouve que tu ressembles un peu à Apollon.
— Personne n'a jamais vu Apollon, Laura. C'est le principe d'un dieu. Tout le monde en parle, personne l'a jamais vu. Enfin tout ça pour dire que la masculinité aujourd'hui associée à ce mot, l'éloigne pas mal de sa définition première. À savoir un bonhomme est un homme plein de bonté.
— Okay... Tu fais souvent des réflexions de ce genre à presque minuit ?
— Ça m'arrive ouais. C'est peut-être pour ça que je suis seul...
— T'es vraiment seul ? »
La réflexion de Laura était sortie toute seule. Sans aucune réflexion préalable. En réalité, ça faisait un moment qu'elle y pensait, mais pour l'instant, elle n'osait pas le rendre réel. Elle n'osait pas le formuler à voix haute, ne serait-ce qu'à elle-même. Alors autant dire que le formuler à voix haute à Harry était, et aurait dû rester, du domaine de l'impensable.
« Excuse-moi. Je sais pas pourquoi j'ai dit ça. Ça me regarde pas en fait.
— Ça te regarde pas ?! Moi, je trouve que ça te regarde un peu quand même... Pourquoi tu dis ça ? T'en doutes ?
— C'est juste que... La première fois où on s'est vu, tu m'as emmenée dans un trou pommé au lieu de me proposer chez toi ou un truc avec un vrai toit et des vrais murs. Et le 1 janvier, t'es parti vite comme si t'étais attendue. Je sais que tu m'as dit que c'étaient tes parents, mais... D'après mes vagues souvenirs de ton profil t'as largement passé l'âge de bien respecter le couvre-feu de ta mère. Je me trompe ?
— Donc tu penses qu'une femme m'attendait en réalité ce 1 janvier et qu'après t'avoir fait l'amour plusieurs fois, je suis allé la retrouver. Et tu penses que si je t'ai proposé un trou pommé en premier rendez-vous, c'était être sûr que personne ne nous voie ?
— Un truc comme ça, ouais...
— Moi, j'ai trouvé notre truc sans vrai toit, ni vrais murs parfait. Je ne t'ai pas emmenée chez moi parce que... Parce que je te l'ai déjà dit, j'étais anxieux et un terrain neutre pour nous deux me paraissait être une bonne idée. Et si tu penses que j'ai passé l'âge de respecter le couvre-feu de mes parents, c'est parce que tu connais vraiment pas ma mère. Même à presque quarante ans, elle me fait peur.
— Tant que ça ? demanda Laura un peu plus détendue.
— Oh oui ! Et sache que j'ai adoré cette nuit et cette matinée avec toi. J'aime les moments avec toi. Mais... Laura ?
— Oui ? répondit-elle d'une toute toute petite voix.
— Je ne suis pas marié.
— Pas en couple non plus ?
— Non plus. Rassurée ?
— C'est pas une question d'être rassurée... C'est... Je t'ai dit que je cherchais quelque chose de différent. Et bien par différent, j'entendais principalement quelque chose avec un mec libre. C'est déjà une belle avancée dans mon cas.
— Je vois. Bon... Et bah sache, que je suis libre. Et qu'en tant que mec libre, je t'attends vendredi prochain.
— Que vendredi ?
— Je pourrais pas dans la semaine.
— Oh... D'accord. Mais je repartirai le dimanche. Mes billets sont déjà pris et j'ai des rendez-vous le lundi, alors...
— Ça nous laisse tout un samedi alors.
— Quelque chose comme ça, oui.
— Super... »
Il avait dit ça dans un murmure. Laura savait que dans une conversation normale entre personnes civilisées, c'était le moment où l'un des deux prenait l'initiative de raccrocher. Sauf que Laura n'avait pas envie de raccrocher et il lui semblait bien qu'Harry non plus.
Ce fut pourtant elle qui dut raccrocher. Parce que Barbara venait d'ouvrir la porte de sa chambre sans aucune pression. Elle était en larmes.
« Bah ma Barbouche ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Barbouche ? fit Harry de l'autre côté du téléphone.
— J'ai... J'ai peur... Et.... Et j'ai... J'ai pas... Maman... »
Et les pleurs étaient repartis de plus belle.
« Je te rappelle. J'ai une crise de larmes à gérer.
— Pas de soucis. À vendredi Laura. »
Laura avait raccroché et était sortie de son lit pour aller vers la petite fille et la prendre dans ses bras. Au moment où Barbara s'était accrochée au cou de Laura, les pleurs avaient largement ralenti.
« Bon déjà, elle est où Lala ?
— Je... Je sais pas.
— On va la trouver. Okay ? Je suis sûre que ça ira un tout petit peu mieux après... Alors... »
Barbara avait secoué la tête, alors qu'elle retraversait l'appartement dans l'autre sens, mais cette fois-ci, dans les bras de Laura. Cette-dernière avait pris le temps d'allumer des lumières pour rendre le tout moins effrayant pour la petite fille. Une fois dans le dressing qui servait de chambre pour la nuit, elle localisa tout de suite Lala, le lapin qui était juste tombée du matelas et avait recouché Barbara en lui rendant son doudou.
« Tu veux que j'aille aussi chercher le t-shirt de maman ?
— Ja.
— Tu bouges pas ?
— Nee. »
Laura alla récupérer le sac dans lequel Rika avait mis toutes les affaires qu'il fallait pour la nuit. Elle avait l'habitude de toujours glisser un t-shirt à Louis qu'elle portait de temps de temps dans les affaires de sa fille. Laura le trouva bien plié au fond et revint voir Barbara pour le glisser à côté de son oreiller.
« T'as moins peur là ? »
Barbara ne répondit pas, mais fixa Laura avec ses grands yeux marron encore humides de quelques larmes.
« Tu veux que je reste ?
— 'a.
— Ok. Je reste. »
Laura s'agenouilla près de la tête de la petite fille et commença à lui passer sa main dans les cheveux pour la calmer et attendre qu'elle retombe dans le sommeil.
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