Chapitre 10

Chapitre Dixième

Entorse à la cheville. Le médecin avait été très clair : entorse à la cheville. Donc, pendant trois jours, Martijn avait interdiction de forcer. Repos avec des pains de glace. C'était écrit sur l'ordonnance. Cela faisait trois jours qu'il squattait le canapé, le pied surélevé sur une petite pile de coussin. Au tout début, ça lui avait bien plu. Sa mère était venue aider Magda pour récupérer les filles à la garderie le vendredi soir et elle était revenue pour l'organisation du repas de Noël qui se faisait le dimanche même. Donc, pour tout le week-end, l'emploi du temps de Martijn était simplisme : rester assis sur le canapé à enchaîner tous les épisodes des séries qu'il avait en retard, parfois un câlin avec une des filles si ce n'est les trois en même temps devant Het zandkasteel puis attendre que sa mère vienne lui demander s'il avait besoin de quelque chose - ce qui arrivait grossièrement toutes les dix minutes. Ce qui avait aussi tendance à exaspérer Magda qui levait les yeux au ciel à chaque fois, il la voyait faire du coin de l'œil.

Au final, tout avait été prêt dans les temps pour le Noël des Gelderman. Martijn avait fait de vrais efforts avec Tim, et Magda le soupçonnait même de bien l'aimer à la fin de la journée. Heureusement, car d'après ce que Suzanne lui avait confié lors de la pause vaisselle et confidences, c'était vraiment du sérieux.

En partant de chez eux, Anouk avait demandé à Magda si elle voulait qu'elle passe demain pour finir de tout ranger et nettoyer, elle ne travaillait pas et ce sera toujours ça de moins à faire. Elle n'avait pas refusé. Loin de là. Martijn était en arrêt de travail jusqu'à mardi, il n'allait pas réussir à faire le grand ménage avec sa cheville en vrac. C'était sûr. Ça serait toujours ça de moins à faire.

La semaine s'était passée doucement. Martijn avait repris le travail le mercredi. Il avait été au bureau en voiture toute la semaine, parce que le vélo n'était pas encore envisageable. Il râlait tous les soirs parce qu'en plein centre, c'était l'enfer pour se garer. Mais il n'avait pas vraiment le choix. Sa cheville lui faisait toujours un peu mal, alors le soir, après le coucher des filles, il aimait bien se mettre dans le canapé avec sa petite pile de coussin pour reposer son pied sur la table de salon. On était vendredi soir, et à huit heures et demi Magdalena avait enfin trouvé le temps de s'asseoir, elle aussi, dans le canapé à côté de son mari.

« T'avais pas une soirée de prévue avec les filles ? demanda Martijn alors que Magda reposa sa tête sur son épaule.

— Je te laisse pas tout seul dans cet état avec les filles. Le temps que tu montes l'escalier...

— Ouais... T'as peut-être raison... Vas-y choisis, proposa Martijn en lui tendant la télécommande.

— On est vendredi, c'est toi qui choisis le vendredi.

— Ouais. Mais vu la semaine que t'as passé... T'as gagné le droit de choisir le programme de ce soir. »

Magda sourit à l'attention et saisit la télécommande pour commencer à naviguer dans les différents programmes de Netflix. Elle avait fini par s'arrêter sur The 100. Saison 5. Episode 4. Ils en étaient là dans leur visionnage. Et alors que l'épisode commençait, on frappa à la porte.

« Nee, assura Magda en se rapprochant encore de Martijn. Geen sprake van !

— C'est peut-être grave.

— C'est sûrement pas grave. »

Nouveaux coups sur la porte.

« Magda...

— Fait chier ! râla Magdalena en se levant du canapé. »

Elle avait traîné des pieds jusqu'à la porte d'entrée. Par la fenêtre, elle aperçut Laura, Romy, Erda et Rika qui lui faisaient des signes de la main.

« Qu'est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle en ouvrant la porte.

— Tu peux pas venir à l'apéro mensuel ? Alors l'apéro mensuel vient à toi ! expliqua Laura en lui tendant une bouteille de vin. On peut entrer ? Il caille dehors... »

Magda s'était légèrement écartée et les filles s'étaient engouffrées dans la maison. Liam était venu saluer les nouvelles arrivantes, ne se gênant pas pour piétiner les quelques flocons qui étaient rentrés eux aussi dans la maison. Et Magda, elle, pensait juste à Anouk qui avait gentiment passé la serpillière dans toute la maison pas plus tard que lundi dernier, et aussi à son épisode de The 100 qui s'éloignait de plus en plus.

« Salut les filles ! s'exclama Martijn qui bougeait pas du canapé. »

Elles étaient toutes allées le saluer. Il avait éteint Netflix et les derniers espoirs de Magda pour une soirée séries/canapé avec. Elle avait sorti six verres de vin du placard de la salle à manger et avait rejoint tout le monde dans le salon.

« Et comment tu t'es fait ça ?

— Je me suis pris les pieds dans les fils électriques qui traînaient par terre. On refait l'éclairage d'une des salles de l'étage à la galerie... »

Erda s'était gentiment moquée de lui pendant que Laura s'occupait d'ouvrir la bouteille de vin. Elle avait rempli les verres. Romy avait gentiment refusé. Elle préférait du sans-alcool.

« Non ! Magda. Ne bouge pas. J'y vais. Commencez par nous raconter votre voyage en Californie à la place. »

Ok. Il ne fallait pas plus en dire à Martijn. Il avait commencé par leur arrivée à New York. Ils y avaient passé quelques jours et il avait presque plus d'étoiles dans les yeux qu'Esmée quand elle avait vu les écureuils de Central Park pour la première et qu'elle avait tenté de courir après, son oncle sur les talons. Puis ils avaient repris l'avion pour Los Angeles. Et là...

« Là... Non mais je savais que Charles pouvait être insupportable à Noël. Ça fait quelques années que je pratique maintenant. Mais là... Là, c'était pas possible. Moi, j'étais préposé à la décoration de la table avec Silena et Annabeth.

— Il essayait juste de t'éloigner le plus possible de la cuisine, tenta Magda pour défendre son frère.

— Mais c'est même pas ça le souci ! Il était relou. Et faut qu'à cette heure-ci, on ait finit parce que Céraphine et Coline doivent dormir à telle heure et faut qu'à cette heure-là, on soit tous à tel endroit et blablabla et blablabla. Mec ! C'est Noël. On est debout jusqu'à quatre heures du mat'. Facile. Tes filles dormiront quand elles voudront dormir comme tous les enfants en fait... Il avait même prévu l'heure d'ouverture des cadeaux. Ce qui, je pense a fini d'éteindre les derniers espoirs de Léandre sur l'existence du Père Noël. Horrible. Mais à part ça, c'était cool.

— Et t'as fait du surf ? demanda Erda en souriant.

— Rapidement.

— Pas rapidement du tout, contredit Magda. Prim' est venu le réveiller le vendredi à six heures pour avoir les meilleures vagues. Il a râlé, mais il y est allé. Et au final, il a adoré.

— Ouais... Je dois avouer que c'était pas si mal que ça... concéda rapidement Martijn. C'était cool, vite fait quoi.

— Il a quand même demandé à Prim' d'y retourner la semaine d'après.

— Ah ouais t'as vraiment adoré en fait.

— Bon. Ça va. J'ai eu tort de dire que c'était une très mauvaise idée. Contentes ? »

Les filles hochèrent toute la tête en riant. Puis Magda passa aux photos qu'ils avaient faites pendant toute la semaine. Ça les avait occupés un long moment et évoquer sa famille avait fait du bien à Magda.

« Et vous ? Vos premiers de l'an ? »

Rika se mit à raconter le dîner auquel Laura avait échappé. Elle se dit qu'elle avait bien fait de se trouver un plan B. Tout était toujours mieux qu'un dîner autour d'une table avec des couples qui ne parlent que de leurs enfants. Et elle se dit que c'était très certainement ce qu'Harry avait dû vivre. Puis Romy parla de leur soirée chez leurs amis, et conclut avec un très simple :

« Mais du coup Laura, tu l'as revu le mec ?

— Lequel ?

— L'anglais.

— Ah non ! Sûrement pas. Je suis partie au petit matin de sa chambre et ciao bonsoir.

— Mauvais coup donc, conclut simplement Magdalena.

— Et l'autre ? demanda Martijn.

— Quel autre ?

— Bah t'as répondu « Lequel », ce qui sous-entend qu'il y en a d'autre. Au moins un. Alors ?

— Ah. »

Laura, qui était assise sur le pouf habituellement réservé à Louis, repris son verre sur la table basse pour y faire tourner le rosé qu'elle avait ramené. Par où pouvait-elle commencer pour ne pas affoler ses amis ?

« Ouais... Euh... Comment dire... J'ai rencontré un mec au Danemark, et... Et il était aux Pays-Bas pour le nouvel an. Du coup, on s'est revu. Et... C'était cool.

— Tu l'as rencontré comment ? s'intéressa Erda. Raconte !

— Et il ressemble à quoi ? continua Romy.

— Oh ! Il est un peu plus âgé que moi, quelques années à peine. Assez grand avec des cheveux châtains toujours en arrière. Il a... Il a des yeux bleus et des tatouages. Deux tatouages. Il est musclé aussi. Très musclé. Et... »

Et Laura se perdait surtout dans les détails en espérant que ça fera oublier le point rencontre, mais c'était sans compter sur Rika:

« Et la rencontre ?

— Oui. Euh... La rencontre... Alors là... Vous allez crier mais promis il s'est rien passé de grave.

— Laura. Raconte. »

Et Laura raconta. Elle raconta leur match alors qu'elle n'était encore que dans son bain au fond de sa chambre d'hôtel. Leur heures d'échanges de messages. La proposition de Harry de le retrouver au milieu de nulle part. Son « chiche ». Elle avait été un peu plus succincte sur leur nuit, parce qu'elle n'était pas certaine que des mots suffirent à leur faire comprendre le côté magique du moment qu'ils avaient vécu.

« T'es complètement folle, commença Rika. Putain Laura ! Mais tu te rends compte ! Ça aurait pu être un psychopathe qui ne pensait qu'à te tuer. Laura ! Mais ça va pas bien dans ta tête ! En plus, personne ne savait où t'allais !

— Si ! se défendit Laura. J'avais dit au concierge de l'hôtel de s'inquiéter si je ne revenais pas chercher ma valise à neuf heures.

— Ah bah super alors ! Le concierge était au courant ! Non mais t'es complètement folle !

— Rika calme-toi. Il s'est rien passé. C'était pas un psychopathe et elle n'a pas l'air traumatisée du tout, fit remarquer Martijn. Et vous vous êtes revus le premier ?

— Oui. Quand je suis partie de l'hôtel de l'anglais, j'ai vu son message. Je lui ai proposé un café et comme tout était fermé, je l'ai invité chez moi.

— De mieux en mieux, soupira Rika. Et pourquoi pas chez lui ?

— Il était chez ses parents. Je me voyais mal débarquer et j'étais toujours en robe. Je mourrais de froid.

— Mouais... C'est ce qu'il t'a dit. »

Laura préféra ignorer et repris :

« On a... Enfin, il est resté toute la matinée avec moi et puis il a dû repartir pour le déjeuner. Il avait dit à ses parents qu'il serait de retour pour le repas.

— Tu l'as revu depuis ?

— Non. Il est reparti à Copenhague le lendemain. Mais... J'imagine qu'on se reverra quand j'y retournerai.

— C'est-à-dire ?

— Trois semaines. Un mois. Quelque chose comme ça...

— T'as envie de le revoir ? »

Laura hocha juste la tête en souriant. Bien sûr qu'elle avait envie de le revoir. Elle mourrait d'envie de le revoir.

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